SAP dans le secteur public : les bonnes pratiques

Le 13 octobre 2010, à l’occasion de sa convention annuelle, l’USF (association des utilisateurs de SAP francophones) a dévoilé le contenu d’un livre blanc intitulé « SAP au sein du service public : retours d’expériences, guide pratique et facteurs clés de succès ».

Cet ouvrage est basé sur l’expérience de nombreux orga­nismes publics ayant mis en place un progiciel de gestion intégrée de SAP. Conciliant avis d’experts, bonnes pratiques et retours du terrain, cet ouvrage se veut un recueil de conseils pragmatiques pour les organismes du secteur public qui utilisent ces solutions ou envisagent de les déployer.

Ce livre blanc obéit à un double objectif : mettre en garde contre les écueils qui peuvent se présenter sur ce type de projet, mais aussi démontrer les potentialités des progiciels de gestion intégrée (PGI) dans le secteur public, démontant un certain nombre d’idées reçues au passage. Le livre blanc s’articule autour d’une dizaine de chapitres, chacun présentant une thématique clé des projets SAP pour le secteur public.

La constitution des marchés et des appels d’offres

Dans un appel d’offres autour des PGI, la partie contractuelle est fondamentale : elle conditionne en effet le bon déroulement du projet. Au moins trois éléments nécessitent une attention particulière : le découpage du marché, l’élaboration de l’appel d’offres et le choix des procédures.

Au niveau du découpage, tant la répartition des appels d’offres entre éditeurs et intégrateurs que le nombre de lots à prévoir demandent réflexion, en particulier sur les gros projets. Concernant l’élaboration de l’appel d’offres, il faut bien avoir en tête qu’un projet PGI est d’abord un choix stratégique, celui d’une solution intégrant les différents modules fonctionnels.

Enfin, le choix des procédures est un domaine où, depuis quelques années, une certaine créativité est possible, le Code des marchés publics ayant introduit deux nouveaux dispositifs pouvant être utiles : le dialogue compétitif et l’accord-cadre monotitulaire.

La gouvernance et l’organisation d’un projet SAP

La gouvernance, c’est-à-dire la manière d’organiser le pilotage d’un projet, constitue un point clé pour réussir la mise en place d’un PGI. La gouvernance doit être pensée dans tous ses aspects : désignation des parrains du projet et mise en place des instances de pilotage, sans oublier certains enjeux sensibles des projets PGI : gouvernance des données, de la sécurité et de l’assurance qualité.

La conduite du changement

Chaque projet système d’information, a fortiori lorsqu’il s’agit de la mise en œuvre d’un PGI, suscite toujours, à des degrés divers, des résistances de la part des différents acteurs concernés par le projet. La conduite du changement est donc un paramètre essentiel pour réussir. Elle est fortement liée à la compréhension de l’impact du projet et ne doit donc pas être restreinte à la formation à l’outil.

Les modalités de travail avec l’éditeur et les intégrateurs

La mise en place d’un PGI fait intervenir plusieurs acteurs : éditeur, intégrateurs généralistes, intégrateurs spécialistes et éventuellement consultants indépendants. Cette multiplicité des intervenants implique de gérer de près l’arbitrage et la gouvernance du projet.

Pour l’organisation, il est fondamental de conserver la maîtrise du projet, ce qui impose de gérer au mieux les relations avec chacun de ces acteurs.

SAP et l’Open Source

Comme le montre l’expérience de la Gendarmerie nationale, il est possible de déployer SAP en environnement Open Source. Un tel choix implique néanmoins quelques spécificités, en particulier au niveau de la rédaction de l’appel d’offres, du support et des montées de versions.

La dématérialisation

De par sa nature même, la mise en place d’un PGI implique la dématérialisation de certains flux. Le PGI peut également devenir un élément central dans une stratégie de dématérialisation à large échelle. Les bénéfices peuvent être nombreux, à condition de bien choisir les flux à dématérialiser : gain de temps, amélioration de la qualité, rationalisation des processus ou encore réduction de l’impact environnemental font partie des bénéfices observés sur le terrain.

Mise en place d’un centre de compétences et tierce maintenance applicative

Une fois le PGI SAP mis en place, démarre la phase d’exploitation. Celle-ci n’est pas toujours suffisamment anticipée par les organisations. Des questions comme celle de la tierce maintenance applicative (TMA), la mise en place d’un centre de compétences pour gérer le support, le profil et le dimensionnement des équipes de support doivent être abordées autant que possible en amont des projets.

