Faut-il devenir une référence client ?

Les fournisseurs ont enfin compris que leur crédibilité passe par une mise en avant de leurs clients, même si la plupart éprouvent des difficultés pour optimiser leur communication sur ce terrain. Un DSI doit-il jouer cette carte ? Oui, mais à certaines conditions pour ne pas vendre son âme au diable.

Une étude réalisée en novembre dernier par l’IT Services Marketing Association auprès de 364 entreprises américaines a montré que l’avis des clients des fournisseurs de technologies de l’information constitue le premier critère d’influence du choix. Sur une échelle de 1 (pas d’influence) à 5 (très important), l’avis des clients est positionné à 4,1.

De fait, on ne voit quasiment plus de communiqués de presse sans l’inévitable citation du DSI ou d’un chef de projet qui louange son fournisseur. Avec, il faut bien le reconnaître, une dose de langue de bois. Il n’empêche : pour un DSI, il peut être intéressant d’accroître sa visibilité personnelle et de mettre en avant la réussite de ses projets, à travers la communication des fournisseurs.

Les avantages sont en effet nombreux : d’abord pour le DSI lui-même, vis-à-vis des entités métier et de sa direction générale, mais aussi en externe, pour attirer l’attention sur ses compétences, surtout en période de recherche d’un nouveau poste. Ensuite, pour les équipes de la DSI, dont la qualité est mise en avant et, enfin, pour l’entreprise, dont l’image se trouve valorisée vis-à-vis de ses clients, de ses actionnaires et de ses partenaires.

Mais cette démarche ne s’improvise pas car elle comporte des risques : il importe d’être attentif à tous les aspects avant de répondre favorablement aux innombrables sollicitations des fournisseurs. Trois questions méritent une attention particulière : que va-t-on me faire dire ? Quel est mon engagement vis-à-vis du fournisseur ? Quelles contreparties puis-je négocier ?

Le discours : attention au choc des mots

Ce que vous fera dire votre fournisseur est, par définition, destiné à être largement diffusé, sur différents supports (presse écrite, Web, livres blancs…). Souvenez-vous qu’il n’y a pas que dans les séries américaines policières que « tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous ». Par qui ? Par vos équipes, votre direction générale, vos utilisateurs, voire les clients de votre entreprise.

Il faut donc bien choisir les mots, ce qui est d’ailleurs un exercice difficile : si vous êtes trop langue de bois, vous risquez le ridicule, si vous êtes trop franc, il vous le sera reproché un jour ou l’autre. D’abord, ne louangez pas à l’excès votre fournisseur. Celui-ci essaiera de tirer le maximum de votre part : restez dans l’objectivité et veillez à la cohérence du discours.

Dire du bien d’un produit qui, de notoriété publique, ne fonctionne pas ou est bourré de bugs se retournera contre vous. Ne mentez pas, surtout si vos utilisateurs et vos chefs de projets savent que ce que vous affirmez, par exemple sur la réactivité des équipes du fournisseur (celui-ci vous demandera systématiquement votre avis sur ce point) ou la qualité intrinsèque du produit, est sujet à caution.

Il en va de votre crédibilité en interne et vis-à-vis de votre communauté professionnelle. Consultez vos équipes pour identifier d’éventuels dysfonctionnements ou difficultés potentielles qui ne se manifesteraient qu’après publication de votre témoignage. Par ailleurs, ne critiquez jamais ouvertement par écrit les concurrents de votre fournisseur.

Vous pourriez avoir besoin un jour d’une solution alternative. Enfin, validez systématiquement les citations qui vous sont attribuées : il en va de votre réputation, notamment pour les propos repris dans les communiqués de presse.

Arbitrez entre de multiples sollicitations

Il existe des DSI que l’on voit partout, vous les avez sûrement rencontrés ! Devenir une référence client pour un fournisseur est consommateur de temps : le nombre de sollicitations peut vite devenir ingérable, entre les interviews pour la presse, la participation à des tables rondes, les petits déjeuners avec des prospects, les séminaires et autres événements plus ou moins ludiques.

Fixez-vous des limites : vous n’avez pas le temps de courir les événements clients de votre fournisseurs, ni de répondre à une demi-douzaine d’interviews par semaine. Et assurez-vous que votre fournisseur comprend bien les impacts pour vous, en termes de temps, de toutes ses initiatives marketing.

Par ailleurs, faites-vous préciser par écrit ce que l’on attend de vous : s’agit-il de témoigner dans les médias, de participer à des tables rondes, de cautionner des livres blancs, de participer à des webcasts ? Et sur certains sujets, ce n’est pas nécessairement le DSI qui est le mieux placé pour s’exprimer mais un représentant d’une direction métier ou un chef de projet.

Négociez systématiquement des contreparties

Les fournisseurs utilisent les témoignages des DSI pour gagner encore plus de contrats, dont de chiffre d’affaires. Sauf à avoir des relations particulières avec votre fournisseur, il est inconcevable que celui-ci ne vous propose pas des contreparties.

Mais n’acceptez jamais de cadeau d’une valeur disproportionnée (même s’il est tentant de partir tous frais payés avec sa famille sous les tropiques) et encore moins de sommes d’argent : il y aura toujours des traces quelque part. En revanche, négociez des contreparties raisonnables, par exemple une réduction supplémentaire sur le prix des licences (votre directeur financier ne vous le reprochera jamais), des mises à jour gratuites, des formations pour vous et vos équipes…

La plupart des fournisseurs, surtout anglo-saxons, ont élaboré des programmes spécifiques pour gérer les références clients : renseignez-vous auprès des DSI qui ont témoigné pour le même fournisseur pour identifier ce qui est possible.


