Le match est serré : 3 à 6. L’ouvrage de Jean-Luc Deixonne en est à sa troisième édition, celui de Jean-Louis Tomas et de Yossi Gal en est à sa sixième édition. Preuve que les progiciels intégrés font encore recette… Jean-Luc Deixonne, directeur de projets chez Capgemini, nous entraîne sur le chemin de la gestion d’un projet ERP, depuis l’architecture jusqu’au fonctionnement opérationnel, en passant par la gouvernance, la synchronisation avec l’organisation, le choix des partenaires et les contrats.
Pour Jean-Luc Deixonne, un ERP présente cinq caractéristiques principales : la couverture de l’ensemble des besoins en termes de systèmes d’information d’une entreprise ; la prise en compte des approches multisites, une ergonomie identique quels que soient les modules, la portabilité sur la base des standards du marché, et la notoriété de l’éditeur « pour garantir la maintenabilité du produit ».
Pour leur part, Jean-Louis Tomas et Yossi Gal, respectivement directeur de SI Antipolis et directeur de Galyotis, deux cabinets de conseil, mettent en exergue deux dimensions d’un ERP : d’un côté, le degré d’intégration, qui définit la capacité de fournir à l’ensemble des acteurs de l’entreprise « une image unique, intègre, cohérente et homogène de l’ensemble de l’information dont ils ont besoin ».
D’un autre côté, la couverture opérationnelle. Celle-ci définit « la capacité de fédérer l’ensemble des processus de l’entreprise dans chacun des domaines qui la constituent, dans une approche transversale qui optimise sa productivité ». L’architecture d’un projet peut se découper en sept sous-projets, détaille Jean-Luc Deixonne : le pilotage (générique à tout projet SI), la gestion du changement (pour adapter les pratiques opérationnelles), la configuration de l’ERP, les extensions (adaptation du produit standard), l’intégration au système d’information existant, la technique (infrastructures, bases de données, interfaces…) et la préparation des données.
Piloter un projet ERP, par Jean-Luc Deixonne, Dunod, 2011, 3e édition, 285 pages.
ERP et conduite des changements, alignement, sélection et déploiement, par Jean-Louis Tomas et Yossi Gal, préface de Christophe Legrenzi, Dunod, 2011, 6e édition, 356 pages.
Face aux détracteurs des ERP qui mettent en exergue l’effort et le coût qu’ils représentent, pour l’auteur, les ERP restent incontournables au moins pour deux raisons. D’une part, « pour faciliter l’intégration fonctionnelle et organisationnelle autour des processus et faire éclater l’organisation en silos », assurent les auteurs.
D’autre part, pour établir un langage commun entre les différents métiers de l’entreprise. D’autant que les enjeux des ERP concernent aujourd’hui le décisionnel, la mobilité, l’intégration avec le middleware et le Web 2.0.
Dans un tel contexte, la gouvernance revêt une importance particulière. Jean-Luc Deixonne précise : « Un projet ERP n’échappe pas aux fondamentaux de tout projet de système d’information, à commencer par la nécessité de la mise en œuvre d’une gouvernance adéquate. Ses spécificités sont celles d’un projet d’entreprise, d’une forte mixité entre équipe DSI et métier. »
Les facteurs clés de succès pour la gouvernance concernent en particulier le fait qu’un projet doit être un projet d’entreprise (identification des responsables, capacité de mobilisation humaine et financière). « Le ROI n’est jamais suffisant pour justifier ce type de projet », souligne l’auteur. Deuxième facteur clé de succès : maximiser les possibilités de l’ERP, c’est-à-dire « réduire le nombre d’instances en cherchant à globaliser, s’aligner sur les possibilités de l’ERP et réduire les adaptations, et élargir le périmètre au maximum en incluant le front-office », détaille l’auteur.
La gouvernance d’un tel projet, ajoute Jean-Luc Deixonne, suppose, d’abord, d’organiser l’équipe projet, ensuite, d’identifier et de former les compétences clés (ressources internes, ressources externes, transferts de connaissances), et enfin, de piloter, autrement dit de maîtriser les risques avec les bonnes instances.
