L’héritage de certaines bonnes pratiques architecturales de ces quinze dernières années ne semble pas encore intégré dans la réflexion qui conduit les prestataires informatiques à concevoir les solutions en mode cloud computing. En effet, selon que l’on se place du côté des éditeurs, du côté des hébergeurs ou infogérants, voire des généralistes, il n’y a pas aujourd’hui encore sur le marché de vision qui propose l’interopérabilité des nuages.
Parmi les étapes marquantes qui ont jalonné l’évolution des architectures informatiques, celles qui mériteraient d’être envisagées dans l’approche cloud computing pourraient être les suivantes :
- Le découplage applicatif au travers des approches d’intégration d’application (EAI/ESB : Enterprise Application Integration, Enterprise Service Bus). On en retient le principe que les échanges ne sont pas portés par chacune des applications métiers, mais orchestrés par une plate-forme centrale de mutualisation des formats pivots.
- La modularité applicative et la mutualisation de services au travers des architectures de services (SOA) qui permet d’envisager les fonctionnalités métiers comme des briques applicatives réutilisables.
- L’activation de la communication événementielle par des événements simples ou composés (CEP : Complex Event Processing) qui permet de franchir un pas de plus dans l’autonomisation de la plate-forme de médiation interapplicative.
- Le découplage des infrastructures au travers de la virtualisation, de l’infogérance, et, désormais, des approches XaaS et cloud computing.
Bien entendu, nombre d’autres principes concourent à la croissance de la maturité des architectures informatiques et notamment le BPM (Business Process Management), le MDM (Master Data Management), le BRM (Business Rules Management), etc.
Malheureusement, chaque solution est encore trop souvent envisagée selon sa finalité immédiate et verticale. Ainsi, chaque acteur du cloud computing pris individuellement ne voit peut être pas encore l’intérêt de l’application de ces bonnes pratiques dans tout l’univers du cloud computing. Mais c’est sans considérer qu’un système d’information est bien souvent un patchwork, au mieux un puzzle de plusieurs éditeurs, de solutions fournies par des prestataires différents.
Sans rentrer dans les caractéristiques des solutions de cloud computing proposées actuellement (nuages publics, privés, hybrides), le problème d’interopérabilité commence à se poser lors du déploiement de plusieurs solutions fournies par des infrastructures de prestataires différents. Il est question ici de cohérence dans les échanges organisés entre plusieurs solutions.
Plus précisément, il ne s’agit pas simplement d’une problématique d’interopérabilité, car le sujet aura pu être traité en amont, mais, plus prosaïquement, du rôle de la DSI et de ses intervenants à terme.
Désireuse de s’installer durablement dans une logique de valeur ajoutée métier, la DSI s’est transformée ces dernières années pour assurer des fonctions d’assistance à maîtrise d’ouvrage, de capitalisation sur les savoirs métiers (données, processus, règles métiers…) déléguant ainsi les tâches plus techniques et moins productrices de valeur.
Là où le DSI cherche à renforcer son expertise métier, la progression du cloud computing risque de le renvoyer à de la tuyauterie et à la mise en place d’architectures d’échanges par nature complexes techniquement.
D’un côté, le DSI souhaite montrer qu’il accompagne le métier dans sa réflexion et le prouve par l’action de mise en place de solutions de cloud computing non consommatrices d’infrastructure pour l’entreprise. D’un autre côté, la problématique « multinuage » impose au DSI de garder dans son giron des infrastructures d’échanges dont il se passerait bien.
Le besoin des DSI pour les dix prochaines années : un nuage événementiel de médiation
Un nuage EAI, un nuage ESB, un nuage de médiation, peu importe l’héritage du nom, mais c’est bien de cela dont ont et auront de plus en plus besoin les DSI qui souhaitent enclencher une démarche de cloud computing, et notamment multinuage, sans pour autant alourdir et assumer totalement les problématiques d’interopérabilité technique.
Le nuage événementiel de médiation doit avoir pour objectif de fournir aux DSI toute l’infrastructure et les services nécessaires à la mise en place d’échanges entre systèmes (en nuages ou autres). Cela afin de bénéficier des avantages du cloud computing, mais sans pour autant alourdir la tuyauterie du SI interne. Davantage qu’une simple logique d’externalisation de la virtualisation, le cloud computing est pleinement une démarche spécifique de contractualisation.
Vers la contractualisation d’un service de traitement des événements métiers
Dans ce contexte de consommation d’un service de médiation, il est nécessaire que le modèle économique permette la facturation à l’usage. Un modèle économique qui semble adapté permettrait la facturation à la transformation de l’événement métier. Ce mode de tarification contiendrait des composantes forfaitaires et des composantes liées aux volumes :
- une partie forfaitaire d’activation de services permettrait d’activer ou non la gestion des événements complexes, d’activer ou non l’agrégation de services, de configurer un certain nombre de formats pivots…
- une partie transactionnelle au volume permettrait simplement de facturer le service à l’usage.
Sauf à prédire que les entreprises souhaiteront soudainement recapitaliser leurs infrastructures, investir massivement dans des équipements dédiés et délaisser les offres de cloud computing, il y a fort à parier que le projet d’une plate-forme de médiation sera l’un des thèmes majeurs des SI pour les années à venir qui permettra aux DSI de continuer à se focaliser sur les sujets métiers.
Cet article a été écrit par Pierre Verger, directeur de l’assistance à la MOA du Groupe Pichet.