Big Data ou Small Data ?

L’engouement pour les Big Data tend à occulter l’intérêt des Small Data dans la prise processus de décision. Combinées à un processus collaboratif et itératif de formulation des jugements humains, les Small Data démontrent leur pertinence pour prendre les bonnes décisions.

On parle beaucoup des Big Data pour la qualité des analyses décisionnelles et prédictives. La prise de décision ne serait que meilleure avec l’analyse de grandes quantités de données. Et si les Small Data étaient tout aussi efficaces ? C’est l’une des thèses défendues par un universitaire américain, Tom Davenport, dans son dernier ouvrage (« Judgment Calls: 12 Stories of Big Decisions and the Teams That Got Them Right », Harvard Business Review Press) publié en mars 2012.

Tom Davenport explique notamment qu’il n’est pas indispensable de recourir à l’analyse de grandes quantités de données pour prendre les bonnes décisions, ni d’analyser soi-même les données, et qu’il est souvent pertinent de considérer les données collectées aux plus bas échelons d’une organisation. L’auteur explique que, dans la mesure où les Small Data peuvent être collectées n’importe où dans une organisation, les managers n’ont plus d’excuse pour ne pas améliorer leur façon de prendre des décisions.

Attention, toutefois, à ne pas s’en remettre au jugement d’un seule personne, surtout si elle incarne à elle seule l’entreprise et est qualifiée de « Great Leader ». Ainsi, les décisions collégiales, participatives, seraient bien meilleures que celles faites par un seul individu, fut-il un « Great Leader ». Dans son ouvrage, Tom Davenport détaille quelques fiascos issus de mauvaises décisions faites par un seul individu, notamment pour les fusions-acquisitions dont on sait que 50 à 70 % échouent.

Ce fut par exemple le cas du rachat d’AOL par Time Warner, dont le patron, sans demander l’avis de ses collaborateurs, n’avait pas jugé utile de se protéger contre une baisse du cours de bourse de sa cible… ce qui arriva et entraîna une moins-value de 99 milliards de dollars.

Autre exemple : la tentative de rachat de Yahoo! par Microsoft, qui a échoué parce que le patron de Yahoo! à l’époque, qui exigeait quatre dollars de plus par action, n’avait pas jugé utile de demander leur avis à ses actionnaires sur l’offre de Microsoft… et qu’ils auraient peut-être acceptée ! Le cours de bourse de Yahoo ne s’en est jamais remis…

Ce fut aussi un mauvais de jugement du fondateur de Digital qui n’a jamais cru au développement de la micro-informatique qui a précipité sa chute et entraîné son rachat par Compaq à la fin des années 1990. A travers ces quelques exemples, on peut facilement montrer qu’un processus collaboratif de décision aurait évité bien des déconvenues !

En fait, c’est la combinaison de l’analyse des données (même avec des volumes limités, avec des outils décisionnels et prédictifs), et de processus de jugement collaboratifs (et itératifs) qui détermine la bonne décision. On peut même avancer que c’est ce qui fera, à l’avenir, la différence entre les organisations dans la mesure où il sera de plus en plus difficile d’intégrer des masses énormes d’informations dans les processus de décision, du moins sans les outils adaptés.

Dans un article que vient de publier la Harvard Business Review, intitulé « Les bonnes données ne garantissent pas les bonnes décisions », les auteurs expliquent que l’un des risques est que, dans une organisation, des managers prennent des mauvaises décisions basées sur des données qu’il aura coûté très cher à collecter.

Ils mettent en exergue les quatre raisons pour lesquelles « Les bonnes données ne garantissent pas les bonnes décisions » :

  • l’expertise et les compétences en décisionnel demeurent concentrées sur quelques collaborateurs ;
  • les DSI privilégient les processus formalisés (la finance, les ressources humaines) et délaissent la gestion d’informations non structurées, par définition plus difficiles à traiter et dont le retour sur investissement est aléatoire ;
  • l’information utile existe mais elle est difficile à localiser ;
  • les managers ne gèrent pas l’information aussi bien qu’ils gèrent la finance ou les marques.