« Vous les avez, utilisez-les ! » Tel pourrait être le slogan associé à la promotion des « Big Data ». « Peut-être votre entreprise est-elle assise sur des actifs de données susceptibles d’accroître votre compétitivité », avertissent les consultants de McKinsey dans la dernière livraison de la revue trimestrielle du cabinet de conseil en stratégie (*).
Ceux-ci racontent comment, un jour, le DG d’une entreprise de grande distribution a constaté une baisse de ses parts de marché. Voulant savoir pourquoi, il s’est aperçu que son principal concurrent avait lourdement investi dans des outils de collecte, d’intégration et d’analyse de données, de sorte qu’il était capable d’ajuster en temps réel ses prix, d’arbitrer l’approvisionnement de ses différents magasins et de reconstituer ses stocks grâce à une étroite intégration de son système d’information avec ceux de ses fournisseurs.
Les données ne manquent pas. Selon McKinsey, les entreprises américaines de plus de mille salariés stockent, en moyenne, l’équivalent de 235 téraoctets de données. « Nous sommes persuadés que les Big Data vont devenir un nouveau type d’actifs d’entreprise, transverse selon les métiers et les divisions d’une organisation et qu’elles seront aussi essentielles que les marques face à la concurrence », assurent Brad Brown, Michael Chui et James Manyija, les consultants de McKinsey auteurs de l’article.
Ceux-ci apportent des éléments de réponse à cinq questions essentielles à l’adresse des dirigeants d’entreprise. Que se passe-t-il dans un monde où l’abondance de données disponibles conduit à accentuer la transparence ? Une fragilisation des entreprises qui ont basé leurs modèles sur des données propriétaires ou sur des asymétries d’informations, à mesure que les données sur les coûts et les prix sont largement accessibles.
Deuxième question : si vous pouviez tester toutes vos décisions, cela changerait il la stratégie de l’entreprise ? Oui probablement, car les managers peuvent mieux identifier les causes d’un phénomène, au-delà de l’analyse de simples corrélations, et adapter leur stratégie en conséquence.
Vers une nouvelle révolution managériale ?
La troisième question porte sur l’agilité : dans quelle mesure le business serait-il transformé si les Big Data étaient utilisées pour personnaliser en temps réel les offres ? Par exemple, un e-commerçant pourrait traquer en temps réel le comportement de ses prospects et identifier le moment où ils vont s’engager dans l’acte d’achat. Et pousser des offres à plus fortes marges.
« La grande distribution est un secteur privilégié d’expérimentation dans la mesure où foisonnent les informations issues des achats sur le Web, des réseaux sociaux et des données de géolocalisation des smartphones », précisent les consultants de McKinsey.
Quatrième question : dans quelle mesure les Big Data peuvent-elles supplanter le management ? Dans la mesure où les machines génèrent elles-mêmes des données et sont susceptibles de prendre des décisions, a-t-on encore besoin de managers pour décider ? « À mesure que les prix des capteurs, des terminaux communicants et des logiciels décisionnels vont baisser, de plus en plus d’entreprises vont s’engouffrer dans ce qui ressemble à une révolution managériale », assurent les auteurs.
Enfin, la cinquième question porte sur les modèles économiques des entreprises : peut-on en créer des nouveaux basés sur les données ? Probablement pour des entreprises qui se positionneraient comme intermédiaires dans la chaîne de valeur et joueraient le rôle de « superagrégateurs » pour gérer des données transactionnelles de manière exhaustive.
Il reste à gérer les éventuelles complications, qui sont de deux ordres : d’une part, la pénurie de talents et d’analystes. Selon McKinsey, aux États-Unis, la demande serait supérieure de 60 % à l’offre et à l’horizon 2018, le marché demandera entre 140 000 et 190 000 spécialistes supplémentaires. D’autre part, se pose le problème du respect de la vie privée, du fait de la collecte d’informations sensibles sur les achats, les comportements ou la santé.
(*) « Are you ready for the era of Big Data ? » McKinsey Quarterly, 2011, volume 4, 120 pages.