Comment benchmarker ses coûts quand on est une PME qui n’a pas les moyens de se payer les services d’un cabinet de conseil ? Plusieurs approches sont possibles : catégoriser la nature des dépenses, prendre en compte l’échelle de temps, identifier les ratios les plus pertinents, à la fois pour les usages et pour les coûts unitaires.
Premier constat, selon une étude menée par Compass Management Consulting auprès de PME : une grande partie d’entre elles ne possèdent pas ou peu de données sur leurs coûts informatiques, avec près de 70 % de carences relevées par Compass Management Consulting. Contrairement aux grandes entreprises, dans lesquelles les DSI sont généralement équipées d’outils et de méthodologies, même sommaires, pour piloter leurs coûts, les entreprises de taille moyenne s’avèrent démunies en matière d’indicateurs et de chiffres sur leurs coûts informatiques.
Malgré ces manques, l’étude a permis de collecter un certain nombre de données utiles pour avoir une première vision des dépenses informatiques dans les PME, ainsi que pour fournir aux entreprises plus avancées dans la connaissance de leurs coûts informatiques des éléments de comparaison, dans une optique de benchmarking.
Le modèle pour étudier les dépenses repose sur un classement des différents indicateurs, en plusieurs catégories correspondant à des domaines techniques :
- développement et maintenance applicative ;
- mainframe ;
- stockage ;
- serveurs ;
- système d’impression ;
- ordinateurs de bureau ;
- réseau ;
- télécoms ;
- services de gestion ;
- service desk ;
- et enfin applications et middlewares.
Les données recueillies portent principalement sur les volumes (nombre d’utilisateurs, de serveurs, de terminaux, durée de conservation des données, etc.), sur les coûts associés et sur l’externalisation. Il s’agit essentiellement de coûts informatiques, les coûts liés au système d’information impliquant bien d’autres paramètres comme la valeur métier des données stockées ou le temps passé par les utilisateurs sur l’outil informatique.
Les réponses ont été regroupées en deux grands secteurs selon l’activité des entreprises interrogées : industrie ou services. De manière générale, l’usage de l’informatique occupe une place plus importante dans les services que dans l’industrie, de par la nature même de ces activités. Cela explique certaines des différences observées entre les deux secteurs.
François Messager, directeur des systèmes d’information et de l’organisation chez Celio a rappelé quelques chiffres : en 1980, les actifs travaillaient en moyenne 0,4 % de leur temps avec l’informatique. En 1990, ce taux est passé à 32 % et aujourd’hui il dépasse les 60 %. De fait, les budgets informatiques doivent être adaptés en permanence et il est de moins en moins pertinent de limiter l’informatique à une question de productivité : « L’informatique, c’est aussi des projets qui apportent de la valeur aux métiers, un service rendu et pas uniquement une question de marge », assure François Messager.
Pour Antoine Jove, directeur général adjoint de BCA Expertise (une entreprise de mille salariés spécialisée dans l’expertise automobile), mais qui a également occupé le poste de DSI, la direction des systèmes d’information doit présenter plusieurs visions du budget : « Une pour le budget interne, une autre pour le contrôle de gestion et une troisième vision pour la direction générale. »
Lorsque le budget est adressé à cette dernière, toute la difficulté est de faire comprendre que les coûts en jeu pour l’entreprise ne sont pas du même ordre que ceux que chacun rencontre en tant que particulier. La création de valeur est en effet un élément fortement différenciateur. Pour cela, il utilise notamment un indicateur de couverture métier de l’informatique.
Le benchmarking s’avère également un outil précieux dans le dialogue entre direction générale et DSI. « L’informatique est un facilitateur énorme, pointe Antoine Jove, mais le problème reste qu’il faut investir sur la durée, sur quatre ou cinq ans en moyenne. Certes, le budget informatique représente un certain pourcentage du chiffre d’affaires, mais ce pourcentage doit être prévu sur plusieurs années. »
Prendre en compte l’échelle de temps
Pour François Messager, dans le secteur de la distribution, la planification du budget informatique s’effectue sur plusieurs années, notamment pour permettre d’intégrer les évolutions des métiers. L’une de ses premières actions en tant que DSI a été de créer une « feuille de route » puis de mettre sous contrôle l’informatique.
En effet, la première des attentes des métiers, et donc la première des priorités pour un DSI, c’est d’avoir une informatique qui fonctionne, de viser « l’excellence opérationnelle » comme le recommande le DSIO de Celio. Dans un deuxième temps, il s’agit d’apporter de la valeur à l’entreprise, ce qui implique de discuter avec les métiers. Enfin, dans un troisième temps, le DSI doit accompagner l’évolution de ces métiers, et donc être capable de lancer de grands schémas de transformation, ce qui nécessite plans pluriannuels et schémas directeurs.
