La maîtrise des frais généraux oblige à créer ou moderniser les outils de pilotage des coûts. La méthodologie (méthode ABC) et les progiciels existent. Deux exemples de mise en œuvre : Natixis Assurances et Groupama Transport.
Natixis Assurances, spécialiste de l’assurance de personnes (épargne, retraite et prévoyance) et les dommages aux biens (3 886 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2009, 337 salariés) a engagé une démarche de pilotage des coûts, sur quatre axes : par entité juridique, par « destination », selon la classification du Code des assurances, par gamme de produits et par département (unités de suivi du budget). Le premier janvier 2009, le système d’information comptable générale et analytique migre sur PeopleSoft GL.
« Mais la brique de recensement et de répartition de l’activité, héritée de l’ancien système, est d’une exploitation assez lourde », se souvient Philippe Pinault, directeur de la comptabilité et du contrôle de gestion de Natixis Assurances. En effet, les objectifs initiaux étaient trop ambitieux, ce qui a entraîné un suivi très chronophage de collecte et de fiabilisation des données d’activité.
« Le système d’allocations automatisées entraînait des difficultés à expliquer les allocations de coûts, avec un effet « boîte noire », qui ne peut être surmonté que par des travaux, trop longs, d’analyse de données pénalisant, de ce fait, l’approche des coûts par branches d’activité et/ou gammes de produits, dont l’analyse reste très partielle », explique Philippe Pinault.
Résultat : des analyses de coûts ad hoc devaient être réalisées ponctuellement à chaque demande des différentes directions. « Et lorsque l’on passe trop de temps à chercher des chiffres, on en passe d’autant moins à les analyser », ajoute Philippe Pinault.
L’objectif de Natixis Assurances était, d’abord, d’obtenir un système moins lourd d’exploitation et une traçabilité plus satisfaisante. Ensuite, il s’agissait de continuer à répondre aux exigences légales (répartition par entité juridique), réglementaires (répartition par destination) et organisationnelles (répartition par département du périmètre de Natixis Assurances).
Enfin, l’objectif de Natixis Assurances était de relancer et d’industrialiser la démarche d’analyse des coûts, en passant du reporting au pilotage des moyens alloués à chaque branche d’activité (objets de coût). « C’était une attente de la direction générale sur une vision plus riche (multiaxe) et rapide des coûts, par exemple pour expliquer la répartition des charges entre coûts fixes et coûts variables ou déterminer la rentabilité de certains segments de clientèle », explique Philippe Pinault.
De même, les attentes du contrôle de gestion correspondaient à la définition d’une méthodologie d’analyse pour des réponses plus « standard » et plus rapides à des demandes de l’actuariat ou du marketing décisionnel (business plan « produit », analyse de la rentabilité des campagnes de marketing direct…). « Il fallait également un cadre plus formalisé, systématique et automatisé, pour la justification des refacturations entre entités ou à des tiers (partenariat à 50/50) », rappelle Philippe Pinault
Un investissement de 0,2 % à 0,4 % des charges traitées
D’où le décision de mettre en place un nouvel outil de pilotage des coûts. L’approche est basée sur la méthode ABC (Activity Based Costing). « Il s’agissait de faire le lien entre les univers financier et opérationnel, avec une approche transversale par processus fournissant une grille d’analyse qui « colle » à l’activité », précise Philippe Pinault.
Cette méthode se prête particulièrement bien aux entreprises de services et aux fonctions support, caractérisées par l’importance relative des charges transverses, ainsi que des coûts indirects et fixes difficilement affectables a priori. Rappelons que l’approche ABC fournit une vision par activité et par objets de coût. Parmi ses avantages : « On s’affranchit de la structure comptable et/ou hiérarchique, avec des possibilités de simulations et de comparaisons, et une aide pour l’étude de scénarios de sous-traitance par exemple », liste Philippe Pinault.
Pour les DSI, l’approche ABC permet « de se comparer avec le marché, de mieux justifier les coûts des prestations informatiques refacturées, de mieux comprendre les coûts pour accompagner les restrictions budgétaires et d’enrichir les leviers de pilotage par activités », affirme Pascal Lefevre, directeur associé de A2 Consulting.
