Cet ouvrage collectif, fruit du travail de chercheurs de l’École polytechnique et des consultants du cabinet de conseil BearingPoint, propose une série de contributions sur les grandes thématiques du management.
Les nouvelles pratiques, et notamment celles qui sont liées aux technologies de l’information, remettent d’abord en cause la notion de temps. D’une part, avec la numérisation des organisations : « Les TIC remettent brutalement en cause les structures compétitives des marchés sans que les acteurs économiques, ni la puissance publique, ne disposent toujours des moyens pour penser et anticiper de telles transformations », expliquent les auteurs qui identifient deux changements majeurs, dans les notions de prix (différenciation des tarifs, montée de la gratuité) et de cœur de compétence (passage d’une logique de produits à une logique de services). D’autre part, avec la dématérialisation des processus, qui ne se résume pas à une problématique technologique.
« La transcription des processus, écrits ou pas, dans une orchestration numérique ne suffit pas, soulignent les auteurs, car les usages et les modes de fonctionnement autour du processus s’en trouvent alors modifiés. Par conséquent, le programme d’accompagnement du changement paraît aussi vaste qu’exigeant, mais démontre ainsi les limites actuelles des outils technologiques. »
Le temps devient ainsi de plus en plus taylorisé, avec des exigences de temps réel (notamment pour les contacts avec les clients). C’est « Taylor au pays du zapping », résument les auteurs avec ce que cela comporte comme effets pervers. « Le manager, pour réussir à travailler dans cet environnement complexe multidimensionnel, éprouve le besoin de définir des règles claires de fonctionnement, de préciser comment et par qui sont prises les décisions. Par là-même, il rigidifie la structure et crée autant de freins à la créativité et à l’innovation. »
Les auteurs suggèrent plusieurs pistes pour atténuer ces effets : communiquer régulièrement sur les objectifs stratégiques, recherche des structures « courtes » de management avec, en parallèle, une implication plus forte du management intermédiaire et, enfin, capitaliser sur les savoirs « éparpillés et de plus en plus volatiles ».
Les auteurs de la contribution sur le capital informationnel des entreprises affirment : « On ne peut plus décrire l’entreprise uniquement via son capital économique, avec la notion de goodwill pour la partie immatérielle. Il faut prendre en compte également son capital informationnel, devenu créateur de valeur et donc, en lui-même, valorisable. »
De fait, il s’agit de « sécuriser un actif important » et d’éviter qu’il s’érode. La question de l’innovation est donc centrale. « Elle ne se confond plus avec le nouveau produit : le cycle de vie des produits s’est considérablement raccourci, les entreprises industrielles ont généralisé les plates-formes standardisées. »
Concrètement, et c’est là que les DSI ont un rôle à jouer, « ce défi exige de renouveler les outillages stratégiques traditionnels en passant d’une logique de gestion de portefeuille de produits à une logique de gestion de l’articulation des produits et des innovations ». Par exemple avec les réseaux 2.0, le concept d’Open innovation (innovation distribuée) et le codéveloppement. L’entreprise devient ainsi « étendue de l’intérieur ». Il faudra donc « réconcilier le pilotage et la gouvernance ».
Aujourd’hui, la tendance est à une dissociation ces deux éléments : « La forme prime sur le fond, assurent les auteurs, la tentation de séparer gouvernance et pilotage est grande. » La gouvernance rassure les actionnaires et les autorités régulatrices, le pilotage gère l’entreprise et ses collaborateurs au jour le jour. « Les modes de gouvernance sont très réglementés, les modes de pilotage ne le sont pas. »
Or, affirment les auteurs, « la continuité et la cohérence entre les pratiques et les outils mis à la disposition des dirigeants de l’entreprise et ceux des actionnaires sont impératives ». Il est vrai qu’un intéressant paradoxe plaide pour une telle mise en cohérence entre les normes et les pratiques : « N’est-il pas paradoxal de voir se multiplier les instances de régulation et les règlements, dans un monde libéral où la dérégulation est présentée comme un incontournable levier de croissance ? », rappellent les auteurs.
Le meilleur de la stratégie et du management, sous la direction de Pierre-Jean Benghozi et Jean-Michel Huet, Pearson Village Mondial, 2009, 279 pages.