Jean-Louis Tomas et Yossi Gal centrent également leur ouvrage sur la gestion de projet ERP. Ils proposent, pour leur part, un découpage en douze phases (voir encadré). Même s’il y a des recouvrements inévitables entre les différentes phases d’un projet ERP, il convient de suivre l’ordre chronologique, assurent les auteurs : « Cela permet un enchaînement continu et une cohérence des activités respectives à chacune de ces phases. Les livrables produits à la sortie d’une phase sont utilisés en entrée de la suivante. Même incomplets, ils doivent exister. »
Toutes les entreprises sont-elles « ERPables » ? Pour Jean-Louis Tomas et Yossi Gal, ce n’est pas le cas si, en particulier, le management ou l’entreprise ne sont pas prêts à supporter la démarche, si le but est de répondre à un besoin spécifique, partiel, à court terme ou urgent, si les entités de l’entreprise sont trop indépendantes ou trop puissantes, ou encore si la spécialisation de l’entreprise se satisfait des solutions existantes.
L’un des points clés concerne la gestion du changement, face aux phénomènes de rejet. Pour Jean-Louis Tomas, la thérapeutique « antirejet » contient quatre antidotes qui doivent être prescrites ensemble : « Un support indéfectible du management, une clarification des attentes des unités opérationnelles, la prise en main du projet par les utilisateurs et la conduite des changements. »
Ce dernier point se décline à trois niveaux. D’abord, dans l’organisation : « Un ERP est fortement porteur d’organisation, dans la mesure où tous les contrôles se font en temps réel, lors de la saisie de l’information dans le système », précisent Jean-Louis Tomas et Yossi Gal, pour qui « l’ERP doit être aussi perçu, surtout au niveau du management, comme un outil de convergence opérationnelle ». Ensuite, au niveau des individus : les auteurs rappellent que ceux-ci, dans le cadre d’un projet ERP, passent par quatre phases : le refus (l’individu n’arrive pas à y croire et tout continue pour lui comme avant) ; la résistance, lorsque la réalité des changements s’impose (toute occasion est alors bonne pour démontrer pourquoi « cela ne marchera pas ») ; la recherche de nouvelles opportunités pour améliorer le travail ; la réaction, lorsque l’individu positive et reprend confiance… jusqu’aux prochains changements.
Enfin, au niveau du management (direction générale, directions métiers, encadrement). La direction générale doit avoir une implication « forte, durable et visible ». Pour les auteurs, « il ne s’agit plus de discuter ou d’accepter le « budget informatique », il s’agir de décider des objectifs, de la productivité et de l’organisation de l’entreprise pour les prochaines années ».
Le DG est souvent victime du syndrome de « la solution existante ou du couper-coller » : « Par nature, un DG n’a pas une connaissance et une compréhension adéquate de la méthodologie d’implémentation d’un ERP, expliquent les auteurs. Comment peut-il donc admettre qu’un produit existant sur le marché, acheté chez un éditeur reconnu, puisse demander autant de temps et autant de ressources pour être mis en place ? Pourquoi n’est-il pas possible, en quelques semaines, voire quelques jours, d’installer l’ERP, de former les utilisateurs aux nouvelles fonctionnalités, puis de démarrer en production, bref de couper-coller directement de l’éditeur vers l’utilisateur ? »
Les informaticiens sont, eux aussi, concernés par la gestion des changements. Ils se posent des questions sur leurs rôles. Pour les auteurs, les informaticiens doivent avoir conscience de trois opportunités : une opportunité technique avec l’intégration de composants, une opportunité de conseil, avec l’accompagnement des changements, et une opportunité opérationnelle, avec la connaissance des métiers de l’entreprise. Jean-Louis Tomas et Yossi Gal proposent le concept de « changementiel », qui allie à la fois « les idées de changements, de dynamisme, d’événements, d’environnement et de référentiel » et qui est défini de la manière suivante : « Ensemble des activités déployées dans l’entreprise de façon coordonnée qui amène des populations ciblées à changer et à évoluer naturellement entre deux environnements opérationnellement différents. »
Dans un projet ERP, il convient d’allouer entre 5 % et 15 % du budget pour gérer ce changementiel. Sans pour autant aller trop loin. Jean-Louis Tomas et Yossi Gal sont formels : « Un ERP, comme tout autre outil, doit prendre sa place, toute sa place, mais rien que sa place. » Un principe à méditer…
Les douze phases de l’implémentation d’un ERP
- La planification
- L’analyse opérationnelle
- La formation des équipes projet
- L’adéquation et la configuration
- Les simulations grandeur réelle
- La fermeture des trous fonctionnels
- Les modifications spécifiques
- La création des liens avec l’environnement
- La documentation utilisateur
- La formation des utilisateurs
- La mise en production
- Le déploiement
Source : ERP et conduite des changements, par Jean-Louis Tomas et Yossi Gal, Dunod, 2011.