La question du management du risque opérationnel apparaît centrale, notamment dans la banque et l’assurance. Les crises successives des années 2000 ont favorisé sa diffusion : règlements, législations, référentiels et progiciels ont tenté d’y répondre.
La fusion, en 2013, de Kepler Capital Market et de Crédit Agricole Cheuvreux a donné naissance à Kepler Cheuvreux, un spécialiste du courtage boursier. Le groupe fait appel, en 2014, à un cabinet de conseil pour mener la revue des fonctions et des processus des systèmes de supervision de l’entreprise. Kepler Cheuvreux souhaite préparer ses projets de forte croissance en restant focalisé sur la fourniture des meilleurs services à ses clients.
L’entreprise a développé, en interne, un certain nombre de systèmes de supervision, qui s’appuient bien souvent sur des scripts maison ou des applications tierces, telles que Nagios, Zabbix, ou PRTG ; ils sont implémentés par des personnels internes dont ce n’est pas le métier premier.
Des outils existants incomplets
Les consultants dressent alors un constat très commun aux sociétés de tailles comparables. Les opérations dictent les besoins sans qu’une réelle stratégie de supervision ne soit déterminée ; l’approche en est donc, par construction, opportuniste.
De fait, les outils sont incomplets : le périmètre est souvent très limité et seuls les besoins opérationnels immédiats sont couverts. Il n’existe pas de vision long terme partagée, que ce soit dans leur usage (collecte de données statistiques) ou dans leur perspective de maintenance (pas de ressources dédiées).
Dès lors, les équipes opérationnelles deviennent très demandeuses d’une solution temps réel afin de devenir proactives, là où elles ne sont que réactives. La DSI y voit, quant à elle, un moyen supplémentaire d’augmenter la qualité des opérations, mais aussi de les suivre au niveau métier, afin de fournir un retour client approprié, ce que la multiplicité des outils n’autorise pas.
Partant de ce constat, la société de conseil se met alors à la recherche d’un prestataire dont la solution permettra d’obtenir une supervision à la fois opérationnelle et métier. Les indicateurs couvriront le système d’information opérationnel, en le dotant d’alarmes et d’outils de diagnostic rapide, et s’appliqueront aussi à un périmètre métier en supervisant les indicateurs business appropriés. Comme il se doit, l’outil sera totalement interconnecté.
Les services et les systèmes dépendent les uns des autres et si les différents rouages ne savent pas communiquer sur leur métier, l’outil les décloisonnera en favorisant l’interopérabilité. Pour autant, la solution veillera à ne pas ajouter en complexité sur un SI disposant déjà de très nombreux outils et sous-systèmes. Les opérationnels, tout comme la DSI de Kepler Cheuvreux, souhaitent en effet un point d’entrée unique, avec une solution d’uniformisation pour disposer d’un point de vue global de l’information à travers des dashboards adaptés à l’usage.
Une approche centrée sur l’usage
La solution retenue, face à des concurrents plus centrés sur la technique comme IBM Tivoli ou Corvil, est l’outil de data visualisation temps réel BoardVisor, de l’éditeur IDCware. « Les entreprises qui adoptent une approche résolument technicienne ont trop souvent tendance à vouloir tout superviser et tout restituer sur des tableaux de bord qui prennent alors le risque d’être le plus souvent surchargés et qui perdent en clarté. De même, ces approches, le plus souvent intrusives, ont une empreinte trop lourde dans le quotidien des opérationnels », souligne Laurent Ably, président d’IDCware.
Contrairement au modèle classique des relations client-fournisseur qui obéissent au cycle traditionnel « cahier des charges, spécifications, livrables techniques », l’approche est centrée usage en pilotant par l’interface les développements demandés par l’entreprise. « Il est plus productif de designer un tableau de bord que de partir des jeux de données disponibles pour identifier les indicateurs complexes pertinents », précise Jacques Béja, directeur général d’IDCware.
En commençant par la création des tableaux de bord, les opérationnels imaginent un périmètre plus large de leurs besoins et il est, dès lors, plus facile de s’aligner sur la stratégie, l’utilisateur se projetant plus aisément. La conception est itérative, de même que les développements spécifiques, qui s’opèrent en agilité.
