Comment remotiver les équipes de la DSI

Entre batailles d’ego, guerres de clans, frictions entre des personnalités difficiles, flou dans les organigrammes, les équipes de la DSI ne sont pas toujours soudées et focalisées sur des objectifs communs. La mission du DSI s’en trouve compliquée.

Il est pourtant possible de s’en sortir… On entend souvent dire que les DSI ont des difficultés à dialoguer avec les responsables métiers, car ils ne parlent pas le même langage et ne partagent pas les mêmes enjeux business. Il en est parfois de même entre les différents départements de la DSI, par exemple entre les études et la production, les uns ne comprenant pas nécessairement les contraintes des autres. Cette incompréhension débouche régulièrement sur des guerres de clans où chacun défend son territoire et campe sur ses positions. Les querelles de personnes prennent le pas sur les problèmes à résoudre et les projets n’avancent plus. Comment sortir de l’ornière ? Comment faire en sorte que des personnes qui ne se parlent plus arrivent à nouveau à travailler ensemble efficacement ?

Identifier les points de convergence

Un certain nombre d’outils ont pour objectif de structurer les échanges en groupe et de favoriser l’expression de chaque participant tout en facilitant l’émergence d’une vision et d’une dynamique collectives autour des sujets traités. Parmi ces outils figure le « double tour de parole ». L’objectif du premier tour est de permettre à chacun de répondre, « en son âme et conscience », à la problématique posée. L’objectif du deuxième est de faire ressortir les points de convergence entre tous les avis exprimés afin de dégager des pistes d’action partagées.

Le double tour s’adapte parfaitement aux situations que rencontre tout service informatique en permettant, d’une part, de développer la cohésion de l’équipe, et, d’autre part, d’établir de bonnes relations à la fois avec les maîtrises d’ouvrage et les fournisseurs. La règle centrale de cet outil, à savoir l’absence de débat et d’interruption entre les participants lorsqu’ils s’expriment, présente plusieurs avantages. D’abord, elle incite les participants à écouter attentivement ce qui se dit au premier tour pour pouvoir faire une synthèse pertinente au second tour. Le degré de concentration des participants est particulièrement élevé. Ensuite, elle instaure un climat d’équité et de réciprocité entres les participants : chaque avis exprimé a la même valeur que les autres et est respecté en tant que tel. Enfin, elle permet d’obtenir rapidement des résultats en évitant les confrontations stériles qui ralentissent la progression du groupe et ne débouchent que rarement sur des décisions concrètes et partagées.

Dégager un consensus dans une DSI sous tension

Cette approche a été mise en œuvre dans une DSI. Pour préparer au mieux une année 2012 qui s’annonce difficile avec des enjeux techniques importants et une pression de plus en plus forte exercée par les directions métiers, le patron d’une entité informatique de 500 personnes éprouve le besoin de réunir son équipe de direction afin de travailler sur les grands objectifs de l’année à venir, sur les rôles de chacun de ses directeurs et sur les objectifs individuels de ceux-ci.

Mais cette équipe est encore fragile. Elle a été constituée moins de six mois auparavant. Elle est issue de fusions et réorganisations successives, et rassemble des individus venant d’horizons différents. Les membres de l’équipe ne se connaissent pas très bien. Ils travaillent ensemble au quotidien, mais n’ont pas vraiment eu le temps de se découvrir, pris par l’urgence des problèmes à traiter. De fait, les rôles et les missions ne sont pas encore bien définis et des tensions sont apparues entre certaines personnes : des « anciens » se sont crus autorisés à s’immiscer dans le management d’équipes gérées par des « jeunes » ; les responsables des fonctions support estiment qu’ils ne sont pas assez pris au sérieux par leurs homologues opérationnels. Les critiques fusent régulièrement…

