GDF-Suez : transformation du Si sur fond de fusion

Transformer le système d’information, s’appuyer sur une externalisation sélective, développer les pratiques collaboratives et digérer SAP. Tels sont les grands chantiers mis en œuvre par la DSI de GDF-Suez pour accompagner la fusion (*).

Les métiers de GDF-Suez (80 milliards d’euros de chiffre d’affaires) s’articulent autour de six branches d’activités, dont cinq dans l’énergie (France, Europe et International, Gaz et GNL, Infrastructures, Énergie services) et une dans l’environnement (Suez Environnement).

Le système d’information de GDF-Suez, piloté par 3 000 collaborateurs, dont 700 au siège, s’articule autour de trois niveaux de gouvernance : corporate, par branche et par business unit. Le modèle d’organisation est mixte, combinant mutualisation (centre de services partagés au niveau corporate ou de branche) et proximité métier (DSI de business unit).

Lors de la fusion GDF-Suez, mi-2008, le système d’information a mixé, d’un côté, le SI de Gaz de France, plutôt centralisé, avec une DSI assurant les fonctions régaliennes et opérationnelles et, de l’autre, un SI hérité de Suez, plutôt décentralisé. Chaque entité, depuis le début des années 2000, avait déjà posé sa stratégie SI.

Pour Gaz de France, les enjeux étaient, pour une DSI créée ex nihilo en 2004, de préparer l’ouverture des marchés, de se désimbriquer d’EDF et de créer un centre de services partagés (CSP) d’infrastructures pour le groupe.

Pour sa part, la stratégie SI de Suez, groupe qui s’est constitué par fusions successives (avec des entités disposant de leurs propres systèmes d’information), reposait sur une massification des achats IT, une définition des politiques SI du groupe, le partage des connaissances et un début de réflexion sur la création d’un centre de services partagés d’infrastructures, mais qui s’est heurté à une certaine résistance de la part des business units.

Un ERP pour gérer les volumes

Les premiers projets SAP ont démarré au début des années 2000, pour le back-office (comptabilité, gestion, achats). Jusqu’en 2007, ont été développés des projets davantage cœur de métier, dans la perspective de l’ouverture du marché de l’énergie. Au cours de ces années, « la couverture des processus métiers a été étendue, avec une logique imposée par des délais courts, précise Véronique Durand-Charlot, DSI de GDF-Suez. Le choix de SAP a été motivé par des expériences réussies dans les domaines comptabilité/finances/achats. La perspective de l’ouverture du marché de l’énergie aux particuliers imposait de transformer le système d’information. »

En 2004, la question s’est posée de refondre les systèmes de facturation sous SAP. « Problème, SAP n’avait pas de références clients pour de tels volumes (onze millions de clients). Nous avons dû faire évoluer, à nos frais, la solution, avec l’aide d’intégrateurs notamment Capgemini, Accenture, Atos Origin et Orange Business Services. »

Un tel chantier est nécessairement « anxiogène pour la direction générale, qui a investi des centaines de millions d’euros, mais quatre ans après, d’un point de vue informatique, le pari est réussi », assure la DSI de GDF-Suez, dont les équipes n’ont pas échappé au « SAP Blues » : « Ce n’est pas parce qu’un système d’information est livré qu’il est nécessairement abouti. Il faut au moins entre six mois et un an et demi pour le stabiliser mais, en parallèle, nous nous sommes sentis abandonnés par l’éditeur. »

Réussir la convergence des infrastructures et des applications

« Au lendemain de la fusion, les priorités de la DSI sont de permettre l’intégration du nouveau groupe », rappelle Véronique Durand-Charlot. D’où quatre grands chantiers : la convergence des infrastructures IT (réseau, messagerie, annuaire, Internet, intranet, outils collaboratifs…), soit environ 80 projets assortis d’un budget de 80 millions d’euros ; la convergence des applicatifs du siège (finance, achats, ressources humaines, communication) ; la gestion des déménagements et l’équipement du nouveau siège à La Défense, près de Paris ; la définition de la gouvernance du système d’information et la déclinaison des premières politiques, par exemple pour la sécurité.

