Aéroport de Liège : la géo-orchestration des événements

Lauréat du Trophée « Innovation opérationnelle et connectée » 2017 des clubs utilisateurs francophones Oracle, l’aéroport de Liège a mis en place un centre opérationnel virtuel où sont centralisées, puis redistribuées, les informations liées aux activités autour d’un avion et de sa cargaison.

En apparence, l’aéroport de Liège, en Belgique, créé en 1991, n’a pas l’envergure des gros hubs que sont les aéroports de Paris, de Londres ou de Francfort. Mais en apparence seulement : avec 650 000 tonnes de fret, il se positionne à la huitième place européenne pour l’activité Cargo (les trois premiers étant Francfort, Paris et Amsterdam). « De nombreux partenaires sont répartis sur le site, nous avions jusqu’à présent une planification manuelle des vols, à partir d’informations de sources disparates (systèmes dédiés signalant par exemple les approches ou retards d’avions, courriels reprenant des informations sur les travaux en cours…), mais avec des volumes de données qui augmentent, du fait d’un accroissement du trafic, cette approche était peu efficiente », explique Daniel Sluysmans, DSI de l’aéroport de Liège.

Cette nécessité de maîtriser le trafic s’est notamment matérialisée lors de l’attentat de l’aéroport de Bruxelles, en mars 2016, avec un surplus de 1 500 mouvements d’avions et de 150 000 passagers en l’espace de quinze jours : « Nous avons comptabilisé en cinq jours autant de mouvements que le total que nous enregistrons habituellement en un mois », se souvient le DSI de l’aéroport.

Gérer les situations de crise, déclencheur de projet

D’où l’idée de moderniser l’Airport Ops Center pour centraliser l’information, l’image d’une tour de contrôle, pour les données. L’un des déclencheurs a été une situation de crise suite à un épisode neigeux. Cela a fait apparaître « des faiblesses dans la remontée des informations venant des aires de dégivrage, dans la réactivité des acteurs et la mobilisation de leur chaîne de commandement, jusqu’au plus haut niveau », justifie Daniel Sluysmans.

La première étape consiste à créer un synoptique, pour concentrer les différentes données de l’aéroport, les indicateurs et le positionnement de tous les vols : « Ce n’est pas uniquement l’endroit où toutes les informations sont concentrées. C’est surtout un outil qui permet de présenter “intelligemment” ces données, de manière sélective et parlante aux agents et non de les inonder d’informations », explique Daniel Sluysmans.

L’aéroport de Liège a implémenté la solution GIP4Airports, développée par la société Oscars, pour permettre la collecte, l’agrégation, la mise en corrélation et l’analyse temps réel de données géolocalisées (sur la base des technologies Oracle). « L’affichage en simultané de l’ensemble des données permet aux responsables de planification des vols de suivre un avion de l’atterrissage jusqu’au moment où le dernier passager/cargaison quitte l’aéroport. Lorsqu’il s’agit de débarquer des chevaux ou des produits frais, on comprend toute l’importance de disposer des informations en temps réel ! », précise le DSI.

Les informations concernant les mouvements des avions en approche sont également disponibles. Les opérations de déneigement, qui font partie intégrante des activités de l’aéroport, sont aussi prises en compte au niveau de ce centre de commandement. Concrètement, le système traque, via des capteurs, des évènements géolocalisés, surveille les données de ces derniers (température, pression…) et les croise, par exemple pour lancer des alertes et des notifications. « Pour les opérations de déneigement, par exemple, cela permet une communication directe, donc une meilleure coordination et évite les retards d’avions », affirme Daniel Sluysmans.

À terme, la DSI de l’aéroport de Liège prévoit d’ajouter les informations venant de certains partenaires du site et de les partager avec eux (par exemple les douanes ou les transporteurs terrestres), de mettre en place un déclenchement de processus automatisés et de détection, ainsi que des applications dédiées à certains métiers (déneigement, sûreté, sécurité…).

L’approche de l’aéroport de Liège en bref
Pourquoi ? Comment ? Quels points d’attention ? Avec quoi ? Pour quels bénéfices ?
  • Coordination manuelle des vols
  • Utilisation de sources de données disparates
  • Manque de coordination entre les différents acteurs
  • Accroissement du trafic
  • Concevoir un synoptique pour présenter les données de manière sélective
  • Décrire les fonctionnalités métiers et les règles
  • Développer un ensemble de scénarios en fonction des situations possibles et des utilisateurs
  • Privilégier les méthodes agiles avec livraisons par itérations
  • Discuter avec les partenaires externes pour intégrer les sources de données
  • Analyser les processus en cours pour améliorer la détection automatique
  • Solution GIP4Airports, basée sur les technologies Oracle (Spatial, Weblogic, Stream Analytics)
  • Mise en œuvre de la solution dans le cloud (serveurs dédiés) via un accès sécurisé
  • Accélération des prises de décision
  • Amélioration de la sécurité
  • Diminution du stress des utilisateurs
  • Vue des évènements en amont
  • Anticipation par rapport aux plannings
  • Automatisation des règles et des alarmes
Les périmètres géographiques dispersés, comme un aéroport, constituent des terrains privilégiés pour implémenter des systèmes de capteurs. Le projet de l’aéroport de Liège représente une application concrète de ce que l’on peut faire avec des objets connectés. À terme, les technologies de capteurs ne coûteront plus rien et on peut imaginer que n’importe quel objet soit connecté.

Il est logique que les volumes d’informations soient colossaux et que l’on demande aux DSI de les absorber dans le système d’information existant ou dans des applications spécifiques. Tout comme il a fallu intégrer de multiples éléments qui, hier, étaient l’apanage d’une minorité d’organisations et sont devenus des standards (messageries, terminaux portables…). Avec une gestion de projet spécifique, comme nous l’avons expliqué dans notre précédent numéro.

Comme n’importe quel projet, ceux liés à l’intégration de données issues de capteurs ou d’objets connectés doivent être menés selon une triple vision (voir tableau ci-dessous) : une vision technique, une vision stratégique et une vision métier. La vision technique s’intéressera à la nature des interactions entre les objets, à la fiabilité des opérations et à l’architecture des traitements des données. La vision stratégique concernera le degré d’innovation, les opportunités face aux concurrents et les gains de temps ou de productivité. La vision métier se focalisera sur les investissements nécessaires, les types d’offres à promouvoir et la nature des transactions avec les clients.

Il faut toutefois tenir compte de cinq forces qui vont freiner, voire empêcher, la réalisation des projets :

  • La difficulté de convaincre de multiples acteurs de partager leurs données, qui peut aussi apparaître avec des entités internes.
  • La fiabilité des capteurs (et du réseau), qui peut modifier très rapidement la perception des utilisateurs ou des clients quant à la qualité de l’application.
  • Le degré de dépendance à l’égard des prestataires, surtout si la solution est en mode cloud.
  • La standardisation des technologies et des interfaces, qui n’est pas toujours garantie.
  • La croissance des volumes de données, qui oblige à penser très en amont le dimensionnement des applications et des infrastructures.
Les points clés des projets basés sur des capteurs et des objets connectés
Vision technique Vision stratégique Vision métier
I comme… Interactions Innovation Investissements
O comme… Opérations Opportunités Offres
T comme… Traitements Time to Market Transactions
Source : Digitalonomics