La méthode ABC (Activity Based Costing), née au milieu des années 1980, s’est imposée comme une approche de référence pour analyser les coûts d’un système d’information. Trois exemples d’optimisation du pilotage de la performance de la DSI.
La méthode ABC repose sur l’analyse des processus et établit un lien de causalité entre les dépenses et les services, permettant de garantir la mise en cohérence des ressources employées avec les services fournis.
Les enjeux du pilotage des coûts sont de trois ordres : d’abord, une action sur les coûts, avec la réduction des coûts d’achats et la rationalisation des processus, ensuite, des actions sur la marge, avec une augmentation des revenus et de la « valeur client » et, enfin, des actions sur la gouvernance, avec la mise en place de règles et le renforcement de la transparence.
« L’analyse des coûts informatiques via la méthode ABC revêt un caractère stratégique, explique Luc Garlanda, business solution manager chez SAS France, car elle permet d’expliquer et de justifier la tarification des services, d’identifier des axes d’optimisation des coûts de revient des services, de mesurer la contribution des activités aux coûts et aux performances, et de disposer d’informations objectives pour mesurer et piloter l’amélioration de la performance, en agissant sur l’efficacité et l’efficience. »
Barclays : mesurer la rentabilité par client
Au milieu des années 2000, Barclays France avait engagé une initiative locale de connaissance des coûts pour identifier la rentabilité par réseau de distribution et par produit. À la suite d’une réorganisation qui a abouti à développer de nouvelles activités sur la cible des entreprises, les chargés de clientèle avaient besoin d’un outil pour mesurer la rentabilité par client. Le système d’information financier existant ne permettait pas une telle allocation des coûts et des rentabilités par client et par produit.
« Au-delà des limites de la traditionnelle comptabilité analytique, l’utilisation de la méthode ABC répondait à deux objectifs, explique Bruno Alexandrian, responsable des projets financiers chez Barclays. Le premier était de réallouer les coûts de la banque par canal de distribution, segment de clientèles et produit pour mieux identifier les sources de profits, le second était de mesurer la profitabilité par client et par produit. »
En outre, pour Bruno Alexandrian, l’approche ABC « fournit, étape par étape, la valorisation des processus internes, permet de conserver une traçabilité complète et facilite une vision prédictive, de manière à quantifier des scénarios d’évolution des métiers ».
La mise en œuvre se déroule en trois phases. La première consiste à élaborer un prototype sous Excel pour validation par les managers. « Il s’agit de déterminer quelles clés retenir pour allouer les coûts et les premiers résultats sont partagés avec la direction générale », précise Bruno Alexandrian. Deuxième phase : le paramétrage de l’outil (SAS ABM), la collecte des données et l’établissement des premiers reportings.
« Il est préférable de commencer par un périmètre restreint », conseille Bruno Alexandrian. La troisième étape consiste à étendre le modèle pour affiner l’allocation des coûts par canaux de distribution, segments de clients et types de produits. Le processus est entièrement automatisé, depuis la collecte des données jusqu’au reporting.
Soixante activités ont été identifiées et les reportings sont soit mensuels, par exemple pour la rentabilité par canaux et par produits, les coûts des activités et les volumes traités, ou trimestriels pour la direction générale, qui peut ainsi analyser les rentabilités comparées par produits, par réseaux de distribution et par segments de clientèles.
La structure de coûts repose sur trois domaines : la distribution (vente, conseil, support, avec des coûts alloués à chaque activité, selon une clé de répartition), les opérations (middle et back-office, avec des coûts répartis selon la soixantaine d’activités définies) et les infrastructures, avec des coûts répartis au prorata des coûts de distribution et liés aux opérations. La réussite d’un tel projet, qui s’est déroulé en dix-huit mois chez Barclays, repose, selon Bruno Alexandrian, sur quatre bonnes pratiques : « Impliquer tous les managers pour partager un modèle d’allocation unique, car il ne s’agit pas d’un projet strictement financier, limiter la complexité des activités entre cinquante et cent, optimiser la collecte des données, et capitaliser sur les connaissances des utilisateurs. »
Dexia Technology Services : facturer au plus juste
En 2007, Dexia a regroupé au Luxembourg ses centres de traitement de données belge, français et luxembourgeois. Objectif de cette consolidation : économiser une dizaine de millions d’euros par an. Sur le plan organisationnel, un GAP (groupement autonome de personnes), sorte de GIE, a été créé. « Ne pouvant faire de bénéfices et devant donc refacturer tous nos coûts, nous avions besoin d’un outil pour allouer les coûts à chaque entité membre du GAP et identifier ce qui nous coûte le plus cher », précise Patrick Luc, directeur des relations financières de Dexia Technology Services, entité qui gère 1500 applications avec 3 000 serveurs, et un catalogue de 350 services.
