Depuis que les systèmes d’information se généralisent, les dépenses informatiques des entreprises ont continuellement augmenté. Intégré aux processus métier de l’entreprise, le système d’information est de fait un contributeur majeur à la création de valeur de l’entreprise.
Son fonctionnement participe à la fabrication du produit ou du service commercialisé par l’entreprise. A ce titre, il participe donc de manière indirecte au coût global dudit produit.
Si dans de nombreuses entreprises la prise en compte des coûts indirects est une réalité, la question du système d’information reste souvent non résolue et assimilée à un coût de structure réparti, même si des démarches de contrôle de gestion poussent à une structuration des services apportés par le système d’information.
A l’heure actuelle, la réallocation précise des coûts de transport, de logistique, de ressources humaines et d’autres fonctions support est une réalité dans la plupart des entreprises. Partant de ce constat et convaincus de la possibilité d’adapter à la DSI les méthodes qui ont réussi pour d’autres fonctions support, nous proposons ici quelques pistes concrètes d’élaboration d’un catalogue de services informatiques.
Les objectifs
L’élaboration d’un catalogue de services informatiques partagé et exploité par les clients de le DSI, la direction financière et la DSI impose le respect des objectifs opérationnels suivants :
– Orientation client : Toujours se référer à l’usage que les clients font des services, bannir les considérations techniques
– Exhaustivité : Couvrir toute l’activité de la DSI, aussi bien les projets (build) que la production (run) en distinguant leur spécificité
– Complétude : Etre certain de proposer une granularité cohérente avec l’usage fait par les clients de la DSI et par la direction financière (contrôle de gestion)
Se référer régulièrement à la démarche de conception d’offre de services d’autres fonctions support comparables : le service logistique dans la distribution spécialisée par exemple.
Qui participe à la démarche ?
Le catalogue de services informatiques fait rarement l’objet d’une démarche spécifique et isolée. Il est souvent la conséquence d’une démarche partielle de contractualisation de services ou de contrôle de gestion. Au contraire, il est le pivot de la relation de partenariat entre la DSI et ses clients. Il doit donc résulter d’une initiative stratégique portée par un groupe projet constitué de :
– Le DSI et le directeur du contrôle de gestion sont les véritables sponsors de la démarche. Ils ancrent la démarche dans la stratégie de l‘entreprise et garantissent l’investissement de tous.
– Les métiers et fonctions support représentent les utilisateurs du système d’information. Ils expriment leur vision et l’usage qu’ils font du système d’information. Par l’expression de leurs niveaux d’exigence, ils aident au discernement et à la sélection des services qui correspondent à une réalité de leur activité.
La direction financière, responsable de la réallocation des coûts informatiques et le cas échéant de l’émission des factures aux clients de la DSI. Sa vision exhaustive des coûts du système d’information aide à la recherche du bon niveau de granularité des services.
– La DSI est représentée par un responsable de la gouvernance du système d’information ou par un contrôleur de gestion dédié à la DSI. Les directeurs des études, de la maintenance applicative et de la production sont également sollicités pour garantir la réalité informatique des services définis et la non adhérence entre services distincts pouvant être souscrits indépendamment.
Dans le cadre de notre analogie avec la distribution spécialisée, c’est bien les magasins qui décident du calibrage des différents services de transport (au poids, au kilomètre). Et le service logistique, même s’il en est capable, ne pourra pas proposer un service qui sort du cadre des stricts besoins de ses clients les magasins.
les phases de la démarche
La constitution du groupe projet et l’inscription de la démarche au niveau stratégique constituent le préalable au lancement des phases qui suivent :
1. La formalisation et l’expression des besoins en services informatiques du point de vue des clients de la DSI
2. La décomposition des services en activités ou services élémentaires pour valider la réalité technique des services conçus
3. La déclinaison des services en coûts élémentaires pour valider la capacité à valoriser le coût des services et leur réallocation aux clients de la DSI
4. La communication du catalogue de services informatiques (forme simplifiée pour la souscription et forme détaillée pour la gestion)
5. La mise en production sur un périmètre prototype (explication et justification des factures)
La démarche d’élaboration d’un catalogue de services informatiques est généralement indissociable d’une démarche de suivi et d’analyse des coûts. Le point de rencontre entre ces initiatives se fait généralement lors de la phase 3 lorsque l’on rapproche l’utilisation du SI par les clients avec la comptabilité analytique. On notera que l’alignement des services proposés sur la demande est une exigence qui n’empêche pas la DSI d’imaginer et de proposer de nouveaux services à ses clients. L’étude de ROI fera qu’ils entreront peut-être au catalogue.
Comment procéder ?
La démarche doit être centrée sur les clients de la DSI, il est donc impératif d’organiser d’abord des ateliers de travail thématiques par client de la DSI. En fonction de la complexité de certains métiers, on pourra segmenter les ateliers. Le client, métier ou fonction support doit parvenir à exprimer son besoin en services informatiques.
Ce besoin doit être orienté vers la mise en lumière du mode de consommation des systèmes informatiques réalisés par les différents clients. La participation des représentants de la direction financière, du contrôle de gestion et de la DSI permet de recadrer si nécessaire la discussion à un champ des possibles limité par la disponibilité des éléments financiers et par la réalité technologique.
