AG du Cigref : les DSI au cœur de la transformation numérique

Le Cigref a réuni son assemblée générale le 16 octobre 2017. A cette occasion, Bernard Duverneuil, DSI d’Essilor International et président du Cigref, a exposé sa vision de la transformation numérique. Celle-ci est basée sur trois grands principes : réagir, anticiper et construire.

Le président du Cigref a également rappelé que les relations avec les fournisseurs sont toujours tendues, situation qui handicape l’innovation… Le Cigref s’est donné pour mission de « développer la capacité des grandes entreprises à intégrer et maîtriser le numérique ». Pour Bernard Duverneuil, « la transformation numérique, c’est fini ! Pour ceux qui ne sont pas préparés ou qui n’ont pas commencé, c’est déjà trop tard. »

Pour le président du Cigref, la transformation numérique signifierait, pour beaucoup, que l’on puisse passer d’un état stable à un autre état stable. « Il n’en est rien, il n’y a pas de révolution numérique mais des vagues et l’une chasse l’autre et c’est une construction collective », assure-t-il. En réalité, la transformation numérique peut se résumer à trois postures : réagir, anticiper et construire.

Sauvegarder la confiance numérique

Réagir s’applique à la problématique de la cybersécurité. « Elle n’est certes pas nouvelle mais l’échelle est différente, les effets des attaques sont dévastateurs et publics. » Pour le président du Cigref, il importe de « réagir vite, la réponse étant à la fois individuelle et collective, l’option forteresse n’étant plus possible. Nous partageons tous cette conviction que, sans confiance numérique, il n’y aura pas, désormais, d’opportunité de croissance dans et par le numérique. Et les événements récents du printemps 2017, lourds de conséquences pour certaines entreprises, nous l’ont à nouveau démontré s’il était besoin. »

Second principe : anticiper. Il s’agit, dans ce cas, de « prévoir les usages du numérique à long terme. « Pour cela, les liens avec l’écosystème, et notamment les fournisseurs (éditeurs, ESN) sont incontournables.

Pacifier les relations avec les fournisseurs

Sur ce terrain, le président du Cigref a rappelé l’importance de disposer d’une visibilité sur l’évolution des services, leur tarification et les business modèles des fournisseurs. Et fustigé ce qu’il a qualifié « de méthodes d’un autre âge », consistant, notamment, à « troquer les résultats d’un audit de licences contre un nouveau contrat d’achat. » Bernard Duverneuil retient l’image d’un spectacle au cours duquel « rien ne justifie que l’on contrôle nos billets parce que l’on a rien acheté à l’entracte ! »

Le Cigref a prévu de rencontrer les principaux grands fournisseurs, dont Oracle, IBM, Microsoft et SAP afin de « travailler plus sereinement pour mieux prévoir et innover : nous ne pouvons nous satisfaire de la relation de dépendance qui s’est construite au fil des années avec nos principaux fournisseurs et du statu quo qui s’impose alors à nos entreprises, au détriment souvent de nos capacités d’innovation. » Troisième principe : construire.

Pour le président du Cigref, les DSI sont porteurs d’une responsabilité sur la mise en œuvre de la transformation numérique et doivent être également « les garde-fous du numérique ». Avec de nouvelles approches : « La transformation numérique impose désormais aux décideurs de saisir le moment où l’on doit sortir des sentiers battus et développer de nouvelles approches », ajoute Bernard Duverneuil.

Dépasser la fonction de DSI

Pour Jean-Christophe Lalanne, DSI d’Air France-KLM, « le métier de DSI n’a pas changé, mais tout a changé ! » Ce dernier met en exergue trois principes. D’abord, un impératif de collaboration : « C’est l’interaction entre différents métiers, les concepteurs, les producteurs et les utilisateurs qui crée la valeur », assure Jean-Christophe Lalanne. Ensuite, il suggère d’abandonner la notion de « solution idéale », à laquelle devrait se substituer une approche de type MVP (minimum viable product), même si « cela heurte la manière dont nous avons été formés. » Enfin, le DSI d’Air France-KLM plaide pour « un dépassement de fonction » : « Nous devons accepter que d’autres que nous s’intéressent à nos métiers, dans une approche de co-innovation. »

Le Cigref propose sept priorités pour un quinquennat numérique :

1. Créer les conditions, jusqu’au plus haut niveau de l’Etat, d’une conviction, partagée par les dirigeants des entreprises et des administrations publiques, de l’impérieuse nécessité de la réussite du numérique comme condition de la croissance de l’économie et de la création d’emplois.

2. Renforcer de manière significative, particulièrement en direction des femmes, l’attractivité des métiers de l’informatique et des technologies numériques, et favoriser le développement des compétences numériques dans les entreprises et les administrations publiques, notamment par la formation continue. Sur le terrain de la féminisation des métiers du numérique, le constat est sévère. Il a été rappelé par Pascale Montrocher, DSI de Sodexo : « La mixité ne progresse plus et c’est catastrophique. Le déclin a commencé au début des années 1980, alors que la parité est un facteur de performances pour nos entreprises : arrêtons de nous priver de la moitié de nos cerveaux ! »

3. Poursuivre l’anticipation et la compréhension du monde numérique, en menant des travaux de recherche significatifs, publics et privés, et financés au meilleur niveau, pour en partager les résultats et restaurer l’autonomie stratégique de la France et de l’Europe sur les principaux enjeux technologiques tels que les microprocesseurs, l’intelligence artificielle, la blockchain, la réalité augmentée.

4. Positionner la cybersécurité comme condition indispensable de la confiance dans l’économie numérique et comme domaine stratégique pour la compétitivité des entreprises et la performance des administrations.

5. Agir pour créer, dans les territoires, des écosystèmes dynamiques et pérennes de PME innovantes et de startups, disposant des conditions fiscales et de financements nécessaires à leur développement, ayant accès à un marché domestique européen unifié, et ouverts sur la conquête des marchés mondiaux.

6. Promouvoir, dans tous les secteurs d’activité de la société, un usage éthique du numérique, particulièrement en termes de transparence des traitements algorithmiques, de protection des données personnelles, de respect de la vie privée et d’égalité d’accès aux ressources numériques.

7. Créer les conditions, notamment en termes de régulation, de normalisation, de concurrence et d’infrastructure, pour que les systèmes numériques puissent être déployés, maîtrisés et finalement gouvernés, dans les entreprises et les administrations publiques, de manière agile et sans entrave excessive.

Par ailleurs, le Cigref et la Conférence des grandes écoles ont signé une convention de partenariat en faveur de la formation au numérique dans l’enseignement supérieur et le monde professionnel. « Le partenariat prévoit de mener une réflexion commune, en lien avec la commission Formation de la CGE, sur le développement de la formation tout au long de la vie dans les métiers du numérique », rappelle Anne-Lucie Wack, présidente de la CGE. Concrètement, la CGE et le Cigref s’engagent à créer une plateforme de stage à destination des étudiants des Grandes écoles, qui proposera des opportunités au sein des directions numériques des grandes entreprises et administrations membres du Cigref.