Olympique lyonnais : privilégier les métiers par rapport aux outils

Dans une PME, la réussite des projets dépend tout particulièrement de la proximité avec les métiers, comme le montre une réinternalisation, un des derniers projets menés par la DSI de l’Olympique lyonnais. Témoignage de son DSI, Maxime Duprez.

Derrière le club de football habitué des podiums de Ligue 1, l’Olympique lyonnais est aussi une entreprise aux multiples activités, allant du commerce de produits dérivés à l’organisation d’événements, en passant par une agence de voyages, les objets publicitaires ou la production de vidéos. Sous l’impulsion de son président Jean-Michel Aulas, l’OL a en effet décidé de sortir du modèle purement sportif pour filialiser certains métiers et construire des offres économiques structurées, dont certaines sont même revendues à d’autres clubs de sport.

Ces activités sont aujourd’hui réparties entre treize filiales spécialisées. Le groupe a la responsabilité du pilotage global et assure les services transverses. La DSI fait partie de ces derniers. Maxime Duprez, directeur des systèmes d’information, est à la tête d’un service de sept collaborateurs. Ceux-ci sont organisés en deux équipes, l’une chargée de l’infrastructure systèmes et réseaux (exploitation et support), l’autre du développement et de la maintenance d’une soixantaine d’applications. Cette dernière comporte un chef de projet expérimenté, un développeur et un architecte.

Malgré un effectif peu fréquent dans les entreprises de cette taille, la DSI de l’OL, comme toute DSI de PME, doit parfois composer avec le manque de ressources. Pour Maxime Duprez, cela peut aller jusqu’à tirer lui-même des câbles si nécessaire. Dans ce contexte, il peut s’avérer difficile de dégager du temps et des ressources pour les projets. Nommé DSI en 2008, Maxime Duprez a relevé ce défi, cherchant à réduire le temps consacré aux activités de support afin que ses collaborateurs puissent se concentrer davantage aux missions à valeur ajoutée.

Pour cela, des efforts ont été entrepris sur la formation des métiers, afin qu’ils s’approprient les outils. « Nous sommes aidés à ce niveau par la stabilité des effectifs », précise le DSI. Un faible turn-over aide en effet à pérenniser les bénéfices des actions de formation. Si le support lié à la bureautique reste encore gourmand en temps, la DSI de l’OL est néanmoins parvenue à mener plusieurs projets au cours des dernières années.

Ces projets sont variés, allant des domaines classiques d’une entreprise (SIRH, finance…) à d’autres, plus spécifiques, comme le contrôle d’accès aux stades. Un part importante de ses activités consiste à gérer le SI destiné aux supporters, un système de gestion de la relation client adapté au monde du football. La DSI gère également des applications pour la billetterie, la commercialisation des produits dérivés, le portail Web destiné aux médias et l’agence de voyages gérant les déplacements des équipes. Le système d’information purement sportif (gestion des séances d’entraînement, analyse vidéo ou feuilles de matchs par exemple) est, quant à lui, confié aux différentes filiales.

Davantage d’urbanisation

« Le système d’information de l’OL est un peu à la croisée des mondes : imprégné du métier du foot, c’est le SI d’une PME, mais organisée comme un grand groupe avec la filialisation des activités », explique Maxime Duprez. Cela se traduit par de nombreuses exigences, impliquant parfois de « faire loger des ronds dans des carrés », pour reprendre l’image employée par le DSI.

Dans le monde du football, la réactivité face aux évolutions des métiers est notamment cruciale, à la fois à cause de la forte exposition médiatique et de l’importance parmi les clients du grand public, une cible volatile. « Nous devons faire preuve d’excellence dans la valeur ajoutée apportée aux métiers, relate le DSI. La proximité est essentielle mais il faut également avoir une vision groupe, afin de conserver un système d’information urbanisé et cohérent. »

« Pour gérer ce SI hybride, il faut être très pragmatique », analyse Maxime Duprez. Membre de l’ADIRA, Association pour le développement de l’informatique en région Rhône-Alpes, il capitalise sur les retours d’expérience de ses homologues pour identifier des axes d’amélioration. Il s’inspire de bonnes pratiques couramment pratiquées dans les grandes entreprises, comme la gestion des processus métiers (Business Process Management ou BPM), tout en les adaptant au contexte d’une PME.