Cinq raisons de ne pas faire confiance à une référence client…

  1. Le fournisseur mentionne seulement les références des clients satisfaits.
  2. Les références clients obtiennent des attentions particulières et des soutiens dans leurs relations avec leur fournisseur, que vous n’aurez probablement jamais, à moins de devenir à votre tour une référence.
  3. Il se peut que le client bénéficie de services ou de remises pour sa collaboration. Est-il donc si objectif  ?
  4. Les références clients omettent de parler des erreurs coûteuses et des utilisateurs mécontents.
  5. Il n’existe pas deux projets identiques. Le succès d’une référence ne doit pas vous laisser croire à votre propre succès potentiel.

… Et cinq manières de tirer profit d’une référence client

  1. Testez autant que possible les solutions proposées par les fournisseurs. C’est toujours préférable à des témoignages.
  2. Avant de croire un DSI que vous ne connaissez pas, parlez d’abord avec des DSI que vous connaissez. C’est d’ailleurs une bonne raison d’activer davantage votre réseau.
  3. Si une entreprise est listée parmi les références clients, vous pouvez supposer que cette entreprise a eu de bonnes relations avec le fournisseur. Mais il vaut toujours mieux vérifier pourquoi. Ne soyez donc pas paresseux.
  4. Lorsque vous appelez une référence mentionnée dans la liste proposée par le fournisseur, demandez-lui exactement ce qu’elle a obtenu en retour.
  5. Soyez précis. Intéressez-vous à la qualité des services, à la réactivité du fournisseur et à ses délais de réponse lorsque vous aurez besoin de le contacter.

Choisissez votre style…

Le style langue de bois : les opinions sont très générales et ne sont guère utiles pour les DSI.

Avantage : quasiment aucun, sauf à obtenir des contreparties de la part du fournisseur.
Inconvénient : aucun, on ne vous reprochera rien, par définition, puisque votre citation est sans aucune valeur car elle ne répond pas à une question cruciale : « Et alors ? ».

Exemple : « La plate-forme de supply chain de Manhattan Associates est une solution très paramétrable, permettant à la société de répondre très précisément à nos attentes. Nous avons également été particulièrement convaincus par le très haut niveau d’expertise, d’expérience et de professionnalisme démontré par l’équipe de Manhattan Associates tout au long du processus de sélection. » Jean-Luc Vandenbussche, responsable de la logistique de 3 Suisses France.

Le style neutre : Vous limitez les risques avec une opinion qui ne vous engage pas beaucoup.

Avantage : on ne pourra rien vous reprocher.

Inconvénient : votre citation sera difficilement reprise dans les médias pour cause de manque de pertinence.
Exemple : « Grâce à son indépendance, Vanco nous a apporté l’œil d’un expert sur le marché et a pu, en toute objectivité, nous proposer une solution sur mesure et les produits les mieux adaptés à nos besoins. » Michel Gaudillère DSI, Groupe France Mutuelle.

Le style engagé : les positions sont plus tranchées, avec mention des concurrents.

Avantage : la franchise et une réputation de liberté de ton.

Inconvénient : l’image que vous donnez du fournisseur concurrent n’est pas nécessairement celle ressentie par les autres DSI.
Exemple : « Si Siebel nous permet d’effectuer le suivi de contact client, le comptage des points et les campagnes e-mail, la solution ne nous permet pas pour autant d’effectuer une analyse comportementale fine de nos clients. Avec SPSS, nous effectuons des segmentations clients et élaborons des profils afin de mieux comprendre et cibler nos clients. » Brigitte Teillet, responsable du service études de CRMServices.

Le style benchmark objectif : vous montrez que tous les fournisseurs ont leur chance.

Avantage : passer pour un bon professionnel qui étudie le marché avant de décider.

Inconvénient : les critères informels de choix sont rarement explicités pour les tiers. Et il manque systématiquement les noms des concurrents.
Exemple : « Après avoir évalué diverses solutions de gestion des droits et de licences disponibles sur le marché, nous avons conclu que l’offre Sentinel RMS de SafeNet fournissait les plus hauts niveaux de sécurité, tout en garantissant à nos équipes la flexibilité qu’elles sont en droit d’exiger. Nous avons également apprécié la proposition, la flexibilité et la proximité des équipes SafeNet. » Frédéric Camy-Peyret, R&D Modeling program Director chez Air Liquide.

Le style expert : focalisez-vous sur les qualités de la solution, facilement démontrables.

Avantage : vous restez dans votre rôle de client exigeant quant aux fonctionnalités des solutions.

Inconvénient : s’applique plutôt à des périmètres fonctionnels ou techniques limités.
Exemple : « L’un des atouts de la solution Streamcore est, qu’en cas de problème, elle nous permet d’identifier rapidement la source. Et dans bien des cas, les problèmes de saturation et de ralentissement ne sont pas dus au réseau mais aux applications… La simplicité d’exploitation des appliances StreamGroomers et de programmation des règles en font un outil de choix qui nous a permis d’un seul coup de retirer deux grosses épines de notre pied : saturation des liaisons et refacturation. » Jean-François Cornet, IT Operations Director de Philips France.