« L’organisation de la DSI a été conçue afin de ne pas perturber le delivery technique, ajoute Véronique Durand-Charlot, avec la fusion des équipes applicatives et la juxtaposition des équipes d’infrastructures « ex-GDF » situées en France avec celles des « ex-Suez », hébergées en Belgique au sein de la société Electrabel. »

Il a notamment fallu gérer la complexité des réseaux et des interconnexions entre des mondes différents. « Pendant près de deux ans, nous avons fait face, sur le plan technique, à un chantier qu’il fallait absolument sécuriser, et fait converger les applications. Mais nous ne pouvions pas poursuivre sans entamer une refonte de l’organisation. »

Dix-huit mois après la fusion, la DSI devait passer à une étape de transformation, face à l’augmentation exponentielle de l’activité (doublement des effectifs en deux ans, recours à l’externalisation…). En outre, précise Véronique Durand-Charlot, « le modèle des centres de services partagés (CSP), notamment pour les infrastructures, n’était pas suffisamment mature sur le plan du modèle économique, des processus, de l’outillage, des offres de service et de la contractualisation client. »

Par ailleurs, sur le plan opérationnel, la DSI met en exergue « une collaboration chaotique entre les équipes belges d’Electrabel et françaises de GDF Suez », avec, par ailleurs, une difficulté à mixer les différentes cultures d’entreprises, sur le plan relationnel et autour des capacités à travailler collectivement : « Nous avions des équipes essentiellement issues du monde de l’énergie (Electrabel et GDF) alors que GDF Suez a d’autres métiers (Services et Environnement) qui sont des clients potentiels pour les centres de services partagés Groupe. »

L’enjeu de cette nouvelle étape de transformation était triple : d’abord, renforcer la DSI dans son rôle de « tête de filière » pour la stratégie, la gouvernance, la gestion des ressources humaines et le suivi de la performance économique. Ensuite, industrialiser les CSP avec une contractualisation, des catalogues de services et une fusion des CSP d’infrastructures.

Enfin, précise Véronique Durand-Charlot « changer la culture avec une professionnalisation des collaborateurs à la relation client et aux aspects économiques, ainsi qu’avec une nouvelle charte de valeurs ». Ce qui a donné lieu à treize chantiers, menés en 2010. Pour la DSI, un des changements les plus importants a concerné « la manière de penser comme une SSII et non pas comme une structure informatique interne ».

« Pour la DSI, 2011 sera une année de transition et de consolidation », assure Véronique Durand-Charlot, avec un effort particulier sur le schéma directeur. Il s’agit, de « disposer d’un schéma directeur des infrastructures dès juin 2011, avec une priorité sur la plaque Europe, d’élaborer des schémas directeurs pour les filières fonctionnelles et de renforcer la collaboration avec les DSI de branches ».

Tout en veillant à ne pas trop décentraliser : « La décentralisation est évidemment une approche pertinente pour les métiers, mais elle a des limites pour les systèmes d’information », par exemple si les infrastructures (réseaux, postes de travail, sécurité…) demeurent trop hétérogènes. •

(*) Les éléments de cet article ont été collectés lors du Printemps de l’USF, d’une conférence organisée par CIOnet sur les réseaux sociaux et de la conférence « Énergie-Utilities » organisée par Progress Software.


Un volet collaboratif pour préparer l’entreprise 2.0

La DSI a mené une étude d’opportunité au niveau du groupe sur l’entreprise 2.0 et les meilleures trajectoires pour s’y préparer. « Une nécessité pour gagner rapidement en maturité sur les réseaux sociaux », estime Armelle Douay, en charge du collaboratif de la DSI de GDF Suez, qui est intervenue lors de la conférence organisée en mars dernier par CIOnet.

L’un des objectifs était de mutualiser les expertises et de décloisonner la filière SI organisée en silos, suite à la fusion entre GDF et Suez. Le chantier a été mené avec le soutien de Lyonnaise des Eaux, très avancée dans ce domaine et qui a apporté ses bonnes pratiques et aider à construire la plate-forme (BlueKiwi en mode SaaS).

Les délais de mises en œuvre ont été très réduits. La décision de création d’un réseau social pour la filière SI par la DSI corporate de GDF Suez est intervenue mi-2010 et le lancement officiel de JoIn a eu lieu le 3 novembre 2010, après une étape de construction des communautés. « Au démarrage, nous avions quatre communautés avec soixante membres, mais quatre mois plus tard, nous comptions treize communautés SI et métiers avec 900 membres », précise Armelle Douay. Objectifs de la DSI : partager la veille et les flux d’informations, élargir le réseau d’une communauté de pratique, prolonger les bénéfices des formations et identifier les compétences.

Pour atteindre ces objectifs, GDF Suez a développé deux formes de collaboration, avec deux solutions. La première (sous Microsoft SharePoint) repose sur un espace collaboratif, pour le partage de documents, qui se caractérise par un outil centré sur le document, un mode de classement cadré, un contenu structuré et des arborescences.

