Tout au long des transformations qu’une organisation doit entreprendre pour mieux satisfaire son client, celle-ci doit redéfinir puis améliorer l’utilisation de ses ressources : son organisation, son SI et ses processus. Mais le vécu du client, hors de ses contacts avec l’entreprise, reste largement étranger aux processus qui doivent le satisfaire.
La relation entre l’entreprise et son client peut être vue comme la rencontre de deux complexités. Le client évolue dans un contexte très largement étranger à l’entreprise : il vit des moments et des événements dont certains sont en lien avec les produits et services que propose l’entreprise, et d’autres pas, mais qui pourraient l’être. Il est volatil dans ses comportements et sa consommation. L’entreprise est pour lui un fournisseur parmi d’autres.
Cette dernière, de son côté, est une mécanique : elle doit mettre en œuvre les moyens nécessaires à l’atteinte de ses objectifs opérationnels et stratégiques, et les améliorer sans cesse dans ce but. La relation entre une entreprise et ses clients est donc rythmée par les interactions prévues dans le cadre du déroulement de ses processus majeurs : la vente, le service après-vente.
À défaut d’une connaissance exhaustive du client, nécessaire pour améliorer la performance des processus, il faudra reconstituer son cheminement vu de sa perspective, tout au long du déroulement de ces processus. Cette démarche prend place dans l’entreprise sous la forme d’un projet de transformation des pratiques métiers, où il s’agira de faire pénétrer plus avant la perspective client dans le fonctionnement de l’entreprise, avec des impacts forts sur le système d’information.
Dans l’approche traditionnelle, l’entreprise se devrait d’engager les programmes de transformation nécessaires face à des contraintes de conformité légale et réglementaire, d’efficience opérationnelle et d’amélioration de la qualité intrinsèque des produits et services.
Ces programmes nécessitent d’élaborer un plan d’urbanisme des fonctions métiers, de les représenter et de les cartographier sous forme de processus, puis de s’affranchir de l’organisation par domaine pour tendre vers une représentation des processus de bout en bout, et, enfin, de les faire converger vers les axes stratégiques. Il s’agira aussi de décloisonner puis d’homogénéiser et d’unifier les systèmes d’information, et enfin les aligner sur les processus porteurs de la stratégie.
Une fois les parcours clients identifiés et formalisés, il faut déterminer les liens existant entre les parcours spécifiés et les processus correspondants. Ces liens peuvent être de deux natures. Un premier groupe de liens représente la manière dont la réalisation des parcours et celle des processus correspondants sont liées : on doit pouvoir reconstituer les dépendances dans la mise en œuvre respective des uns et des autres.
Un deuxième groupe de liens traite d’aspects plus qualitatifs : ils ne s’intéressent plus aux dépendances processus/parcours mais à leur capacité à véhiculer des facteurs de satisfaction ou des valeurs importantes pour le client. On retrouvera ici le respect des délais, l’adéquation au besoin, la qualité du service, mais aussi l’engagement, l’écoute, la visibilité.
Évaluer la maturité
On le voit, s’engager dans un projet de parcours client représente pour l’entreprise un changement culturel dans sa compréhension du client, mais aussi une opportunité de repenser ses pratiques métiers. Le succès du projet dépend bien évidemment de la maturité de l’entreprise au regard des concepts de parcours client et de questionnement selon la satisfaction client, ainsi que sur les sujets connexes comme le pilotage par les processus.
Une étape préalable au projet est donc de mesurer cette maturité. Il est intéressant de la mesurer à deux niveaux, transverse dans un premier temps, puis par domaine métier. Le choix d’un premier périmètre est un élément crucial pour la démarche parcours client. Celui-ci doit éviter « l’effet tunnel » en produisant à court terme des résultats probants qui devront être tant méthodologiques qu’opérationnels.
