Les ressorts de l’alignement stratégique

L’évolution des systèmes d’information est souvent imposée par des facteurs externes en premier lieu les transformations de l’environnement concurrentiel des entreprises. Les témoignages de Carrefour, Réseau ferré de France, Stime (Intermarché) et Entremont Alliance, recueillis lors du dernier DSI Symposium organisé par IDC.

Selon l’étude « Competing for Growth » menée fin 2010 par Ernst & Young et The Economist Intelligence Unit auprès de 1 400 dirigeants, 62 % de ces derniers attendent de la fonction IT qu’elle participe à la transformation de l’entreprise, « mais seuls 29 % la voient d’ores et déjà comme capable d’assumer ce rôle stratégique », précise Michel Richard, associé chez Ernst & Young.

Alors que, dans le même temps, explique Philippe Egloff, senior manager au sein du département IT Advisory de Ernst & Young, « avec une fonction IT performante, le potentiel de croissance des revenus peut atteindre 7 % et la progression des dividendes 20% ».

Dans ce contexte, la stratégie SI doit s’appuyer sur les deux piliers qui permettent de réduire cet écart de perception entre les attentes des directions générales et leur ressenti quant aux capacités des DSI à atteindre leurs objectifs de transformation.

Et, pour les DSI, un tel rééquilibrage, s’il est nécessaire, va devenir urgent, du fait des transformations des environnements concurrentiels des entreprises. « En matière d’optimisation des infrastructures par exemple, le time to market est important, c’est le premier objectif », assure Hubert Tournier, DOSI adjoint du Groupement des Mousquetaires (Intermarché).

D’autant que le Groupement des Mousquetaires n’est pas une structure pyramidale, ce qui ne simplifie pas l’alignement et la gouvernance : « Nous avons affaire à 4 000 patrons, c’est plutôt complexe en termes de gouvernance !, ajoute Hubert Tournier. Dans la mesure où la DSI est la propriété commune, on parle d’indépendance dans l’interdépendance. »

Hervé Thoumyre, CIO de Carrefour, estime qu’il est nécessaire « d’intégrer le système d’information autour du client et d’une offre unifiée, notamment avec la convergence des enseignes, la nécessité de partager la chaîne logistique et le système de fidélisation client (17 millions de cartes pour Carrefour) ».

Pour Hervé Thoumyre, un alignement du SI est réussi si trois bonnes pratiques sont appliquées : « D’abord, obtenir un soutien total de la DG, ensuite, dégager des résultats à court terme, donc faire ce que l’on a annoncé, et, enfin, ne jamais négliger la dimension relationnelle avec des réponses réalistes qui placent le DSI dans une posture davantage d’explication que de sanctions. »

Quatre stratégies pour l’alignement
 Stratégies  Comment ?
 Maîtriser l’information Disposer, grâce à la Business Intelligence, de données fiables, en temps réel, au niveau mondial
 Opérer une veille technologique  Cloud computing, terminaux mobiles, « labs », réseaux sociaux
 Garantir le time-to-market  Éviter « l’effet tunnel » des grands projets et gérer les projets par lots
 Faire face à toutes les situations de croissance externe  Disposer d’un core model prêt à déployer, prendre en compte rapidement les évolutions réglementaires
Source : Ernst & Young.

Le SI face aux retournements conjoncturels

Chez Entremont Alliance, qui a un nouvel actionnaire (Sodiaal) depuis fin 2010 et qui devient le quatrième groupe laitier européen, c’est la vitesse de reconfiguration de l’activité du groupe qui a imposé l’adaptation du système d’information : « Il nous faut répondre rapidement aux changements de marché, explique Pierre Burnier, DSI d’Entremont Alliance, et le groupe a beaucoup crû par croissance externe ces dernières années sans vraiment avoir restructuré les processus métiers ni urbanisé et normalisé les flux, ce qui peut nuire à sa performance.

Le système d’information fait partie des éléments de réponse à ces changements de marché. » Surtout sur des marchés pilotés par les prix des matières premières qui peuvent affecter les 30 % du chiffre d’affaires et considérablement alourdir les coûts en quelques semaines.

On comprend que dans un tel environnement mouvant se pose très vite la question du rôle stratégique du système d’information. Souhaitez-vous que le système d’information demeure un SI de moyens ou, au contraire, accompagne la compétitivité de l’entreprise sur son marché ?

C’est en ces termes que le DSI d’Entremont Alliance a posé la question à la direction générale. « Il a fallu expliquer la différence entre un système d’information de moyens et un système d’information aligné, explique Pierre Burnier. Sachant qu’avec un système d’information de moyens, l’entreprise aurait eu des difficultés à s’adapter à l’environnement concurrentiel. » Objectifs fixés par cet alignement : la recherche de création de valeur par l’agilité, la simplification et la cohérence : « Le système d’information ne peut plus demeurer isolé. Il n’est certes pas associé à la définition de la stratégie, mais la DSI devient un acteur qui discute avec les métiers, améliore la performance à travers l’innovation, avec, il va de soi, une optimisation des coûts, ce qui n’est pas facile mais reste primordial. »

Définir des axes stratégiques

Pierre Burnier explique : « Ce sont les systèmes d’information qui disposent de la vision de la modélisation des flux et des processus. Il est donc inconcevable de les mettre hors course, d’autant que le SI devient un vrai vecteur de transformation de l’entreprise à travers une politique de services où le client est placé au cœur. La cible SI s’inscrit dans une logique autour d’un plan d’urbanisation, revu avec les instances de gouvernance d’entreprise. Le plan d’urbanisation vit en permanence et le métier y est associé. »

Réseau ferré de France, créé en 1997 dans la perspective de l’ouverture à la concurrence, et qui compte aujourd’hui 1 200 salariés pour 3,3 milliards d’investissement (en 2009) est, de fait, par son histoire, une entreprise étendue. « Nous sommes partis d’une cible avec cinq axes stratégiques, avec un principe de programmation pluriannuel : créer un processus des capacités aux organisations, consolider un référentiel d’informations, rationaliser le domaine de la gestion, s’ouvrir aux échanges extérieurs et susciter l’innovation », explique Dominique Cuppens, DSI de Réseau ferré de France.

