Le terme de service est utilisé à toutes les sauces, à tel point qu’il en est devenu « un mot chewing-gum », comme l’écrivent Thierry Chamfrault, directeur Qualité et Méthodes chez Technip Corporate Services, et Claude Durand, directeur des opérations chez Logica, dans leur ouvrage Les Services agiles et la Gouvernance des SI, Gouvernance et Cycle de vie.
Ces deux membres fondateurs de l’itSMF définissent ainsi un service : « Une prestation immatérielle composable, manifestée de manière perceptible et qui, dans une condition d’utilisation prédéfinie, est source de valeur pour le consommateur et (ensuite) le fournisseur. »
Dans cet ouvrage destiné aux DSI et fournisseurs de services mais aussi à leurs clients, les deux auteurs ont choisi d’étudier en profondeur la notion de service dans les organisations, et notamment les services fournis par le système d’information. Indirectement, ils engagent aussi une réflexion sur la manière dont les services ont fait évoluer le rôle des DSI.
Avec la dématérialisation de plus en plus forte des métiers, l’informatique est en effet devenue un acteur de premier plan pour la fourniture de services. Pour le DSI, cela s’est traduit par le passage de missions purement techniques à des missions de plus en plus axées sur le métier, à tel point qu’il est en train de devenir un « Directeur des Services d’Information ».
Le livre est découpé en trois parties. La première détaille le cycle de vie du service dans l’entreprise et le modèle de gouvernance associé, reprenant des termes et concepts familiers pour les connaisseurs d’Itil. La deuxième partie présente les apports de la v3 du référentiel Itil par rapport à la v2 et la dernière aborde la notion de service dans la norme ISO/CEI 20 000.
Après avoir défini et situé le terme de service par rapport à d’autres concepts proches, comme le produit ou les processus, les auteurs abordent très vite la notion d’usage, rappelant au passage que « si l’utilisateur ne consomme pas, il n’y a pas de service ».
Ils pointent à cette occasion l’incohérence de certains producteurs de services d’information, qui laissent certains services tourner en continu, indépendamment des variations de la consommation. L’essor du cloud computing est, selon les auteurs, un pas en avant « pour améliorer l’alignement entre les contextes d’exécution et d’utilisation des services IT ».
Les Services agiles et la Gouvernance des SI, Gouvernance et Cycle de vie, par Thierry Chamfrault et Claude Durand, Dunod 2011, 298 p.
Les Services agiles et les Processus, Retours d’expérience basés sur ITIL v3, par Thierry Chamfrault et Claude Durand, Dunod 2011, 363 p.
L’ouvrage rappelle ensuite différentes notions clés pour comprendre le fonctionnement d’un service, notamment la qualité de service ou les tests permettant de la suivre et de la mesurer. Un bref passage présente les grands référentiels d’assistance opérationnelle, à travers un modèle simple, « le Temple du service ».
Une fois cela expliqué, les auteurs entrent véritablement dans le cœur du sujet, abordant la place du service dans l’organisation. Pour comprendre ce qu’implique, pour une entreprise, l’évolution du produit vers le service, il est important de bien distinguer ce qui se décide au niveau stratégique, ce qui est d’ordre tactique (gestion et organisation) et ce qui relève purement de l’exploitation opérationnelle. Ces trois niveaux doivent être alignés en termes de gouvernance, sans quoi il sera difficile de mettre en place une véritable stratégie de services.
Cette stratégie passe notamment par l’élaboration d’un portefeuille de services, qui englobe aussi bien les services en création, ceux qui sont disponibles (catalogue de services) et ceux qui sont retirés des offres. Ce portefeuille doit être lié au portefeuille des projets : en effet, ce sont les projets qui rendent possibles les activités nécessaires pour fournir des services, et chaque projet est susceptible d’avoir un impact sur les services de l’entreprise.
Il faut ensuite produire les services. Pour être en mesure de fournir des services de manière agile et flexible, tout en garantissant la qualité de service, il est nécessaire d’industrialiser cette production. Cela passe par une approche basée sur les processus, à adapter en fonction de la maturité de l’organisation.
Pour mettre en œuvre ces processus, il faut des acteurs. Les auteurs consacrent un important chapitre à la dimension humaine, détaillant les types d’acteurs, les rôles nécessaires et les autres actions d’accompagnement, comme la formation ou la gestion des connaissances.