Une gouvernance stratégique
Le référentiel mis en place durant le projet parcours client se compose de différents corpus de connaissance, ayant chacun un cycle de vie différent. D’abord, la description des parcours clients, déclinés par domaine, et les valeurs et objectifs de satisfaction associés : ils peuvent être redéfinis fréquemment par les directions opérationnelles, l’échelle étant la semaine.
Puis, la description des processus correspondants : leur redéfinition est liée à la fois à la stratégie et aux contraintes opérationnelles, l’échelle étant le trimestre. Ensuite, la description des applications du SI contributrices : leur redéfinition est lourde, l’échelle étant l’année au minimum. Enfin, les liens définis entre étapes du parcours client, activités du processus et application du SI.
Appropriation et formation
Par sa portée, et parce qu’il influe sur les pratiques métiers au quotidien, le projet parcours client doit accompagner les parties prenantes dans le changement. Plus particulièrement, il ne faudra pas négliger le poids des expériences et des méthodes de représentation des parcours clients et des processus déjà utilisées.
De même, l’appropriation par les utilisateurs, qu’il s’agisse des responsables de parcours client, des responsables d’offres ou des opérationnels terrain, dépendra en grande partie de la qualité de la communication en amont, ainsi que d’un déploiement progressif qui tienne compte des particularités de chaque catégorie d’utilisateurs. Une attention particulière sera portée à la formation aux outils et aux règles de gouvernance.
Un référentiel métier
L’ensemble des descriptions des parcours clients et des processus constitue un référentiel métier : il doit être par nature un espace cohérent, partageable et fédérateur de la connaissance de plusieurs métiers. Mais il prend aussi place dans un ensemble plus vaste de référentiels de différentes natures avec lesquels il est interfacé. Il partagera, par exemple avec les référentiels d’applications, la cartographie des fonctions, pour la partie SI.
Avec les référentiels d’organisation, ce sera la définition des entités internes et des partenaires, ou les référentiels ressources humaines pour les profils d’acteurs. Enfin, des liens seront mis en place avec les référentiels réglementaires et financiers pour les indicateurs de performance et les exigences réglementaires associées aux processus.
Un projet de transformation
Le principal écueil dans l’instruction du projet est de le traiter comme un projet d’outil ou de technologie, ou même un projet documentaire. Il doit rester un projet métier, axé sur la performance des processus au regard de la satisfaction client. Il faudra donc dissocier les volets techniques (la définition de l’architecture applicative, le choix de l’outil, l’élaboration de la gouvernance opérationnelle, l’élaboration de la feuille de route de déploiement de la solution) et les volets stratégiques : la conduite du changement, la communication, la gouvernance stratégique et le déploiement au sein des pratiques métiers.
Le projet parcours client permet d’identifier plus clairement les liens entre les exigences métiers (les enjeux de satisfaction client et les valeurs à conforter) et les processus SI. Il permet aussi de les rendre plus accessibles aux différents acteurs des études et des projets.
Ainsi, conserver ces liens tout au long de l’instruction des études amont des projets est une garantie de cohérence dans la communication entre directions métiers, MOA et MOE, et ainsi de succès pour les projets. Le projet doit aussi, et c’est un indicateur de réussite, s’intégrer aux règles de gouvernance du SI. Ainsi, la conformité de l’expression des besoins avec les exigences de satisfaction client décrites dans le référentiel d’une part, celle des spécifications fonctionnelles avec les processus métiers décrits dans le référentiel d’autre part, devraient devenir des prérequis aux passages des jalons des projets.
En mettant la priorité sur la satisfaction client, l’approche parcours client sécurise le lancement des offres. Les impacts sur le SI sont plus clairement identifiés, et plus tôt, rendant leur réalisation plus aisée. Les contraintes organisationnelles, identifiées par les impacts sur les processus, peuvent dès lors être anticipées et classées par ordre de priorité. L’étape ultime sera alors le pilotage de la qualité de service métier pour laquelle une approche spécifique devra être mise en place.
Cet article a été écrit par Jean-Noël Gillot.