Avec des contraintes légales fortes (les factures émises, environ 45 000 par an, doivent correspondre de manière précise aux coûts engagés) et une limite de taille : « On ne peut modifier ou améliorer le modèle qu’une fois par exercice fiscal, et toutes les factures doivent être imputées à des applications, à des services ou à des clients », résume Patrick Luc.
Le modèle, auditable, repose sur des TBB (Technical Building Blocks), éléments qui représentent des fonctionnalités techniques consommées par des services vendus aux clients. « Chaque TBB, identifié par sa nature et ses métriques, se décompose en six types de coûts : ressources humaines internes, externes, leasing, maintenance, infrastructures et coûts de fonctionnement », précise Lydie Hamel, gestionnaire de coûts chez Dexia Technology Services, qui s’est équipé de SAS ABM plutôt que de développer une application spécifique.
Pourquoi un pilotage économique des systèmes d’information ? | |
Pourquoi ? | Comment ? |
Obtenir la transparence financière | Connaissance factuelle des coûts des services |
Agir sur les prestations : leurs coûts et leurs performances | S’appuyer sur les meilleures pratiques pour gérer les coûts et les activités |
Agir sur la demande : consommation, standardisation | Recouvrement des coûts des services |
Agir sur la gouvernance des coûts : alignement | Évaluer la valeur des services IT et établir une base de comparaison |
CEA : la formation avant la méthode
Dans le cadre d’un projet d’optimisation des systèmes d’information, la direction financière du CEA a accompagné la DSI pour mettre en œuvre la démarche ABC, à partir du référentiel du Cigref. Mais avant d’entamer la phase opérationnelle de la méthode, une action de formation a été réalisée auprès de représentants de la direction financière (comptabilité analytique, contrôle de gestion) et de la DSI.
Principe retenu : il est préférable de « perdre » du temps au début, en investissant en formation, pour en gagner plus tard et être plus efficace lors de l’implémentation de la méthode.
Avantage de la formation (menée par le cabinet de conseil Cost House) : « Communiquer et partager l’information : nous avons mélangé des profils techniques et de gestion, précise Serge Penet, chef du service d’optimisation des coûts de comptabilité analytique à la direction financière du CEA. Du fait de nos délais raccourcis, on ne pouvait se permettre de susciter des débats sur la finalité d’une approche ABC ou de remettre en cause les principes du référentiel Cigref. »
Le périmètre a concerné la DSI centrale du CEA ainsi que l’établissement de Saclay. La démarche a reposé sur quatre étapes. D’abord, la formalisation d’un catalogue de services avec une vision métier. « Nous avions auparavant deux catalogues de services, mais insuffisamment mis en valeur », explique Serge Penet.
Deuxième étape : la mise en cohérence du modèle d’activités (celui du Cigref) avec le périmètre et la spécificité du système d’information. La troisième étape consiste à analyser tous les coûts et la phase suivante permet de déterminer les bons inducteurs de coûts, de sorte que chaque activité soit rattachée à un élément du catalogue de services. « Le plus difficile reste de faire adhérer les individus, de faire accepter les résultats et de traduire le tout en plan d’actions, car cela nécessite de se remettre en cause, d’autant que le benchmarking interne demande un investissement significatif », assure Serge Penet.
Les best practices du CEA
- Ne pas dévier du modèle (celui du Cigref a été utilisé).
- Factualiser au maximum pour maximiser le nombre de leviers d’actions.
- Ne pas considérer une démarche ABC comme exclusivement de nature financière ou de contrôle de gestion.
- Privilégier les formations préalables pour que toutes les personnes concernées aient le même niveau d’information et d’appropriation.
- Partir de ce qui est le plus facilement mesurable pour élaborer le catalogue de services.
- Se faire accompagner pour gagner du temps.
Les étapes de la méthode ABC
Pour la mise en place de la méthode ABC, plusieurs étapes sont nécessaires :
- structurer ses données de base et regrouper celles-ci en ressources ;
- déterminer les processus internes et les activités, voire les projets ;
- élaborer le modèle qui est la structure d’allocation des coûts ;
- assigner les coûts, y compris la gestion des temps ;
- identifier les inducteurs de coûts ;
- les calculer et les analyser ;
- faire évoluer le modèle.