Pourquoi ne pas se mettre au vert et en profiter pour tout poser sur la table ? La décision est prise d’organiser un séminaire de deux jours et de travailler sur trois points : les objectifs de la DSI, la clarification des rôles de chacun et les objectifs individuels des entités, avec des approches méthodologiques telles que le Double Tour ou la Place du Marché. Dès les premières prises de parole, des mots-clés ressortent : communication, professionnalisation, valorisation, cohérence, transparence, pilotage…

Un consensus se dégage rapidement autour de quelques chantiers prioritaires à mener vis-à-vis des collaborateurs de la DSI, d’une part, et des clients internes, d’autre part. Un effort particulier doit être fait sur la communication vis-à-vis de ces deux populations. Plus de réactivité, de transparence, mais aussi plus de valorisation de ce qui est fait pour les métiers. L’équipe sait maintenant ce qu’elle doit faire pour réussir.

Clarifier les rôles et les responsabilités : un exercice à haut risque

Pour la question de la clarification des rôles de chacun, l’approche de la Place du Marché a été uti­lisée. Une question délicate car, dans cette DSI, il y a de fortes personnalités et certains ont profité de la période de flottement pour s’attribuer des responsabilités et des territoires sans réelle légitimité.

Grâce à ce système d’offres et de demandes, les membres de l’équipe se rendent compte qu’ils peuvent s’apporter bien plus que ce qu’ils imaginaient auparavant : compte tenu de son parcours, la responsable qualité et méthodes propose aux opérationnels une aide à la conduite du changement ; la responsable du contrôle de gestion est prête à faire une formation financière pour le membres du Codir qui veulent mieux comprendre comment fonctionne la gestion de l’entreprise; l’adjoint du DSI, chargé du suivi opérationnel, est prêt à jouer le rôle de médiateur avec les nouveaux responsables de business units qu’il connaît bien ; le responsable de l’architecture demande un soutien de la finance et de la logistique pour mieux gérer les approvisionnements en composants techniques… Il n’y a plus de zone d’ombre. Les ajustements éventuellement nécessaires ont été identifiés. Tout ce qui avait besoin d’être dit a été dit…

Un exemple de mise en œuvre

Dans une grande entreprise, la décision est prise d’organiser un séminaire de deux jours dans un cadre agréable et loin de l’agitation des bureaux parisiens. Rapidement se pose la question de l’animation de ce séminaire. Comment faire en sorte que les participants s’expriment à cœur ouvert sans que cela tourne au règlement de comptes généralisé ? Le risque est loin d’être négligeable ! Il faut trouver une méthode pour qu’ils travaillent ensemble dans le calme et la sérénité.

Quatre intervenants extérieurs sont consultés. Trois d’entre eux proposent des approches plutôt traditionnelles à base de Post-it que l’on colle sur les murs… Rien de très novateur… Le quatrième est très différent. Il parle de « double tour de parole ». Pour le DSI, c’est franchement décalé, voire plutôt intriguant. Mais il se laisse tenter, avec la conviction suivante : il faut innover si l’on veut casser les habitudes et provoquer un vrai changement.

Les collaborateurs du DSI se retrouvent un mercredi soir dans un château proche de Paris. Pour ménager l’effet de surprise et préserver ainsi la fraîcheur et la spontanéité des propos, les participants n’ont pas été informés du programme précis du séminaire. Ils savent simplement qu’ils vont travailler sur trois points : les objectifs de la DSI, la clarification des rôles de chacun et les objectifs individuels des entités. Lors du premier dîner, certains essaient d’en savoir plus, mais l’animateur reste muet. Il se contente d’observer et d’écouter ce qui se dit entre les convives. Visiblement, ils sont heureux de se retrouver là. C’est sans doute la première fois qu’ils dînent ensemble en dehors du travail. Ils ne parlent pas boulot ! Ils cherchent simplement à mieux se connaître.