Avec plusieurs principes d’alignement : « Un programme (une ambition, un pilotage transversal, des projets et des initiatives, des actions permanentes), un projet (avec un objectif, un pilotage opérationnel, un début et une fin) et un service (avec un suivi, un support, une continuité) », résume Dominique Cuppens.

Quelle organisation de la DSI pour quelle gouvernance ?
Domaines d’action Budget équipes : qualitésdes collaborateurs-clés Gouvernance et pilotage
Principes d’action
  • Faire plus avec des moyens limités
  • Arbitrer en permanence entre les coûts, les délais et la pérennité du système
  • Visionnaires
  • Capables d’instruire les dossiers, de fédérer et de convaincre
  • Capables de passer du métier à la technique et inversement
  • Capables de piloter les prestataires
  • Á l’aise à l’international
  • Création d’un comité d’arbitrage représentatif qui définit le bon niveau de subsidiarité niveau central-niveau local
  • Au niveau central : des équipes qui maîtrisent les processus, la solution et les référentiels
  • Au niveau local : des points de contact capables d’identifier les problématiques complexes à remonter au niveau central tout en apportant des solutions pour les problématiques simples des pays
Source : Ernst & Young.

 

Les exigences d’alignement et de gouvernance se posent particulièrement pour les entreprises internationalisées : « Il faut être capable de servir les besoins d’entités de toutes natures et de toutes tailles, partout dans le monde, explique Michel Richard, associé chez Ernst & Young. Avec un core model, mais également une certaine modularité à la marge, un traitement différencié des grandes et des petites régions, du front-office et du back-office et la mise en place d’un fonctionnement collaboratif avec le reste de l’entreprise. »

Il est utile de créer un comité d’arbitrage représentatif dont la mission est de « définir le bon niveau de subsidiarité central-local avec, en central, des équipes qui maîtrisent les processus, la solution et les référentiels et, en local, des points de contact capables d’identifier les problématiques complexes et remonter au niveau central », ajoute Michel Richard.

Chez Carrefour, le CIO estime : « Il faut privilégier les solutions industrielles, sinon cela coûte trop cher, les délais s’allongent et les projets deviennent trop lourds à gérer. C’est crucial dans les pays émergents où le système d’information doit accompagner la croissance des magasins, avec des coûts optimisés et une logique de variabilité, surtout lorsqu’il est difficile d’établir des prévisions précises d’activités. » Et Hervé Thoumyre ajoute : « Je préfère des outils robustes et simples que l’on maîtrise plutôt qu’une belle mécanique. »

Côté gouvernance, « il faut être à la fois directif et souple afin de ne pas créer trop de contraintes, sinon cela pose des problèmes d’appropriation des outils », conseille Hervé Thoumyre. Réseau ferré de France, pour sa part, a créé plusieurs instances de gouvernance : un comité SI, qui se réunit trois fois par an avec le comex, des comités de programmes SI, de sous-programmes, des comités de projet SI et des comités d’urbanisme SI et des réseaux SI.

« L’ambition est de changer de posture, explique Dominique Cuppens. Nous sommes passés d’une attitude de type « je demande un outil » à un véritable travail sur les processus et les objets métiers et une refonte de l’ensemble des éléments du SI. Alors qu’auparavant, le clivage MOA-MOE constituait un point de crispation, nous sommes désormais dans une relation tripartite (la fonction SI, les métiers et les sous-traitants), avec des objectifs business et la constitution d’un centre de services pour l’ensemble des offres du SI. »


Rôle du comité de gouvernance

  • Mettre en corrélation la stratégie de l’entreprise et celle des métiers
  • Définir les grandes priorités business
  • Valider le plan d’urbanisation
  • Identifier et arbitrer les écarts

Source : Entremont Alliance


Objectif et missions d’une cellule d’urbanisation

Objectif :

  • Urbaniser l’entreprise en s’appuyant sur le plan d’urbanisation, soumis au comité de gouvernance pour arbitrage.

Missions :

  • Accompagner le métier pour formaliser sa cible et la trajectoire associée, dans la mesure où les métiers ont des difficultés à présenter des cibles et des trajectoires.
  • Identifier la contribution du SI et la cible métier associée : comment le système d’information peut-il aider le métier à atteindre sa cible ?
  • Participer, en tant que contributeur et garant, à l’élaboration du plan de gouvernance, le piloter et le réajuster.
  • Animer et piloter la modélisation des processus et des flux de l’entreprise : cette animation s’articule autour du système d’information, mais c’est vers le métier que doit se transférer une partie de responsabilités, même si c’est le système d’information qui a la meilleure vision des processus.

Source : Entremont Alliance