Une approche organique du management

Si les entreprises disposent d’un ensemble d’outils et de process pour traiter l’information  tangibles, elles ne savent par contre pas traiter l’information «  impalpable », qu’elle émane de ou hors de l’entreprise. Le modèle du « Management Organique » propose une vision nouvelle de l’entreprise et de ses flux d’information, d’actions et de décisions.

Le management organique s’articule autour des principes suivants :

  • Rendre transparent le fonctionnement de la pyramide managériale tant en matière d’organisation que de circulation de l’information.
  • Laisser s’exprimer les capacités individuelles en redonnant de l’initiative et de l’autonomie à tous les acteurs de tous les étages de l’organisation.
  • Assurer une cohérence d’ensemble à travers un meilleur fonctionnement des échanges verticaux tant montant que descendant.
  • Faciliter le changement en permettant d’identifier et d’animer des leaders d’opinion.

Cette approche, développée par Aerial, s’appuie sur un dispositif de pilotage (Dispositif de Pilotage Organique, ou DPO), qui intègre une démarche, des méthodes et des outils pour :

  • Exploiter des sources de données externes (conversation de marques, sites Web clients et fournisseurs, revues techniques, compte rendus de conférences, etc.) et internes (compte-rendu de visite, observations sur le terrain, réclamations client via le help desk, prise de position d’acteurs internes, etc.).
  • Mettre en relation et corrélation de ces informations.
  • Analyser et traiter par une cellule indépendante, la plus neutre possible vis-à-vis du management et directement rattachée au plus haut niveau hiérarchique.
  • Élaborer des pistes d’évolution et proposition des décisions (informations à diffuser, interpellations, projets à instruire, etc.) en vue de leur déploiement dans l’organisation.

 La DSI face au terrain : niveau de service contre « Shadow IT »…

« Shadow IT », ce sont ces « bouts » de systèmes d’information mis en œuvre par les utilisateurs eux-mêmes, sans l’approbation ni le support de la DSI. Ce territoire secret et incontrôlé est l’ombre du SI, comme l’inconscient est l’ombre de la personnalité. Dans l’angle mort de sa gouvernance, il multiplie les référentiels et les processus parallèles, non officiels, non contrôlés, non sécurisés… et pourtant très contributifs à l’efficience individuelle ou à la performance globale.

Précisément, c’est à cette frontière là que le système d’information officiel est en risque : tant qu’il ne s’agit que d’efficience individuelle, l’autorégulation va de soi. Il en est tout autrement quand il est question d’un enjeu collectif, pris en charge par un petit groupe de leaders, convaincus qu’on n’est jamais mieux servis que par soi-même. Le marketing, le contrôle de gestion, les ressources humaines, les achats et beaucoup de fonctions « métiers » ont souvent cédé à cette tentation et continuent de le faire.

Ainsi voit-on éclore, ici et là, un progiciel hors catalogue, un site Web, une petite application « cœur de métier » bricolée avec les outils gratuits… ou bien hors de prix, une solution cloud « rapide à déployer », etc. Certains vont jusqu’à requérir le recrutement d’un informaticien local, plus ou moins avoué, pour s’occuper de ce SI underground.

Et puisque l’équipement de la sphère privée est régulièrement en avance sur l’équipement professionnel, s’y ajoutent quantité de matériels et d’appareils importés d’autorité pour le confort et l’efficacité de chacun, que l’expression anglaise ByOD résume bien : « Bring your Own Device », « Apportez vos Appareils Personnels ».

Sans garantie de cohérence, ni de maintenabilité, ni de sécurité d’aucune sorte, notoirement chronophages, ils ont pourtant leurs partisans : des utilisateurs qui cherchent le plus court chemin vers l’efficacité, et qui estiment que le système d’information officiel ne peut rien pour eux.

Côté système d’information, on est tenté de fermer les yeux : pas vu, pas supporté, aucune responsabilité… Jusqu’au jour où quelque chose se passe mal : il faut récupérer une sauvegarde… qui n’existe pas, prendre le relais du développeur… parti sans laisser le moindre dossier, intégrer un référentiel… sans cohérence ni intégrité, intervenir sur le sauvetage d’une activité critique… sans aucun savoir-faire, réconcilier des informations essentielles… qui sèment un doute ravageur sur la légitimité des sources officielles, etc.

