Beaucoup de managers connaissent le théorème suivant, rappelé dans la préface de cet ouvrage écrit par des experts du lean management : « Tout effort d’amélioration continue finit par buter sur un système informatique » ! À croire que tout peut changer sauf le système d’information.
Ce n’est pas tout à fait vrai mais, évidemment, pas tout à fait faux non plus. Pour les auteurs, le lean management est susceptible de remettre en cause, ou au moins d’atténuer, les effets pervers du théorème cité plus haut. « Au cours des années 2000, le lean management a gagné le titre de seule alternative crédible au taylorisme. » De quoi s’agit-il ? Pour les auteurs, le lean management « vise à satisfaire pleinement les clients, tout en réduisant les coûts et en développant les collaborateurs ».
Au-delà de ce principe général, le lean management répond à trois ambitions. C’est d’abord une philosophie selon laquelle une entreprise doit être capable de produire le produit que veut le client, au rythme où il le demande, chaque collaborateur contribuant, non pas à la création de valeur pour le client, mais à l’amélioration de cette valeur.
Un processus d’amélioration continue… et infini
C’est donc, ensuite, un processus d’amélioration, basé à la fois sur le temps (à l’image du fameux « juste-à-temps » de Toyota, précurseur du lean management) et la qualité. « Chaque problème rencontré est considéré non pas comme un échec, mais précisément comme une opportunité d’amélioration, expliquent les auteurs. Le fait de voir les problèmes et d’apprendre à les résoudre est considéré comme un apprentissage créant de la valeur pour toute l’entreprise.
L’idée que l’amélioration est infinie fait partie de la culture intrinsèque de l’entreprise et chacun utilise son poste de travail comme lieu d’identification d’opportunités d’amélioration et d’expérimentation d’idées nouvelles. »
La pratique du lean management dans l’IT, agilité et amélioration continue, par Marie-Pia Ignace, Christian Ignace, Régis Medina et Antoine Contal, éditions Pearson, 242 pages, 2012
Le lean management est, enfin, une voie de valorisation des collaborateurs. Mais cela amène à se poser deux questions : les collaborateurs sont-ils vraiment interchangeables ? « Votre help desk est-il composé de personnes à fort turn-over, très peu formées ? Vos chefs de projet tournent-ils comme des toupies sur n’importe quel sujet ? », interrogent les auteurs. Si c’est le cas, la démarche de lean management sera plus difficile à implémenter…
Seconde question à se poser : « L’informatique est-elle un support pour le travail des collaborateurs ou ces derniers sont-ils chargés d’alimenter un système qui leur dira ensuite quelle tâche accomplir ? » Pour les auteurs, le lean management apporte deux avantages essentiels aux DSI : d’une part, il « améliore le fonctionnement de toutes les activités informatiques », et d’autre part, il « rend transparentes la technologie et la complexité au profit de l’obtention infiniment plus rapide, pour l’utilisateur, de la valeur attendue : communiquer, s’informer, produire, consommer ».
Les trois malédictions des informaticiens
Mais, là encore, les auteurs rappellent les trois malédictions qui frappent les informaticiens. D’abord, la malédiction de la connaissance : « En tant qu’experts, les informaticiens éprouvent des difficultés à comprendre en quoi ce qui est évident pour eux ne l’est pas pour d’autres professions. » Ensuite, la malédiction de l’ignorance : « Paradoxalement, les informaticiens en connaissent bien trop peu sur la réalité quotidienne de leurs utilisateurs et la valeur qu’ils tirent de l’outil informatique.
Bien souvent ils ne savent d’ailleurs pas vraiment qui sont ces derniers. C’est ainsi que les équipes informatiques peuvent continuer à livrer des logiciels conformes aux spécifications mais qui ne satisfont pas leur utilisateurs. » Enfin, la malédiction de la « réinvention » pose que les principes de la conception d’une interface homme-machine sont bien définis et largement documentés, mais ils sont souvent peu connus des équipes de développeurs.
On le voit, le lean management met le client au centre de la démarche, mais il reste des écarts importants avec les pratiques des DSI et de leurs équipes. Le lean management propose un modèle d’analyse du client articulé autour de cinq axes : estimer la valeur attendue par le client, définir les moments où cette valeur est attendue, comprendre le contexte, être fiable et ne pas faire perdre de temps à l’utilisateur.
À ceux qui veulent initier une démarche de lean management, les auteurs, qui proposent dans cet ouvrage une démarche pratique de mise en œuvre, conseillent fortement « d’accepter les préconisations de ceux qui s’y sont risqués avant vous, le lean est une telle révolution dans la façon de voir les activités et d’analyser les situations que l’on ne peut pas dire, sans avoir vraiment essayé, quelle est la bonne pratique que l’on aimerait mettre en avant ». Avis aux amateurs…