Ces trois missions doivent bien être distinguées au niveau des budgets : « Il convient d’isoler, dans les projets, ce qui est lié au fonctionnement de l’existant, sinon le risque est d’obtenir un effet de vases communicants avec ce qui ne relève pas du fonctionnement et qui entraîne une hausse des coûts », conseille le DSIO de Celio.
Ce dernier s’est d’ailleurs fait accompagner par un contrôleur de gestion pour structurer les coûts informatiques en fonction des métiers de son entreprise. Il a ainsi pu identifier des coûts informatiques qui ne relevaient pas de la DSI.
Cette structuration du budget permet également d’identifier plus aisément ce qui peut être externalisé ou non. Lorsqu’une entreprise opte pour l’externalisation, il convient, là aussi, d’être vigilant sur les coûts en jeu, tout particulièrement au moment d’établir les contrats.
« Il est important de bien comprendre les contrats de services avec les prestataires et de choisir des indicateurs de niveau de service (SLA) pertinents », explique François Messager. « Si la maintenance est payée au nombre de tickets résolus, le prestataire n’aura pas intérêt à ce que tout fonctionne bien. En revanche, s’il est payé en fonction du nombre d’utilisateurs couverts, il aura intérêt à ce que tout marche au mieux. »
Pour identifier ce qui est négociable dans les contrats, Antoine Jove suggère quelques pistes :
- privilégier une logique de résultats plutôt que de moyens ;
- penser aux clauses comme la réversibilité ou l’accès au monitoring ;
- connaître précisément ce qu’on veut et le prix afférant ;
- se faire aider de spécialistes pour définir les SLA, identifier les clauses auxquelles prêter attention, etc.
Face aux enjeux d’externalisation, de gestion des budgets, le DSI serait-il, à terme, en voie de disparition, son rôle réduit à celui d’un acheteur informatique ? « Le DSI de demain sera de plus en plus amené à parler de processus et d’organisation, prévient François Messager. Celui qui reste accroché à ses machines va quitter le monde des donneurs d’ordres pour aller vers celui des hébergeurs, l’autre deviendra une source d’idées ».
Principaux ratios pour les postes de travail | ||
Industrie | Services | |
Nombre de postes de travail par salarié | 0,56 | 0,71 |
Nombre de postes de travail par utilisateur | 0,89 | 0,91 |
Nombre de postes de travail par imprimante | 3,9 | 8,8 |
% de postes de travail portables | 32 % | 36 % |
% d’utilisateurs équipés d’un téléphone mobile | 27 % | 42 % |
Source : Compass Management Consulting |
Profil des entreprises interrogées | ||
Industrie | Services | |
Nombre moyen de salariés | 870 | 427 |
Nombre moyen d’utilisateurs | 477 | 290 |
Effectif de la DSI (à temps plein) | 12 | 16 |
Nombre moyen de sites géographiques | 28 | 8 |
Chiffre d’affaires moyen en 2009 (M€) | 163 | 62 |
CA/salarié en milliers d’euros par an | 168 | 183 |
% coût IT /CA | 2 % | 5,5 % |
Coût IT/salarié en milliers d’euros par an | 3,1 | 6,1 |
Source : Compass Management Consulting |
Principaux ratios pour les politiques d’achat et d’usage | ||
Industrie | Services | |
Politique d’achat des postes de travail : achats/location | 38 % | 100 % |
Politique d’achat des serveurs : achats/location | 50 % | 71 % |
Âge moyen des postes de travail | 3,1 ans | 3,9 ans |
Âge moyen des serveurs | 3,9 ans | 4 ans |
Infogérance de la salle informatique principale | 0 % | 29 % |
Infogérance de la salle informatique de secours | 37 % | 17 % |
Durée moyenne d’une correction en maintenance applicative | 3,1 jours-hommes | 0,5 jour-homme |
Durée moyenne d’une évolution en maintenance applicative | 3,5 jours-hommes | 3,3 jours-hommes |
Croissance des coûts informatiques 2010 par rapport à 2009 | – 4 % | + 12 % |
Croissance du chiffre d’affaires 2010 par rapport à 2009 | + 2 % | + 2 % |
Source : Compass Management Consulting |
Principaux ratios pour les coûts unitaires | ||
Coûts unitaires | Industrie | Services |
Coût mensuel/mobile | 87,7 € | 42,5 € |
Coût mensuel du réseau de données par site connecté | 656 € | 645 € |
Coût mensuel du réseau de données/utilisateur | 27 € | 29 € |
Coût moyen annuel par salarié interne | 70 k€ | 84 k€ |
Coût moyen annuel par salarié (prestataire externe) | 143 k€ | 118 k€ |
% d’effectifs externes | 20 % | 26 % |
Source : Compass Management Consulting |