Tout a été dit sur ces systèmes de l’ombre, qui n’ont pourtant pas que des inconvénients. L’enjeu d’efficacité le dispute à l’enjeu de sécurité. L’analyse systémique aime pointer sur ces oppositions symétriques, ces tiraillements qui, quand ils se prolongent, poussent à l’amplification jusqu’à l’irrationalité, jusqu’à la paralysie totale.

Tout cela fini comme un caillou dans la chaussure du DSI. Mais comme il en a bien d’autres, il finira par s’en accommoder. C’est là que nous voulons attirer l’attention : vue de la DSI, « l’informatique de l’ombre » n’encourage évidemment pas au dialogue. Une fois le contact distendu, cette zone non contrôlée devient vite zone franche. Avec, pour le système d’information, trois conséquences paralysantes.

Le frein sur la performance globale

On peut faire confiance à l’initiative locale sur la performance ponctuelle de « sa » solution. Il reste que ce SI orphelin ne fournit aucun effet de levier, transversal, qui pourrait se traduire par une rentabilisation supplémentaire. D’autant que les silos d’à côté sont tout aussi âprement attachés à « leurs » initiatives.

Avec ces tiraillements, s’installe l’immobilisme et avec lui, un plafond de verre qui va limiter toute tentative d’amélioration : ou l’on centralise tout, au risque d’une perte immédiate de qualité de service, puis, de l’atonie d’une maîtrise d’usage soudainement désengagée, ou bien on laisse vieillir ces solutions locales, au risque d’une dégradation généralisée.

La revue des processus métiers fait souvent émerger ces survivances d’un autre âge (deux ans suffisent) dont plus personne n’est responsable, et qui gaspillent une énergie considérable en pointages, réconciliations et doubles saisies. Tiraillée entre l’autonomie et la cohérence, l’organisation perd se supplément d’effet, qu’on l’appelle synergie, facteur d’échelle ou performance globale, qu’on réclame au sommet avec tant d’insistance…

Le frein sur l’innovation

Ce risque passe d’abord inaperçu, puisque le « Shadow IT » est censé flirter avec ce que la technologie numérique offre de plus séduisant, avec des ambitions de prototype, pourtant rarement accomplies.

De son côté, le système d’information officiel semble toujours courir après les dernières technologies, avec un train de retard, parfois plusieurs. Dans ce tire-à-la-corde auto-entretenu, qui tiraille vers le rêve d’un côté, vers le rationnel immédiat de l’autre, il est bien plus difficile de faire éclore de vraies innovations, porteuses  de performance et de compétitivité.

Faute d’un dialogue prospectif avec le terrain, faute d’une fertilisation croisée en bonne intelligence (le « Shadow IT » l’a interrompu de fait), faute de s’inter-challenger, on s’est privé de l’effet rebond, puis de l’effet boule de neige d’une boucle collaborative inventive et féconde.

La dégradation des niveaux de service

Là encore, un tiraillement introduit des effets systémiques ravageurs : réaliser la promesse du schéma directeur, ce qui  impose une planification stratégique sérieuse, le dispute à la réalité du terrain, qui porte à changer d’option comme de chemise. Et coller à la Maîtrise d’Ouvrage n’a aucune garantie de satisfaire la « Maîtrise d’Usage », cette assemblée virtuelle des vrais utilisateurs.

La mobilité du contexte et l’enjeu de performance, qui s’applique à tous, est une réalité tout aussi opposable que la vision d’en haut. Cette vision structurante, non challengée, non revisitée, a tous les ferments pour devenir assez rapidement doctrinaire.

Une réaction « systémique » pousse à des applications de complément, underground, et l’écart se creuse. Voilà ce qui arrive quand le SI se contente de lister les grands projets prioritaires, et s’en tient là. Manager, dans ces conditions, les niveaux de service relève de l’illusion.

Ces quelques exemples plaident évidemment pour un contact terrain en continu, ce que le « Shadow IT » n’encourage évidemment pas, quand il ne l’interrompt pas, de fait. Il  n’est pas question de l’éradiquer et de tout centraliser (ce qui ferait perdre de la souplesse adaptative et de la performance) ni de tout laisser faire (au risque d’une perte de cohérence, puis, de performance globale).

C’est bien sûr une question d’équilibre. Pour trouver et maintenir cet équilibre, pour stimuler cette fertilisation croisée librement consentie, il est en revanche question que tout cela sorte de l’ombre.