Seriez-vous satisfait si l’eau que vous buvez était polluée une heure par mois ? Si la Poste égarait 16 000 courriers par heure ? Si deux avions rataient leur atterrissage sur les aéroports parisiens ou si, chaque heure, des dizaines de milliers de chèques étaient débités à un mauvais compte par les banques ? Ces chiffres, cités par George Eckes dans son ouvrage sur Sig Sigma (*) paraissent ahurissants : pourtant, ils traduisent un taux de satisfaction de 99,99%. On comprend que ce ratio, que beaucoup utilisent pour suggérer que la qualité est presque totale soit insuffisant. C’est tout l’enjeu de la méthode Sig Sigma dont l’objectif est d’atteindre un taux de fiabilité de 99,99966%, soit au plus 3,4 défauts par million d’unités produites.
Au delà des remontées d’informations quantitatives indispensables pour l’application de la méthode, au cœur de son rôle premier, le DSI est concerné par la mise en œuvre de Six Sigma au même titre que chaque manager de l’entreprise. La méthode Six Sigma est née dans les années 1980 chez Motorola et a ensuite été appliquée dans de nombreuses grandes entreprises (Kodak, Siemens, Boeing…). Son objectif est l’amélioration de la qualité du service rendu au client final. Plutôt que de se baser sur un examen du produit fini ou bien sur des démarches administratives, Six Sigma préfère traiter le processus de production avec des outils statistiques.
Pour arriver au niveau de qualité requis, Six Sigma repense l’entreprise sous la forme non pas d’un ensemble de fonctions mais d’une série de processus. Chaque processus entrant dans la production du service au client final peut être décomposé en sous-processus.
L’amélioration de la qualité doit être constante au fil de ces processus afin de satisfaire au mieux le client final. Mais elle nécessite également l’engagement de véritables « projets qualité » pour les modifications structurelles, parfois nécessaires.
Véritable art martial, la mise en œuvre de Six Sigma est confiée à des « experts internes », les Ceintures Noires (Black Belts) et les Ceintures Vertes (Green Belts). Les premières, sans autre mission, sont en charge du pilotage de Six Sigma dans toute l’entreprise et chapeautent les secondes, qui se chargent d’une famille ou d’un seul processus tout en gardant un rôle opérationnel.
Ainsi, Six Sigma est clairement une méthode « venue d’en haut » pour irriguer l’entreprise jusque dans ses racines (méthode de type « Top-Down »). Cependant, elle nécessite un engagement fort de chaque membre de l’encadrement. Faute de réussir à l’obtenir, la direction générale court le risque de voir toute la démarche échouer.
Pour améliorer chaque processus, Six Sigma emploie la « méthode scientifique » traditionnelle en sept étapes : observer, classifier, mesurer, organiser, prédire, détecter les variations, synthétiser. Chaque variation dans un processus étant mesurée par rapport à l’optimal, la distribution des effectifs des variations suit une loi normale, graphiquement représentée par la célèbre courbe de Gauss (« en cloche »). Le client ne doit être mécontent que des produits dont les caractéristiques s’écartent dans un sens ou l’autre de plus de 3 écarts types (ou « sigma ») de la qualité moyenne, évidemment optimale (soit une « largeur de satisfaction » de six « sigma», d’où le nom de la méthode).
(*) Objectif Six Sigma, Révolution dans la Qualité, par George Eckes (traduction de l’américain par Michel Le Seac’h), Editions Village Mondial / Pearson Education, 286 pages, 2002.
Six idées à retenir
1) Six Sigma est une méthode d’amélioration de la qualité ;
2) Elle utilise des outils statistiques pour étudier la variabilité de la qualité ;
3) Elle repose sur l’amélioration des processus internes de l’entreprise ;
4) Son objet est de réduire la non-qualité à 3,4 défauts par million d’unités produites. Sur une courbe de Gauss, le client ne doit donc être mécontent que des produits dont les caractéristiques s’écartent de plus de 3 écarts types (ou « sigma ») au dessus ou en dessous de la moyenne (soit une « largeur de satisfaction » de « six sigma», d’où le nom de la méthode).
5) Moins formaliste que la démarche ISO, Six Sigma impose néanmoins rigueur et discipline ;
6) Pour améliorer chaque processus, Six Sigma emploie la « méthode scientifique » traditionnelle : observer, classifier, mesurer, organiser, prédire, détecter les variations, synthétiser.
Les six étapes essentielles
1) Définir les objectifs stratégiques par un consensus au sein de l’ensemble du management ;
2) Remplacer au sein de l’entreprise les notions de fonctions par celles de processus et de sous-processus ;
3) Affecter la responsabilité de chaque processus à un expert identifié ;
4) Créer et valider les tableaux de bord pour mesurer l’efficacité et l’efficience de chaque processus ;
5) Recueillir les données pour remplir les tableaux de bord ;
6) Définir les critères de sélection et prioritisation des projets d’amélioration des processus ;
Dix worst practices qui conduisent l’échec
1) Limiter Six Sigma à une méthode statistique ;
2) Etre obnubilé par les coûts, ce qui se traduit souvent par une perte de temps pour les calculer en oubliant les coûts cachés ;
3) Ne pas intégrer l’amélioration constante des processus dans les définitions de poste des managers, ce qui les incite à refuser d’y consacrer une part de leur temps ;
4) Ignorer l’importance de la dynamique des équipes dans la réussite des projets ;
5) Faire reposer toute la responsabilité du projet Six Sigma sur les experts internes sans impliquer suffisamment les managers ;
6) N’appliquer Six Sigma qu’au travers de « projets » au lieu de réserver ce mode de fonctionnement aux cas les plus lourds d’amélioration des processus, soucis qui doit être constant ;
7) Ne pas distinguer si une variation de qualité a une cause aléatoire ou une cause spéciale ;
8) Ne pas prendre en compte dans l’amélioration des processus les clients internes de l’entreprise et se limiter aux clients externes ;
9) Obtenir une participation insuffisante de l’encadrement ;
10) Ignorer la gestion du changement.