Le jeudi matin, on entre dans le vif du sujet. Première session de travail sur les objectifs de la DSI. L’animateur dévoile alors la méthode qui va être utilisée pour faire travailler le groupe. Le directeur va présenter les objectifs de la DSI pendant dix minutes. Le groupe va disposer de dix minutes de réflexion afin de répondre à la double question suivante : par rapport à ces objectifs, quels sont les facteurs clés de succès ? Quels sont les points d’attention, les pièges à éviter ? Ensuite, un premier tour de parole va être lancé : chaque participant va répondre pour lui-même à la double question. Aucun débat n’est permis. Aucune interruption n’est autorisée. Chacun va s’exprimer à tour de rôle. Puis un deuxième tour de parole va être organisé : chacun va alors s’efforcer de synthétiser ce que le groupe, dans son ensemble, a dit au premier tour.

Lors de la phase de réflexion, le silence s’installe. Chacun se retrouve face à lui-même et note ce qui lui paraît finalement le plus important. Ce qui compte pour lui. À l’issue des dix minutes, le premier tour commence. Les prises de parole s’enchaînent. La règle du « non-débat » est respectée. Aucune polémique ne se déclenche. Les discours sont factuels, les propositions concrètes, sans langue de bois ni provocation. La volonté d’avancer ensemble se manifeste clairement. Tout le monde écoute attentivement ce qui est dit. Le DSI intervient à son tour, comme les autres, car il est aussi un membre de l’équipe. L’équité et la réciprocité se mettent en place. La solidarité se construit en temps réel au fil des interventions.

Immédiatement après la fin du premier tour, le deuxième tour est lancé. La question à laquelle chacun doit répondre est la suivante : finalement, qu’avons-nous dit, collectivement, au premier tour ? Dès les premières prises de parole, des mots-clés ressortent : communication, professionnalisation, valorisation, cohérence, transparence, pilotage… Un consensus se dégage rapidement autour de quelques chantiers prioritaires à mener vis-à-vis des collaborateurs de la DSI, d’une part, et des clients internes, d’autre part. Un effort particulier doit être fait sur la communication vis-à-vis de ces deux populations. Plus de réactivité, de transparence, mais aussi plus de valorisation de ce qui est fait pour les métiers. On parle trop des trains qui arrivent en retard. Jamais de ceux qui arrivent à l’heure… En deux heures, l’essentiel a été dit, sans drame et sans frustration… Les participants ont tous pu s’exprimer librement. L’équipe sait maintenant ce qu’elle doit faire pour réussir.

Clarifier les rôles et les responsabilités : un exercice à haut risque

Le jeudi après-midi, un sujet délicat attend le groupe : la clarification des rôles de chacun. Le DSI a prévenu l’animateur : il y a de fortes personnalités dans l’équipe. Certains ont profité de la période de flottement pour s’attribuer des responsabilités et des territoires sans réelle légitimité. Les discussions risquent d’être houleuses…

Pour déjouer le piège et garder le groupe productif, l’animateur décide d’utiliser un autre outil de structuration de la prise de parole proche du double tour : la « place du marché ». Dans cet exercice, il est demandé aux participants de faire des offres et des demandes aux personnes présentes. L’objectif de la place du marché est de renforcer les liens entre les membres de l’équipe en les incitant à aller au-delà de leur fonction et à s’entraider en se rendant, gratuitement, des services qui vont permettre à chacun de progresser dans l’exercice de son métier. L’animateur demande à chaque membre de l’équipe de prendre dix minutes de réflexion et de répondre à la double question suivante : comment voyez-vous votre rôle ? Que pouvez-vous offrir aux autres membres de l’équipe pour atteindre les objectifs définis ensemble et de quoi avez-vous besoin des autres membres de l’équipe pour remplir au mieux votre mission ?