Un cycle de plusieurs ateliers avec chaque client est nécessaire car le métier informatique est souvent mal connu et l’expression du besoin peut mettre du temps à aboutir.
Au cours de la démarche ou en fin de cycle, des ateliers d’homogénéisation sont nécessaires. Ce travail d’homogénéisation est indispensable à la confrontation des visions des différents clients et à l’identification de proximités, de regroupements, afin de limiter la prolifération des services.
Afin de ne pas avoir la charge de tout inventer ou réinventer ce qui existe, il est recommandé de s’appuyer sur les travaux et retours d’expériences disponibles. En particulier, on pourra s’appuyer sur le modèle d’analyse du Cigref qui propose 4 processus dans lesquels prennent place les services du catalogue.
D’autres publications s’attachent à décrire des parties d’un catalogue de services. La littérature spécialisée sur la structure d’un catalogue de services est plutôt réduite, mais des retours d’expériences sont également disponibles et peuvent aider à la réflexion. Le pragmatisme devra guider en permanence les travaux du groupe projet.
Comment traiter les projets ?
Afin de ne pas aboutir à un catalogue de services qui ne prenne en compte les projets que sous la forme de jours-homme par type de profil, il est essentiel de considérer l’activité de projet d’une autre manière. Autant l’activité de production est globalement récurrente, autant l’activité de projet est le plus souvent temporaire et centrée sur un métier ou une fonction technique.
Le projet peut-être métier ou technique comme le décrit le modèle proposé par le Cigref. Il sera toujours considéré comme un service en lui-même. En effet, il a un commanditaire (le métier ou la DSI) et il est réalisé au profit de bénéficiaires.
Comment traiter l’exploitation ?
C’est la partie la plus longue à modéliser car c’est dans cette catégorie de services que les mutualisation d’activités sont possibles : La supervision, la sauvegarde sont des activités transversales, les plateformes sont virtualisées, etc. Peu d’activités sont directement affectées à un service.
La complexité de la constitution des services par agrégation d’activités ne doit pas apparaître dans le catalogue de services informatiques qui doit rester orienté vers le métier des clients. Le modèle de collecte et réallocation des coûts élémentaires est présent dans le modèle d’activité, pas dans le catalogue de services.
Afin de ne pas proposer trop de services aux clients, il peut-être judicieux de réaliser des packages par métier, type d’activité, zone géographique, …
Un service informatique du catalogue peut être partiellement ou totalement externalisé. Il doit cependant toujours figurer au catalogue de la DSI comme un service offert par la DSI. Le fait qu’il soit réalisé par des moyens externes à l’entreprise n’y change rien.
Le catalogue de services informatiques constitue un outil qui ne vit que s’il est utilisé. Et pour qu’il soit utilisé, il est indispensable de le rendre incontournable dans les occasions suivantes :
1. Lors de l’élaboration budgétaire des clients, afin que ces derniers soient en mesure de sélectionner les services qu’ils prévoient d’utiliser et d’en dimensionner la consommation.
2. Lors de l’établissement des contrats de services.
3. Lors de l’analyse et de l’explication de la répartition des coûts du système d’information.
4. Lors de la présentation du budget de la DSI.
Une communication adaptée aux différentes cibles devra être élaborée. Pour les clients, la présentation du catalogue sera orientée souscription de service et pour la direction financière, elle sera orientée activité et capacité analytique.
Les principaux bénéfices d’un catalogue de services
1. La transparence des coûts du système d’information. Le catalogue offre une lisibilité de bout en bout qui permet au client de comprendre la logique de déversement des coûts en fonction de paramètres qu’il maîtrise (sa consommation).
2. L’adéquation de l’offre à la demande. Il est tout à fait imaginable que chaque client puisse gérer ses coûts informatiques en s’abonnant ou se désabonnant d’un service optionnel (souvent une extension de service standard). Il adapte ainsi ses coûts à ses besoins et non l’inverse qui prévaut souvent dans des structures dans lesquelles le dialogue est inexistant.
3. La maîtrise du niveau de qualité approprié parce que le modèle permet d’évaluer l’impact d’une réduction budgétaire et d’en apprécier les conséquences pour le client. Ainsi sont mis en exergue les services en état de sous- ou sur-qualité.
4. Un pilotage efficace s’appuie sur des indicateurs associés aux services. Le catalogue de services est le pivot du débat entre la DSI et ses clients sur la relation de cause à effet entre la qualité du SI et la performance du métier.
5. Support d’une démarche d’amélioration continue. La définition de services a le mérite de formaliser l’offre de la DSI. Le caractère universel et incontournable du catalogue de services oblige à la publication de révisions en fonction des changements qui interviennent dans ses constituants.
Faire disparaître la complexité de fonctionnement du système d’information aux yeux de ses utilisateurs, tout en présentant de manière structurée et transparente l’offre de services, tel est le principal gain apporté par la mise en place d’un catalogue de services informatiques.
En effet, rendre la souscription de services informatiques aussi simple que pour d’autres fonctions support est un objectif qui concourt largement à la maîtrise des processus et des coûts de production de l’entreprise.
Le catalogue de services informatiques est bien au centre de la relation entre la DSI, les métiers et fonctions support et la direction financière. C’est ce statut central, incontournable qui rend probablement l’exercice difficile.
Cet article a été écrit par Erik du Boishamon, Directeur au sein du cabinet Décision Performance Conseil.