Fraude à l’assurance : mieux vaut prédire que guérir

La fraude est devenue depuis longtemps un point d’attention des compagnies d’assurance. Aux méthodes artisanales d’autrefois succèdent des outils qui permettent non seulement de limiter la fraude existante mais aussi de prévenir les tentatives avant qu’elles n’aboutissent à créer des pertes supplémentaires.

Les assureurs américains aiment les statistiques et les analogies. Selon  la Coaliton Against Insurance Fraud, les fraudes et autres abus aux assurances coûteraient pas moins de 80 milliards de dollars par an aux entreprises du secteur. Cela représente l’équivalent du salaire annuel de 2,2 millions d’américains, la somme nécessaire pour bâtir 293 000 maisons, l’achat de trois millions de voitures, le financement de la recherche contre le cancer pendant treize ans ou encore, image typiquement américaine, l’achat d’une tasse de café avec des bagels pour les six millions de new yorkais chaque jour pendant vingt ans.

Au-delà de ces analogies, le phénomène de la fraude aux assurances est bien réel. Et l’on imagine facilement qu’en détectant mieux les tentatives de fraudes, ce montant de 80 milliards serait plus bas. Un article paru dans la revue américaine Insurance Technology (mars 2012) suggère des pistes aux assureurs, et explique que la combinaison de technologies prédictives et de règles métiers serait d’une redoutable efficacité.

Ainsi, les assureurs américains qui ont adopté les technologies d’analyse prédictive ont observé des diminutions de 20 % à 50 % de leurs pertes dues à la fraude. En réalité, l’analyse prédictive et les processus métiers fonctionnent en synergie et permettent de créer un cercle vertueux : les algorithmes de l’analyse prédictive, en identifiant les signaux faibles et les tendances émergentes, permettent de créer des règles métiers ou d’adapter les règles existantes pour être plus efficaces.

Exemple : la société américaine Infinity, spécialisée dans l’assurance des conducteurs à risques élevés, avait besoin, pour réussir sur un marché dominé par des grands noms de l’assurance, d’accroître son parc de clients et d’améliorer son efficacité opérationnelle, notamment pour la gestion des sinistres et la réduction de la fraude. Des techniques d’analyse prédictive ont été mises en œuvre.

L’objectif était, sur le modèle des crédits bancaires, de « scorer » les sinistres de manière à mieux identifier la probabilité de fraude, en tout cas mieux qu’avec une intervention humaine, toujours subjective, souvent rudimentaire et très coûteuse en ressources humaines, difficile à adapter aux nouveaux modèles de fraude et pénalisante pour les assurés honnêtes qui voyait rallonger leurs délais de remboursement…

Par ailleurs, il s’agissait d’optimiser la collecte dite de subrogation (lorsqu’un assureur se retourne vers des tiers pour récupérer des fonds, quand son assuré n’est pas responsable). En un mois, la solution mise en œuvre par Infinity a permis d’augmenter les fonds collectés d’un million de dollars et de douze millions de dollars en six mois, uniquement par une meilleure analyse des données.

Pour la détection de fraude, Infinity a élaboré un moteur de règles qui, pour chaque demande de règlement de sinistre, évalue la probabilité de fraude. Si une demande est considérée comme frauduleuse, une rapide enquête à chaud d’un ou deux jours (contre un à deux mois auparavant) est diligentée. Résultat : le taux de détection de fraude est passé de 50 % à 88 % en quelques mois.

La prochaine étape, elle aussi basée sur l’analyse de volumes importants de données, consistera à étudier le contenu des documents liés aux règlements des sinistres, par exemple les comptes rendus d’accidents, les rapports médicaux ou les témoignages, autant d’éléments qui sont susceptibles d’améliorer la détection de fraude le plus en amont possible.

Cette approche ne se limite évidemment pas à un contexte géographique ni à un secteur particulier, tant la fraude reste un phénomène endémique. Selon une étude sur la fraude en entreprise publiée en 2011 par le cabinet de conseil PWC (PriceWaterhouseCoopers), 46 % des entreprises françaises ont affirmé avoir été victime de fraudes.

Dans son étude publiée en 2011 par le cabinet de conseil PWC concluait que « les entreprises ont franchi une nouvelle étape dans leur lutte contre la fraude. Elles sont aujourd’hui de plus en plus souvent dotées de dispositifs d’identification des transactions inhabituelles qui leur permettent d’être plus efficaces dans la détection de la fraude. »

Ainsi, précise également les auteurs de l’étude, « les entreprises décident de lutter plus en amont contre la fraude et ce, à l’aide de moyens détectifs consistant à identifier des transactions présentant un caractère inhabituel. Aujourd’hui une fraude sur cinq est découverte de cette façon. » Et éviter une fraude sur cinq représente facilement quelques points de marges supplémentaires dans les comptes d’exploitation…