Quant aux fonctions support, « traditionnellement moins soumises aux efforts de productivité, elles doivent fortement accroître leur efficacité et faire face à des contraintes budgétaires fortes, précise François Dermy, directeur associé de A2 Consulting. Elles doivent justifier en particulier le coût des prestations qu’elles réalisent, c’est-à-dire justifier le recours à des prestations internes plutôt qu’externes, définir leurs activités et prestations pour en renforcer le pilotage et concourir à l’effort global de l’entreprise de réduction des coûts en optimisant les politiques de consommation. »
En termes d’investissement, ce type de projet représente une fourchette de 0,2 % à 0,4 % du montant des charges traitées dans les modèles de coûts, estiment les consultants de A2 Consulting. Une estimation qui dépend de plusieurs facteurs, notamment la nature des objectifs poursuivis et le niveau de détail qui en découle, la masse de charges gérées dans le ou les modèles de coûts, le nombre d’entités et de métiers entrant dans la modélisation, la qualité des sources (financières et volumétriques) et la capacité à les exploiter sans retraitement, ou encore le dimensionnement des équipes internes de contrôle de gestion et la part d’assistance externe mobilisée. « En termes de planning, une durée de six mois paraît minimale, tout en étant suffisante pour permettre la production de résultats concrets et favoriser les conditions d’une pérennisation », estime Pascal Lefèvre.
Chez Natixis, le projet, sous l’égide de la direction de la comptabilité et du contrôle de gestion, couvre 100 % des frais généraux (charges d’exploitation hors commissions), soit environ 90 millions d’euros par an. Avec un impératif : une mise en production au 31 décembre 2009 portant sur l’arrêté annuel.
« Le projet s’est étalé entre juillet et décembre 2009, avec des livraisons intermédiaires sur les données de juin puis octobre afin de tester la pertinence des résultats », précise Philippe Pinault. En interne, le projet a été piloté par une équipe interne (2,25 équivalents temps plein répartis sur cinq personnes), avec un accompagnement externe (deux consultants du cabinet A2 Consulting à temps plein pendant six mois), pour un budget global de 150 000 euros.
Principaux apports de ce projet de pilotage des coûts : « D’abord, une capacité à produire des analyses de coûts par branche d’assurance et par macroprocessus, avec une meilleure réactivité par rapport aux questions ponctuelles, par exemple pour réaliser des business plans produits, calculer des provisions, ou modéliser des cash flows futurs », précise Philippe Pinault. Le fait que le poste budgétaire « autres charges » soit diminué permet d’améliorer la précision de la refacturation entre entités, ainsi que la traçabilité de la répartition des coûts par destination.
Pour l’équipe projet, les apports s’expriment de plusieurs manières : « Le dialogue est renforcé entre le contrôle de gestion et les autres départements, avec une meilleure compréhension des activités des différents départements et une connaissance plus précise de la répartition des temps », estime Philippe Pinault.
Groupama Transport : contrôler 30 millions d’euros par an
Chez Groupama Transport, entité d’assurances transport (plaisance, armateurs, transporteurs fluviaux et portuaires…) de Groupama (300 millions d’euros de chiffre d’affaires, 220 personnes, trente millions d’euros de frais généraux), l’approche progicielle a été privilégiée (avec l’outil SAP PCM Profitability and Cost Management).
« En 2007, nous avions une contrainte forte, avec seulement trois contrôleurs de gestion pour élaborer dix reportings par an et des analyses de frais généraux par destinations et objets de coût, ainsi que mettre à jour de façon permanente les indicateurs de coûts par entités », précise Paul-André Berger, directeur finance, contrôle et inventaire de Groupama Transport.