La signification du RSI et le calcul de la valeur d’un projet SAP

L’analyse de la valeur d’un projet de PGI n’est plus un sujet tabou dans le secteur public. Cependant, dans ce secteur peut-être plus qu’ailleurs, le retour sur investissement (RSI) n’est pas uniquement financier. La notion de service rendu et les gains qualitatifs doivent donc être pris en considération pour estimer le RSI de la mise en place d’un PGI. Si la direction projet ne possède pas la légitimité nécessaire pour mesurer par elle-même le RSI, elle peut néanmoins proposer quelques pistes.


Claude Molly-Mitton, président de l’USF : « ERP et secteur public ne sont pas incompatibles »

Pourquoi l’USF a-t-elle pris l’initiative de ce livre blanc consacré au secteur public ?

Claude Molly-Mitton Ce livre blanc est le résultat d’un projet collectif lancé en novembre 2009 au sein de la communauté « service public » de l’USF. Plusieurs motivations sont à l’origine du lancement de ce projet.

La première, et la principale, est de vocation pédagogique pour tous les nouveaux projets SAP à venir au sein du service public : il s’agit de faire bénéficier les acteurs de notre expérience et de notre savoir-faire afin de les aider à mieux réussir leur projet. Deuxième motivation : transmettre un certain nombre de messages à l’écosystème et, enfin, permettre de formaliser nos réflexions communes et nos échanges au sein d’un livrable pérenne et visible.

Le service public et ses diverses composantes ont été parties prenantes de cet ouvrage. Ainsi, ont participé à la rédaction de ce livre blanc des membres de l’USF, représentant les onze organisations publiques suivantes : l’Agence de biomédecine, l’Agence pour l’informatique financière de l’État (AIFE, ministère du Budget), l’Agence de mutualisation des universités (AMUE), l’Assemblée nationale, l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP), la Gendarmerie nationale (ministère de l’Intérieur), l’Institut de recherche pour le développement (IRD), la Mairie de Paris, le ministère de la Défense, Pôle emploi et l’UGAP. Ainsi cet ouvrage représente un travail, hors rédaction, d’une centaine de jours-hommes à travers dix réunions qui se sont succédé au premier semestre 2010 et auxquelles ont participé une vingtaine de personnes différentes.

Quelles sont les principales conclusions de ce livre blanc ?

Claude Molly-Mitton Nous avons identifié les bonnes pratiques clés pour réussir un projet SAP au sein du secteur public (voir pages 6 et 7). PGI et secteur public ne sont pas incompatibles : la mise en place d’un progiciel de gestion intégrée est un choix très structurant pour une organisation, qui nécessite une réflexion stratégique au plus haut niveau de gouvernance.

La mise en place de SAP et, plus globalement, de tout PGI, est d’abord et avant tout une problématique organisationnelle. Elle nécessite des compétences spécifiques fonctionnelles et techniques et doit rester sous le contrôle de l’organisation publique : il ne faut pas s’en remettre aveuglément aux intégrateurs.

Il est important de prendre en compte, autant que possible, le coût complet de la mise en place du progiciel, c’est-à-dire, au minimum, à la fois les coûts d’investissement et les coûts d’exploitation. La conduite du changement d’un projet PGI doit être vue comme un véritable « projet dans le projet », qui doit se préparer très en amont. L’analyse de la valeur, du retour sur investissement (RSI) n’est plus un sujet tabou dans le secteur public.

Enfin, particularité de certaines administrations, la communication reste parfois un tabou, notamment quand la mise en place de SAP a de fortes conséquences organisationnelles et donc potentiellement des impacts politiques et sociaux. La communication permet en plus de valoriser les équipes chargées du projet.

Le déploiement de SAP dans le secteur public répond-il à des contraintes particulières ?

Claude Molly-Mitton Oui et non ! Certains sujets sont vraiment très spécifiques au secteur public, à commencer par les conditions de l’acquisition du PGI et, plus globalement, l’ensemble des problématiques concernées par les marchés publics.

Autre spécificité, les contraintes réglementaires, qui imposent certains principes de base différents de ceux qui gouvernent les projets d’entreprise, par exemple celui de ne jamais engager aucune dépense si on n’est pas absolument certain que l’on dispose des autorisations budgétaires pour le faire (on parle souvent de budget contraint) ou, même si le sujet s’est largement assoupli ces derniers temps, la séparation de l’ordonnateur et du comptable.

Autre particularité du secteur public : ses contraintes en termes de ressources humaines, de difficulté de recrutement et de pérennisation de ces ressources, par exemple au sein d’un centre de compétences SAP.

Mais d’autres aspects d’un projet SAP au sein d’une organisation publique ne présentent guère de différence avec un projet SAP d’une entreprise : limitation des développements spécifiques, « règles du jeu à trois » avec l’éditeur et les intégrateurs, pilotage projet ou bien, ce qui peut étonner, la conduite du changement, qui, selon nous, est finalement plus un problème culturel partagé largement en France qu’un problème spécifique du secteur public.