Grâce à ce système d’offres et de demandes, les membres de l’équipe se rendent compte qu’ils peuvent s’apporter bien plus que ce qu’ils imaginaient auparavant : compte tenu de son parcours, la responsable qualité et méthodes propose aux opérationnels une aide à la conduite du changement ; la responsable du contrôle de gestion est prête à faire une formation financière pour le membres du CODIR qui veulent mieux comprendre comment fonctionne la gestion de l’entreprise; l’adjoint du DSI, chargé du suivi opérationnel, est prêt à jouer le rôle de médiateur avec les nouveaux responsables de business units qu’il connaît bien ; le responsable de l’architecture demande un soutien de la finance et de la logistique pour mieux gérer les approvisionnements en composants techniques…

Les échanges d’expériences et de savoir-faire permettent de faciliter le travail de chacun au quotidien, et donc l’efficacité du groupe. En se rendant plus forts les uns les autres, les membres accroissent notablement les chances de succès de l’équipe. La volonté d’échange renforce l’engagement et la solidarité entre les membres du groupe. Tout le monde avance dans la même direction.

À la fin de la journée, un premier bilan est dressé. Le DSI et le responsable RH, très satisfaits du déroulement du séminaire, ne pensaient pas que les échanges seraient aussi riches. Ils craignaient que les membres de l’équipe n’osent pas se dévoiler. Les participants sont également ravis. Ils ont été sensibles à la confiance et à la bienveillance qui se sont installées progressivement dans le groupe. Ils soulignent l’honnêteté, la transparence et la cordialité des échanges. Le dîner vient couronner cette journée riche en découverte et en partage. Les membres de l’équipe sont encore plus détendus que la veille. La soirée se transforme en concours général de billard. Des équipes se forment entre des personnes qui étaient en froid quelques jours auparavant. Les anciennes tensions sont oubliées.

Le vendredi matin, dernière ligne droite : la déclinaison des objectifs globaux de la DSI en objectifs individuels des entités. Pour cette session, l’animateur propose de faire un « tour d’échos ». Chaque responsable d’entité présente ses objectifs et le groupe est incité à réagir et à faire des propositions pour enrichir sa vision des choses. L’intelligence collective qui s’est créée depuis la veille joue à plein. La coopération se fait naturellement entre les participants. Des initiatives croisées sont proposées spontanément pour assurer la cohérence des actions et l’efficacité globale du CODIR. Les objectifs individuels sont désormais connus de tous et partagés par le groupe. Il n’y a plus de zone d’ombre. Les ajustements éventuellement nécessaires ont été identifiés. Tout ce qui avait besoin d’être dit a été dit…

 


Une approche en quatre temps1. Travailler sur les objectifs globaux de l’organisation
Le responsable expose les objectifs. Un Double Tour de Parole est organisé pour permettre à chaque membre de l’équipe de réponde à une série de questions. Celles-ci amènent les participants à s’approprier les objectifs et à trouver des solutions pour les atteindre. Exemples de formulations : « quels sont les facteurs-clés de succès / qu’est-ce qui va nous permettre de réussir, et quels sont les points sur lesquels nous devons porter notre attention/quels sont les pièges à éviter ? »

2. Définir les rôles et des missions de chacun
Une « Place du Marché » est organisée pour permettre à chacun d’exprimer comment il voit son rôle et, surtout, ce qu’il peut apporter à l’équipe de direction dans le cadre des objectifs globaux définis préalablement, et ce dont il a besoin de la part des autres membres de l’équipe pour remplir au mieux son rôle. L’objectif de la Place du Marché est de renforcer les liens entre les membres en les incitant à aller au-delà de leur fonction et à s’entraider en se rendant, gratuitement, des services qui vont permettre à chacun de progresser dans l’exercice de son métier.

3. Définir les objectifs individuels
Chaque participant présente ses objectifs individuels et le groupe est incité à réagir et à faire des propositions pour enrichir sa vision des choses. Cette demi-journée permet de développer l’intelligence collective qui s’est créée depuis le début du séminaire et de faciliter la coopération entre les participants afin d’assurer la cohérence du travail de l’équipe.

4. Préparer des plans d’action
Les chantiers à mener sont identifiés et les plans de mise en œuvre font l’objet d’un premier travail d’élaboration collective par les membres de l’équipe.

Source : Start&scale


Cet article a été écrit par Laurent Chiozzotto.