Dans un monde de plus en plus dématérialisé, le fournisseur de services doit également mettre en place un système d’information… Y compris le fournisseur de services IT. Le livre évoque à ce sujet un paradoxe : si les fournisseurs de services IT ont pour mission de gérer le système d’information de leurs clients, ils doivent eux aussi avoir leur système d’information, leurs processus et les outils qui vont avec pour bien effectuer leur travail. Comment sinon gérer les engagements de service ou assurer une gouvernance efficace ?
Les grandes briques d’un tel système d’information sont connues : il s’agit de la base de données de gestion des configurations (Configuration Management Database ou CMDB) qui stocke les informations de base sur les configurations permettant de fournir les services, du système de gestion des configurations (Configuration Management System ou CMS) qui s’appuie sur une ou plusieurs CMDB pour gérer les événements liés aux configurations (incidents, problèmes, changements, mises en production…) et enfin du système de gestion des connaissances et services (Service Knowledge Management System ou SKMS) qui englobe les précédents et offre au fournisseur la vision globale du service.
La mise en œuvre de ces briques peut néanmoins s’avérer complexe. Aussi les auteurs proposent-ils ensuite principes et modèles pour y parvenir. En même temps qu’il industrialise ses pratiques, le fournisseur doit veiller à urbaniser le système d’information destiné à fournir des services aux clients, afin de pouvoir « ajouter et/ou retirer des composants sans mettre son avenir en péril ».
Les auteurs consacrent un chapitre au sourcing, autrement dit aux stratégies de choix des fournisseurs de services. L’infogérance occupe en effet une place importante dans la fourniture de services IT, et à ce titre il est utile de savoir comment bien choisir des prestataires. Le livre présente le référentiel eSCM (eSourcing Capability Model) qui fournit un ensemble de bonnes pratiques dans ce domaine.
La gouvernance des services, comprise comme « un pilotage selon un axe directeur », fait également l’objet d’un chapitre. Parmi les notions abordées figurent la mesure de la qualité de service, mais aussi le pilotage par les risques. La première partie se clôt sur un chapitre consacré au marketing des services, corollaire du positionnement de fournisseurs et de la mise en concurrence associée. Cette approche nécessite en effet un changement de mentalité qui peut parfois être profond.
Tout fournisseur de service, qu’il soit interne ou externe, fait en effet une « promesse de service » à ses clients, promesse qu’il doit bien entendu tenir, mais aussi sur laquelle il doit se distinguer de ses concurrents. C’est peut-être là la principale difficulté que rencontrent les DSI : savoir où et comment ils peuvent être les plus performants et offrir un service différent de ce qui existe sur le marché.
Comment mettre en place des services agiles en se basant sur Itil v3 ? Pour faire suite aux réflexions présentées dans le premier ouvrage, Thierry Chamfrault et Claude Durand ont coécrit un second livre, Les Services agiles et les Processus, Retours d’expérience basés sur ITIL v3. À visée plus pratique et opérationnelle que le précédent, cet ouvrage s’adresse aux équipes chargées de produire les services, notamment aux chefs de projets, consultants, spécialistes de la production. Il est structuré de manière à reprendre le cycle de vie du service d’Itil v3.
Les auteurs commencent donc par un chapitre rappelant la définition d’un service et les principaux concepts d’Itil, puis ils suivent la logique du référentiel en découpant la suite en cinq grandes parties, correspondant aux cinq phases du cycle : stratégie des services, conception des services, transition des services, exploitation et enfin amélioration continue.
Dans chaque partie, les processus correspondant à la phase sont décrits selon une trame simple : d’abord quelques clés pour comprendre le processus et un « point de vue » des auteurs qui donnent des indications pour s’approprier le processus, ensuite un paragraphe « pour quoi et pour qui » qui décrit la finalité du processus et les acteurs concernés, puis une vue systémique, et enfin une présentation des activités et du contexte d’exécution.
Le livre comporte également quatre annexes, l’une consacrée à la méthode agile Scrum appliquée à la gestion des services, l’autre sur l’usage des normes de type Itil dans les petites organisations, puis quelques cas pratiques et exemples de fiches de services.