Autrement dit, ajoute-t-il, « nous passions plus de temps à manipuler Excel qu’à analyser les données alors que cette dernière mission constitue la valeur ajoutée de notre métier ». Résultat : « Notre cartographie du système d’information, très en deçà des obligations réglementaires, était complexe et instable, avec des pertes de temps et de souplesse. » Avantage d’une solution de management des coûts : « Simplifier la cartographie et disposer d’un modèle de gestion des temps de coûts », résume Paul-André Berger, qui estime également avoir gagné en termes de ressources humaines (un poste et demi), en lisibilité de l’information auprès des opérationnels (avec une interface Web), et en sauvegarde et historisation des données sur les coûts, utiles dans la cadre des plans de continuité d’activité. « Notre DSI est satisfait », ajoute Paul-André Berger.
Avec, toutefois, deux effets négatifs : d’une part, une perte de repères pour les comparaisons historiques, dans la mesure où un tel outil enrichit les approches existantes, « surtout si vous modifiez les règles de gestion », avertit Paul-André Berger.
D’autre part, l’outil introduit une vraie rupture par rapport à la gestion avec un tableur : « Il faut acquérir le vocabulaire et s’approprier la mécanique de fonctionnement du progiciel, pour parvenir à un retour sur investissement », précise Paul-André Berger.
Un retour sur investissement qui paraît tout à fait satisfaisant : les licences ont coûté 100 000 euros (pour trois collaborateurs administratifs et dix utilisateurs Web), la maintenance annuelle s’élève à 20 000 euros, avec un même montant pour les développements complémentaires. « Pour un montant de frais généraux de trente millions d’euros, le total apparaît raisonnable », juge Paul-André Berger.
Les best practices de Natixis Assurances | |
Les thèmes à traiter | Les principaux points de vigilance |
Définition des besoins et articulation avec l’existant avec des référentiels qualité et informatique, SI et reporting |
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Définition des référentiels :
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Mise en place du chantier » volumes » : définition des inducteurs à la croisée des référentiels et du chantier » volumes « |
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Activation d’un chantier » temps passés » : les frais de personnel au sens large représentent 50 % des frais généraux | Considérer que la mesure des temps est un enjeu majeur du projet : effectuer un arbitrage pragmatique entre la charge du chantier et la qualité des allocations obtenues |
Modélisation Excel, avec un modèle ABC par entité juridique, un fichier récapitulatif des ETP alloués et un fichier récapitulatif des volumes utilisés | Procéder par itération pour éviter » l’effet tunnel « , adopter un regard critique et procéder aux ajustements nécessaires à l’épreuve des résultats |
Source : Natixis Assurances. |
Les cinq facteurs clés de succès d’une démarche ABC
- En parrainage de la direction car il s’agit de projets transverses à forts enjeux nécessitant de rassurer sur une thématique « coût » qui peut faire peur, ou lorsqu’il s’agit d’un projet à justifier, par exemple s’il n’est pas imposé par des évolutions réglementaires.
- Une bonne entente entre les financiers et les opérationnels.
- Des objectifs de démarrage pragmatiques : étudier la faisabilité en particulier sur l’existence des données et passer à l’action assez vite pour obtenir un ROI rapide et maximiser les chances d’une généralisation.
- Prendre le temps nécessaire pour définir et formaliser les activités.
- Poser les normes et règles spécifiques au projet avant de se lancer dans la modélisation : périmètre de charges, types de coûts, règles de calcul…
Source : A2 Consulting.
Les quatre phases de déploiement de SAP PCM chez Groupama Transport (en douze semaines, en 2008)
- Phase 1 : analyse et conception du modèle cible (expression des besoins, étude des données disponibles /des règles de gestion/définition des états de restitution, définition de la solution fonctionnelle, étude des interfaces entrantes, étude des exceptions.
- Phase 2 : installation de l’environnement cible (trois semaines pour les deux premières phases).
- Phase 3 : construction du modèle cible (cinq semaines).
- Phase 4 : optimisation et recette (quatre semaines).
La démarche ABC en quatre étapes | |||
1. Analyse des charges et des volumes | 2. Cartographie des activités concernées | 3. Modélisation | 4. Restitution |
Les analyses | |||
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Des produits finis opérationnels | |||
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Source : A2 Consulting. |