« En deçà d’une certaine échelle d’entreprise, il est impossible d’outiller tous les processus, pointe le DSI. Néanmoins, les PME ont elles aussi besoin de se structurer, et dans cet objectif, la connaissance du terrain peut avantageusement pallier le manque de formalisation des processus. » Dans le cas de l’OL, les projets sont ainsi préparés bien en amont, à la fois au niveau contractuel et par l’immersion métier des collaborateurs de la DSI. Gageons que nombre de grandes entreprises auraient aussi à gagner de ces bonnes pratiques, bien des grandes DSI souffrant en effet de la méconnaissance des métiers par des collaborateurs qui ne sortent jamais de leur service…

Un projet de réinternalisation mené en trois mois

En 2011, la DSI de l’OL a mené à bien un projet stratégique pour l’entreprise : la reprise en interne de l’activité de vente à distance de la filiale OL Merchandising, auparavant externalisée. Il s’agissait notamment :

  • de recréer une boutique en ligne, le e-commerce représentant environ 90 % des commandes (les 10 % restants venant
    de la vente sur catalogue) ;
  • de l’interfacer avec le module ERP de gestion de stock ;
  • d’intégrer les partenaires logistiques (La Poste, Chronopost) ;
  • de mettre en œuvre les processus de contrôle de gestion et de déversement en comptabilité du chiffre d’affaire ;
  • de créer un service client (centre d’appels et traitement des commandes du site Web) ;
  • de développer des outils à la croisée de plusieurs métiers, permettant par exemple de gérer des paniers mixtes « produits dérivés + billetterie ».

Le « go » a été donné le 4 avril 2011 et la solution était opérationnelle dès le 1er juillet. Le projet avait été soigneusement préparé, ce qui a permis ces délais très courts. La DSI a identifié plusieurs facteurs de succès qui ont facilité la réintégration de l’activité dans le groupe OL :

  • La réversibilité prévue dans le contrat avec le prestataire : le contrat comportait notamment des clauses précises sur la propriété des données clients et d’autres spécifiant le format de récupération des fichiers.
  • L’existence d’un SI client uniformisé : la GRC transverse et homogène a beaucoup facilité la reprise de la boutique en ligne.
  • Des collaborateurs connaissant le métier : pendant les deux années précédant le projet, la DSI et notamment le chef d’équipe ont fréquemment travaillé avec la branche merchandising, réalisant de petites évolutions ou des demandes d’amélioration. De ce fait, l’équipe informatique a acquis une vraie connaissance du terrain, précieuse pour aider à identifier et à formuler les besoins.

La DSI a choisi de rebâtir la boutique en ligne sur la solution open source nopCommerce, notamment car celle-ci répondait fonctionnellement aux attentes du métier et permettait de préserver l’homogénéité de l’architecture bâtie sur .Net. En termes de processus, la boutique s’intègre avec le progiciel de gestion intégrée pour la prise de commande et la remontée d’informations sur les stocks. Une fois les commandes traitées par le service client, le flux redescend ensuite vers les applications logistiques qui permettent d’optimiser la préparation des commandes.

Sur ce projet, la DSI a choisi de se faire aider plutôt que de recourir au forfait : « Les délais étaient trop courts pour forfaitiser, et nous souhaitions aussi garder la compétence sur l’application en interne », explique Maxime Duprez. Deux collaborateurs venant d’OL Merchandising sont donc venus apporter leur expertise métier, tandis qu’un intervenant de Capgemini est venu en renfort de l’équipe de développement.


Mener un projet dans une PME : quatre bonnes pratiques à retenir

  1. Urbaniser le système d’information : des applications homogènes et bien structurées peuvent faire gagner un temps précieux, facilitant par exemple l’intégration et la reprise de données.
  2. S’inspirer des bonnes pratiques mises en place dans les grandes entreprises… : l’optimisation des processus apporte de la valeur quelle que soit la taille de l’entreprise, et il n’est pas forcément besoin d’un outillage sophistiqué pour gérer des flux de manière intégrée.
  3. …en les adaptant au contexte d’une PME : quand les ressources et les moyens sont limités, l’investissement sur le capital humain reste de loin le plus rentable. En privilégiant la connaissance du métier à l’outillage, la DSI de l’OL peut ainsi être au plus près des besoins métiers et apporter une vraie valeur ajoutée.
  4. Former les utilisateurs pour libérer du temps : le support peut vite devenir un gouffre temporel si les utilisateurs ne maîtrisent pas les outils mis à leur disposition. Une formation bien menée demande du temps, mais elle permet ensuite d’en gagner en diminuant le nombre d’appels au help-desk.