Seconde approche : le réseau social (avec BlueKiwi), outil centré sur l’utilisateur, avec des espaces conversationnels peu formalisés, un mode de classement libre et une navigation par des nuages de mots-clés. « Il n’y a pas de liens entre ces deux solutions et c’était volontaire », explique Armelle Douay, qui identifie trois facteurs clés de réussite : le besoin (intérêt à développer un tel projet), le parrain (parce que c’est un projet d’entreprise) et l’animation, qui compte au moins pour moitié dans la réussite d’un projet collaboratif. « Et 30 % des membres se connectent au moins deux fois par mois », précise Armelle Douay.

Le déploiement d’espaces collaboratifs et de réseaux sociaux change également la gouvernance des projets et du système d’information : « Il faut créer un pôle collaboratif, sous forme de « business support », un comité métier intranet et collaboratif transverse, former à l’animation des communautés, assurer un déploiement viral avec des mesures d’audiences, revoir la politique d’accès à Internet, adapter le catalogue de services et la refacturation et, enfin, rendre disponible les plates-formes 24 heures sur 24 », résume pour sa part Frédéric Charles, responsable de la stratégie et de la gouvernance à la DSI de Lyonnaise des Eaux (Suez Environnement).

À terme, il s’agit de préparer le passage d’une situation dans laquelle « l’e-mail est l’outil universel » à des outils de collaboration spécialisés plus efficaces et mieux intégrés. « Par exemple, la messagerie instantanée s’intègre dans les espaces où les salariés collaborent, la gestion documentaire permet la capitalisation collective des connaissances et les e-mails, au lieu de véhiculer des pièces jointes, deviennent « vides » avec seulement des liens et pas de documents, ni de connaissance de l’entreprise qui n’aurait pas été capitalisée », résume Armelle Douay. En outre, les ERP « retrouvent une dimension collaborative au-delà des processus et des procédures, et ces réseaux permettent d’engager la conversation avec les clients dans les réseaux sociaux grand public et professionnels. »


Réseau social d’entreprises : cinq questions à poser aux DG réfractaires

  • Mieux servir ses clients ne peut-il pas passer par moins de procédures et plus d’écoute ?
  • La communication n’est-elle pas parfois aussi performante que les processus pour se coordonner rapidement ?
  • L’information et la connaissance non structurée n’ont-elles pas plus de valeur que le contenu de toutes les bases de données du système d’information ?
  • L’ergonomie des ERP ne limite-t-elle pas la capacité de collaboration des salariés ?
  • L’e-mail est-il la forme la plus avancée de collaboration ou n’est-il pas un destructeur massif de connaissances ?

Source : Lyonnaise des Eaux.


Une stratégie d’infogérance

GDF Suez a renouvelé pour six ans son contrat d’infogérance, qui englobe les services standard d’un prestataire comme l’hébergement, l’exploitation des infrastructures et l’exploitation des applications ERP, mais également la mise en place d’une équipe commune d’ingénierie en charge de développer les solutions du Groupe pour les business units. La DSI de GDF Suez proposera aux entités du Groupe en France un catalogue unifié de services d’exploitation. Orange Business Services et GDF Suez mettront en place une équipe commune d’ingénierie, qui travaillera notamment sur des solutions de cloud privé. Enfin, Orange Business Services fournira les capacités d’hébergement avec la mise à disposition de son nouveau « Green Data Center » en cours de construction en Normandie.


Forces et faiblesses de SAP selon GDF-Suez

Forces

  • Des modules de back-office correspondant aux besoins des utilisateurs
  • Des experts compétents
  • Un support 7 jours sur 7

Faiblesses

  • Des solutions métiers moins performantes
  • Une écoute du client peu satisfaisante (même pour un grand compte)
  • Des difficultés pour les montées de version
  • La lisibilité insuffisante de la feuille de route

Source : GDF-Suez.


Fusion de SI : dix bonnes pratiques de GDF-Suez

  1. Faire converger les infrastructures (réseau, messagerie, annuaires, intranet…).
  2. Faire converger les applicatifs (finance, ressources humaines, achats, communication…).
  3. Définir un schéma directeur SI pour l’ensemble des filières fonctionnelles.
  4. Anticiper les déménagements entre différents sites (logistique, réseaux, ressources, support…).
  5. Bien définir les principes de gouvernance SI, surtout pour des activités à forts volumes.
  6. Renforcer la collaboration entre les DSI de branches (avec des outils collaboratifs, par exemple).
  7. Veiller à ne jamais perturber le fonctionnement opérationnel du SI.
  8. Étudier les synergies potentielles avec des centres de services partagés.
  9. Anticiper les augmentations des volumes d’activités.
  10. Engager des chantiers de changement de la culture et du partage des connaissances.