L’intelligence artificielle et la robotisation suscitent la publication de beaucoup études, l’organisation de nombreux colloques et la formulation de multiples scénarios prospectifs. Au-delà de ce foisonnement de chiffres, d’opinions et de conjectures, comment les DSI peuvent-ils s’approprier ce sujet et, surtout, en faire un levier de performance ?
De l’automatisation à l’intelligence
Il convient tout d’abord de bien distinguer deux types de technologies très souvent confondues : l’Intelligence Artificielle (IA) et l’Intelligence Automation. La première se base sur l’exploration de données structurées et le Machine Learning, mécanisme par lequel un algorithme est capable d’apprendre en continu, en fonction des actions qu’il analyse. La seconde, que l’on peut assimiler à la robotisation (ou Robotics Process Automation, RPA), permet d’automatiser des tâches répétitives relativement simples, par exemple la saisie d’informations, la copie de données ou les connections à des applications…
Plus précisément, l’Intelligent Automation a deux composantes. D’une part, les « Smart Interactions », qui illustrent la capacité qu’ont les individus à interagir avec leur environnement, pour identifier et comprendre les actions qu’ils doivent opérer en fonction des événements qui surviennent. L’Intelligence Artificielle joue bien sûr un rôle, dans la mesure où les événements sont traduits en code informatique et donnent lieu à l’élaboration d’algorithmes plus ou moins complexes.
D’autre part, le « Smart Processing », articulation de plusieurs actions pour former un processus. Autrement dit, une « Smart Interaction » identifiera, par exemple, qu’il faut interagir avec un client à un moment donné, un « Smart Processing » spécifiera comment faire.
Fluidifier les processus… avec intelligence
Cette distinction est fondamentale car elle met en exergue le fait que l’intelligence, associée à l’automatisation, présente un atout de taille : fluidifier des activités auparavant décloisonnées. Sur ce terrain, nous sommes loin de la science-fiction dont est souvent parée l’Intelligence Artificielle. Cet impératif de fluidité est renforcé par le contexte de transformation digitale : on ne peut, en effet, plaider pour des interactions fluides et personnalisées avec les clients sans que les processus qui permettent d’atteindre cet objectif ne soient agiles de bout en bout. Avec, à la clé, des gains de productivité qui peuvent aisément atteindre les 50 %.
L’intelligence artificielle et l’automatisation ne sont évidemment pas nouvelles. On a déjà connu, par le passé, les ateliers de génie logiciel, les moteurs de règles et les systèmes experts. D’ailleurs, l’intelligence est née avec l’informatique : rappelons que le concept d’Intelligence Artificielle avait déjà été imaginé, dans les années 1950, par Alan Turing.
Et, aujourd’hui, des millions d’individus, au quotidien, utilisent, parfois sans le savoir, l’Intelligence Artificielle, que l’on trouve, par exemple, dans les applications de navigation, les moteurs de recherche ou les chatbots… Il s’agit, dans la plupart des cas, d’alléger des tâches physiquement pénibles ou fastidieuses, afin que les individus qui les réalisent puissent se concentrer sur des missions qui génèrent davantage de valeur.
Plus d’autonomie, plus de temps
On l’observe ainsi dans les secteurs fortement structurés autour de processus complexes, comme l’assurance ou le monde bancaire, pour les activités de Back Office et d’interactions avec les clients. Par exemple, le Crédit Mutuel a utilisé Watson, l’outil d’intelligence artificielle d’IBM, pour améliorer sa relation client.
Après avoir mis en place un projet pilote avec 150 utilisateurs dans une vingtaine d’agence, l’usage de l’Intelligence Artificielle a été étendu à ses 20 000 collaborateurs dans 5 000 agences, avec deux applications. D’une part, l’analyse de courrier électronique pour aider les collaborateurs à traiter plus de 350 000 courriels de clients reçus chaque jour.
La solution permet au Crédit Mutuel d’identifier les demandes les plus fréquentes, de déterminer leur niveau d’urgence et d’aider ses chargés de clientèle à les traiter plus rapidement ou à déléguer les tâches associées, et ainsi accélérer et améliorer les réponses fournies aux clients. D’autre part, des assistants virtuels aident les conseillers à fournir rapidement aux clients des informations sur un ensemble de domaines métiers, en commençant par des domaines complexes tels que les assurances automobiles et habitations, ainsi que toute la gamme des produits d’épargne.
On perçoit bien les avantages d’une telle approche : libérer du temps pour les chargés de clientèle, accélérer les transactions par la rapidité, la pertinence et l’exactitude des réponses, et fluidifier le parcours client qui, de fait bénéfice d’une expérience améliorée. A terme, tous les métiers vont intégrer l’Intelligence Artificielle, à mesure que ses impacts sur la productivité, l’expérience client et la performance des processus sera de plus en plus aisée à démontrer.
Les DSI et les métiers : un destin commun
Ne nous y trompons pas : ce sont les métiers qui, par rapport aux DSI, sont et resteront moteurs de cette transformation, tant les enjeux business paraissent évidents, qu’il s’agisse de créer des nouveaux services, de mieux fidéliser les clients, d’améliorer les marges et de créer de la valeur. On pourrait penser que cette transformation fragilise les DSI, progressivement marginalisés par les métiers qui s’approprieraient la maîtrise des technologies telles que l’Intelligence Artificielle et l’automatisation.
C’est, au contraire, une formidable opportunité d’intensifier les relations, déjà étroites, entre l’IT et les métiers. Certes, cela change les manières de travailler, de collaborer et de conduire les projets. On passe ainsi d’un monde dominé par les « cycles en V », approche traditionnelle de gestion de projets, dans lequel les règles métiers sont définies en amont puis codées dans des applications, à un monde d’apprentissage permanent, avec des cycles d’itération beaucoup plus courts pour s’adapter au « Time to Market ».
Si l’intelligence artificielle imbrique davantage l’IT et les métiers, autour d’un socle technologique agile créateur de valeur business, les DSI ont tout intérêt à préempter le plus en amont possible le terrain de cette convergence entre le système d’information, les métiers et les technologies disruptives telles que l’IA.
Elaborer une roadmap IA de la DSI
Comment faire ? Suggérons que la roadmap IA du DSI s’effectue en trois temps. D’abord, en initiant des projets pilotes, sur des périmètres restreints, avec des objectifs raisonnables. En parallèle, il convient de mener une réflexion plus profonde sur l’organisation et son adéquation aux nouveaux enjeux que pose l’IA, couche supplémentaire qu’il convient d’intégrer de la façon la plus transparente possible. Ensuite, fort d’avoir démontré la création de valeur, des projets plus ambitieux sont envisageables. Enfin, il est essentiel d’instaurer une gouvernance commune entre les DSI et les métiers, dans la mesure où l’IA est un sujet commun, la collaboration est plus que jamais incontournable et vertueuse.
Face à l’Intelligence Artificielle et à ses usages potentiels, il faudra, bien sûr, lever les réticences, combattre les peurs, abattre les barrières psychologiques et faire œuvre de pédagogie. Avec un message-clé : l’Intelligence Artificielle ne sera probablement jamais à l’égal de l’homme, capable d’émotion, de conscience, d’intuition, d’amitié, de subtilité ou de créativité. Cela reste encore de la science-fiction : l’Intelligence Artificielle relève davantage de l’homme augmenté que de l’homme remplacé. C’est en cela qu’elle est séduisante… Y compris pour les DSI.