Les achats publics analysés par un SI décisionnel Open Source

L’Observatoire économique de l’achat public (OEAP), organisme chargé de fournir des analyses économiques sur la commande publique, a mis en place une solution décisionnelle open source afin d’améliorer la collecte et l’analyse des données nécessaires à ses missions.

Créé en novembre 2005, l’Observatoire économique de l’achat public (OEAP) dépend du ministère de l’Économie et des Finances. Son secrétariat est assuré par la direction des affaires juridiques du ministère, et il est placé sous l’autorité du ministre. L’OEAP a pour missions de collecter l’information disponible sur la commande publique et d’effectuer des analyses économiques à partir de ces données. Il s’agit, par exemple, de regarder comment sont segmentés les achats, dans quels domaines ils augmentent ou dans quels autres ils diminuent…

À son démarrage, l’OEAP a mis en place un système de collecte en mode papier qui demandait une saisie manuelle : les acheteurs publics remplissaient une fiche, qui était ensuite saisie par le comptable public dans une application baptisée Aramis, puis stockée dans un infocentre à des fins d’analyse.

Pour certaines entités, comme EDF ou la SNCF, concernées par la déclaration des achats (voir encadré ci-contre) mais non reliées au comptable public, l’OEAP devait en outre récupérer directement des fiches sur papier puis les confier à une personne chargée de la saisie.

Des difficultés de saisie et de non-qualité

Ce système montrait des limites, notamment en termes de recensement, car seuls 8 000 acteurs fournissaient des données, et en termes de fiabilité de l’information. Plus précisément, le compte-rendu de l’assemblée plénière de l’OEAP du 13 décembre 2011 détaille quatre points faibles du système d’information avant 2011: « Un manque d’exhaustivité du champ à couvrir et une faible évolutivité, notamment par rapport à la dématérialisation ; des difficultés à identifier les doublons et les erreurs de saisie et donc de s’assurer de la bonne qualité des données ; une application (Aramis) non conçue pour être directement à disposition des ordonnateurs, une absence d’outils de restitution souples et performants et une limitation de la diffusion des données collectées. »

L’OEAP a donc décidé de remplacer ce système par une solution capable de traiter les données de bout en bout, depuis la collecte jusqu’à l’analyse, afin de mieux suivre le cycle de vie des achats.

Les motivations de l’OEAP étaient les suivantes :

  • Une solution pérenne, mais souple : en effet la forme des procédures, ou les règles valables aujourd’hui, comme le seuil des 90 000 euros, sont susceptibles de changer.
  • Une appropriation aisée par les services fonctionnels, d’autant plus que les équipes chargées des analyses peuvent venir d’horizon divers.
  • Une incitation à la dématérialisation, pour simplifier la collecte, éviter les pertes de fiches, améliorer la qualité intrinsèque des données et permettre des contrôles.
  • Un gain de productivité, notamment pour diminuer le temps passé sur la gestion des données. Ce gain se ferait au profit de l’analyse économique (avec de nouveaux axes comme la géographie, la part des PME dans les titulaires…), mais aussi de la communication. Les entités concernées par la collecte se plaignaient en effet souvent de ne pas savoir ce que l’OEAP faisait avec les données envoyées.

Le projet de refonte, baptisé REAP (Recensement économique des achats publics), a été lancé en 2009 avec une première phase d’analyse des besoins et la détermination des spécifications d’un nouveau système d’information comportant des modalités de collaboration avec des sources de données externes, en particulier les applications comptables Hélios (pour les collectivités locales) et Chorus (pour l’État), ainsi que PMI (place de marché interministérielle, utilisée pour les achats de l’État). La deuxième phase, qui a démarré mi-2010, a permis la réalisation du futur système d’information de l’OEAP.

Ainsi, avec ce projet REAP, l’observatoire souhaitait privilégier autant que possible les flux dématérialisés, en misant notamment sur cette intégration avec les systèmes comptables Chorus et Hélios. Une telle intégration a d’ailleurs permis d’étendre considérablement le nombre d’acteurs recensés. « La fiabilité des données dans ces systèmes est bien supérieure à celle des données déclaratives », pointe Serge Doumain, chef du bureau Économie, statistiques et techniques de l’achat public au sein de la Direction de l’information légale et administrative.

