Quels sont les éléments qui déterminent la performance d’une équipe projet ? À l’occasion de l’Université du système d’information, organisée par Octo Technology, la consultante américaine Esther Derby a partagé son expérience dans la réussite de la mise en place d’équipes agiles, capables de s’auto-organiser.
Lors d’un travail en équipe, 60 % de l’efficacité provient des conditions initiales, notamment de la composition de l’équipe elle-même, 30 % de la manière de travailler ensemble et seulement 10 % des diverses interventions en cours de projet. C’est sur ces chiffres issus des travaux de deux chercheurs américains, Richard Hackman, de l’université de Harvard, et Ruth Wageman, du Darmouth College (Voir l’encadré : Pour en savoir plus) qu’Esther Derby, consultante spécialiste des processus de développement applicatif, a présenté, lors de son intervention à l’Université du système d’information, qui s’est tenue avant l’été, les facteurs clés de succès de la gestion des projets.
Les conditions initiales : 60 % de l’efficacité
La consultante a ensuite rappelé quelles sont les conditions initiales à réunir pour mener un projet de développement applicatif de manière performante :
- Le projet doit avoir un objectif concret et bien défini. C’est pour répondre à ce besoin que plusieurs personnes vont travailler ensemble pendant plusieurs jours.
- Le projet doit être confié à une vraie équipe.
« Souvent, les organisations qualifient d’équipe ce qui n’en est pas une », avertit Esther Derby. Ainsi, il ne faut pas oublier, qu’avant tout, une équipe constitue une entité sociale :
- Interdépendante, au sens où chaque membre a besoin des compétences des autres. Une équipe n’est pas un groupe de personnes aux compétences identiques.
- Avec un objectif imposé : plus celui-ci est proche du client, plus l’engagement de l’équipe sera important.
- Dont les membres sont mutuellement redevables sur le travail à fournir et le succès du projet.
- De petite taille, c’est-à-dire n’excédant pas dix personnes, et idéalement autour de cinq. Au-delà de dix personnes, maintenir la communication entre les membres nécessite des efforts qui font baisser la productivité.
- Dont les membres doivent passer du temps ensemble. La construction d’une équipe ne se fait pas du jour au lendemain, elle naît d’une histoire commune.
Pour démarrer, cette équipe a elle-même plusieurs besoins :
- Elle a besoin d’informations sur le travail à mener mais aussi sur son contexte, afin de comprendre comment son travail répond aux métiers de l’entreprise, aux besoins du client et aux attentes du marché, et de pouvoir ainsi prendre des décisions.
- Elle a également besoin d’un support matériel, en particulier quand ses membres sont géographiquement dispersés.
- Elle doit pouvoir accéder à une expertise externe si nécessaire,car il est rarement possible de réunir toutes les compétencesrequises au sein de l’équipe projet.
- Enfin, elle doit être en lien avec l’organisation et pouvoir échanger avec cette dernière.
Travailler ensemble : 30 % de l’efficacité
« De tout petits éléments peuvent influencer le fonctionnement d’un groupe », prévient Esther Derby. « Dans une équipe, on peut ainsi observer des comportements-types se mettre en place, comme de se référer systématiquement à celui qui a le plus d’ancienneté. » Une dynamique fréquente dans les projets est celle du manager qui surveille le travail tandis que l’équipe est en attente de signaux et d’indications pour la guider dans son travail. « Ce cycle n’est pas mauvais en soi, mais il n’est pas adapté aux approches agiles », nuance la consultante. En effet, dans le cas des projets agiles, la capacité des équipes à s’auto-organiser, c’est-à-dire à prendre un certain nombre de décisions par elles-mêmes, est un facteur clé d’efficacité.
Dans ce contexte, il existe trois types de décisions :
- celles qui peuvent être confiées à l’équipe elle-même ;
- celles qui sont partagées avec le manager ;
- celles qui relèvent uniquement du manager.
Pour que le projet se déroule bien, il convient de définir précisément les décisions qui entrent dans chacune de ces cases, et notamment celles qui sont confiées à l’équipe ainsi que celles qui sont partagées. Les décisions relevant de l’équipe seule peuvent concerner par exemple des sujets techniques comme le choix des règles et standards de développement à mettre en œuvre, dès lors que ceux-ci n’ont pas d’impact sur d’autres équipes. Les décisions partagées peuvent porter sur la répartition des tâches dans l’équipe, le type de formation à mettre en place, ou même les évaluations annuelles.
L’auto-organisation est un processus continu. L’équipe doit sans cesse trouver le bon équilibre dans son fonctionnement, et cela à plusieurs niveaux, comme l’ont notamment montré les travaux de Rashina Hoda à l’université d’Auckland. Le premier niveau concerne l’équilibre entre l’apprentissage et la production. Une équipe qui se concentre uniquement sur la livraison à fournir ne bénéficie pas de l’effet d’équipe où chacun apprend de l’autre, et elle n’apprend pas non plus à travailler ensemble.
Néanmoins, le temps consacré à cet apprentissage ne doit pas nuire à la productivité globale. La solution peut être de consacrer un vendredi par mois à réfléchir ensemble sur ce qui peut être amélioré dans le fonctionnement de l’équipe.
Le deuxième niveau porte sur l’équilibre entre les tâches et les spécialisations individuelles face au travail du groupe. Cet enjeu est particulièrement sensible dans les organisations où les définitions de postes décrivent très précisément ce que fait un testeur, un analyste, un développeur…
« Penser le travail que l’on fait non comme « le mien », mais comme « le nôtre » est très puissant dans ce type de contexte », affirme Esther Derby. Il faut également veiller à définir précisément les critères qui font qu’une tâche, un module ou une version de l’application passent de l’état « en cours » à l’état « fait », en incluant toutes les étapes du développement, jusqu’aux tests.
Enfin, un troisième niveau concerne l’équilibre entre l’autonomie et la responsabilité de l’équipe. Si l’équipe est capable de travailler de manière autonome, elle ne doit pas oublier qu’elle a une responsabilité face à l’organisation. Le manager a besoin de connaître l’avancement du travail, sans pour autant demander sans cesse aux membres de l’équipe où ils en sont.
L’équipe doit s’assurer que son travail est visible et qu’il apporte de la valeur à l’entreprise. Il est important par ailleurs que chaque membre de l’équipe connaisse les compétences des autres. « Une simple description de leur parcours ne suffit pas, une discussion est préférable, notamment pour identifier des compétences peu courantes », conseille Esther Derby.
Les interventions externes, à quel moment ?
Si en moyenne, les interventions externes ne contribuent que faiblement à l’efficacité globale de l’équipe, elles peuvent néanmoins être nécessaires. De manière générale, les managers ne doivent pas intervenir trop souvent, mais ils ne doivent pas non plus intervenir trop tard. « Si une équipe attend deux ans sans rien livrer et que le manager hésite à intervenir, la situation n’est pas tenable », relate Esther Derby, qui a été confrontée à un tel cas.
Parmi les autres interlocuteurs externes susceptibles d’intervenir en cours de projet figurent également les consultants experts en construction d’équipe. L’impact du coaching varie considérablement selon la constitution de l’équipe, comme les chercheurs Richard Hackman et Ruth Wageman l’ont montré. Si celle-ci a été bien conçue et que l’accompagnement est efficace, l’impact sera élevé. Un bon coaching pourra également améliorer la performance d’une équipe mal conçue, mais dans une moindre mesure. Inversement, un mauvais accompagnement n’aura que peu d’impact sur une équipe bien structurée, alors qu’il fera drastiquement chuter la performance d’une équipe mal conçue.
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