L’open source pour réduire les coûts de maintenance

En se basant sur ces critères, l’Observatoire a donc passé un appel d’offres dématérialisé. Il devait également tenir compte d’impératifs forts au niveau budgétaire. « Chaque entité qui a répondu devait prendre en compte le coût complet de sa solution (outil plus intégration) ainsi que trois ans de maintenance », relate le représentant de l’OEAP. à l’issue de l’appel d’offres, l’OEAP a choisi une solution proposée par Klee Group, Atol Conseil et Développements et Pentaho, éditeur d’une plate-forme décisionnelle open source. « Nous savions qu’il y avait un gain potentiel sur le suivi et la maintenance avec une solution open source », ajoute Serge Doumain.

Le projet qui a suivi s’est déroulé en deux volets :

  1. La collecte d’informations : celle-ci avait pour principaux objectifs d’éviter ou de limiter les saisies manuelles, de fiabiliser la saisie et de rendre la collecte plus exhaustive, notamment en incitant à fournir des données en ligne ;
  2. Le volet décisionnel : il s’agissait notamment de donner aux décideurs l’accès aux données, d’automatiser la production des rapports obligatoires, comme le rapport communautaire statistique exigé chaque année, et de permettre les analyses spécifiques.

Le projet est en production depuis le 7 mai 2011. Aujourd’hui, le système est presque entièrement dématérialisé, même s’il n’est pas encore directement relié à Chorus et Hélios. Les difficultés subies par ces projets contraignent en effet l’OEAP à attendre que les flux soient complètement validés, ce qui devrait être effectif courant 2012. En attendant une totale intégration, Aramis est encore utilisé comme intermédiaire. Pour les achats publics qui ne transitent pas par ces deux systèmes, l’Observatoire récupère directement, chaque fois que cela est possible, des informations depuis les systèmes comptables des acteurs concernés. L’OEAP a en outre repris l’historique des données depuis 2005.

Quelques ajustements ont été effectués, notamment en ce qui concerne les règles de qualité : l’OEAP s’est en effet aperçu que plusieurs fiches ne passaient pas les filtres mis en place. Les critères ont dû être revus à la baisse car l’Observatoire a besoin de ces données, mêmes incomplètes.

L’OEAP a également rencontré quelques problèmes de perfor­mance liés à l’infrastructure réseau en place au ministère, qui n’est pas des plus récentes. « Nous n’avons pas la capacité d’intervenir sur le réseau, mais nous avons au moins réussi à stabiliser les performances », explique Serge Doumain.

Malgré ces quelques difficultés, les bénéfices sont réels : des restitutions qui prenaient une semaine auparavant s’effectuent maintenant en quinze minutes. L’automatisation du traitement des données a permis de gagner deux équivalents temps plein par rapport à l’année précédente. Par ailleurs, plusieurs personnes peuvent désormais effectuer, avec l’outil Pentaho, des requêtes spécifiques sur le système, notamment des représentants de l’Insee ou de la DGFIP (Direction générale des finances publiques) qui travaillent avec l’OEAP.


Le périmètre suivi par l’OEAP

Qui est concerné ?

L’enjeu des missions de l’OEAP est notamment de donner des outils de pilotage à l’État, qui passe environ 20 % des commandes, et aux décideurs publics locaux, les collectivités représentant 80 % des marchés. Au total, environ 130 000 pouvoirs adjudicateurs sont concernés, auxquels s’ajoutent toutes les entités dont plus de 50 % des ressources viennent de fonds publics, incluant notamment des associations.

Quels achats ?

Presque tous les achats de fournitures et travaux et services entrent dans le périmètre d’analyse. Le seuil de 90 000 euros déclenche une obligation de déclaration. En 2010, environ 117 000 marchés publics entraient dans ce cadre. En parallèle, il existe des millions de petits marchés qui ne sont pas encore recensés, la collecte d’information n’étant guère chose aisée. L’OEAP collecte néanmoins des données concernant les achats entre 20 000 et 90 000 euros pour un échantillon de 5 000 acteurs.

Quelles données ?

L’OEAP collecte :

  • des informations sur l’acheteur, comme son identifiant et son statut juridique ;
  • des données sur le marché en lui-même : titulaire, année, type de procédure, nombre de propositions reçues, informations sur le contrat, etc.