En adoptant une approche 100 % visuelle et graphique, des représentations schématiques sont créées dès le premier jour du projet. Ce modus operandi a été rendu possible par les avancées significatives dans le domaine de la data visualisation. Si cette science n’est pas nouvelle, sa démocratisation à travers les infographies que l’on retrouve à présent un peu partout, ainsi que les progrès techniques des navigateurs Web, ont permis l’émergence de librairies graphiques très performantes.
Dans le domaine de la supervision, un des critères de pertinence réside dans le maintien à jour des données : en plus de ses automatismes, il est alors indispensable que la solution suscite l’envie, chez ses utilisateurs, de consacrer du temps à son utilisation et ainsi compenser l’effort de mise à jour nécessaire. Ce qui pouvait paraître secondaire, il y a encore quelques années, devient aujourd’hui un enjeu majeur des éditeurs logiciels : améliorer drastiquement l’ergonomie et la facilité d’usage des progiciels revient, en fait, à rassurer l’utilisateur en termes de simplicité, d’autonomie et, donc, de faire un pas supplémentaire vers la pertinence des données.
Des données traitées dès qu’elles sont disponibles
Le rythme de restitution des données à travers les indicateurs est un autre élément important et l’émergence de nouvelles technologies temps réel a notamment permis à la solution mise en place chez Kepler Cheuvreux de franchir une étape par rapport à l’existant. La majorité des produits du marché reposent sur des technologies procédurales, telles que les langages Java, C ou C++.
L’éditeur a fait le choix d’investir dans la technologie Node.js, qui utilise du Javascript côté serveur. Ce nouveau langage de programmation repose sur un principe récent dans la conception, passant du développement procédural à une conception événementielle et, par conséquent, à un traitement asynchrone des données. Là où, traditionnellement, les données suivaient des chaînes de traitements dans un ordre défini, le logiciel opère un processus de traitement au plus tôt : les données sont traitées au moment exact où elles sont disponibles.
L’idée de recourir au traitement asynchrone a permis à Kepler Cheuvreux d’obtenir des gains de performances, une « scalabilité » et, surtout, un traitement des données et la restitution des indicateurs en temps réel, dans un milieu où la norme est devenue le High Frequency Trading.
Bien que le traitement des données en mode asynchrone permette de se rapprocher encore plus du temps réel, il ne faut pas, pour autant, en oublier la notion de workflow. La data visualisation restitue très intuitivement les interconnexions entre systèmes et les différentes étapes de traitement d’ordres boursiers. Ainsi, Kepler Cheuvreux dispose à présent de représentations graphiques illustrant les opérations de Back Office : toutes les étapes de la chaîne de traitement sont représentées, mesurées et vérifiées en termes d’engagements fournisseurs (SLA).
Mais, pour parvenir à ce résultat, IDCware a dû retravailler sa copie et proposer, en plus du traitement asynchrone, un système synchrone de remise en cohérence des données. Dans la représentation des processus, il est en effet crucial de garantir l’homogénéité des différentes étapes, sous peine de perdre la confiance dans les données retranscrites.
Cette approche synchrone de traitements en silos a facilité la construction d’indicateurs complexes, tels que la mesure des temps d’atterrissage sur les chaînes de traitements post trading (prédiction de l’heure de fin de traitement du silo et impact sur l’ensemble de la chaîne de production) et la mise en œuvre de systèmes d’apprentissages basés sur l’usage.
Anticiper les conséquences des dysfonctionnements
La mise en place de dashboards transversaux multimétiers chez Kepler Cheuvreux a permis à la société de trading de disposer d’un point de vue global sur son SI en temps réel. Les impacts d’un dysfonctionnement sur l’infrastructure sont immédiatement répercutés sur les tableaux de bord des autres services : si les représentations graphiques sont différentes, parce qu’adaptées aux spécificités métier, les sources d’informations sont toutefois mutualisées, pour une analyse immédiate des interactions.
Les causes des dysfonctionnements sont alors analysables instantanément par l’ensemble des divisions, quel que soit le sous-système mis en cause. La communication entre les services devient plus fluide et les mesures correctives sont prises beaucoup plus rapidement. De même, avec des représentations schématiques des sous-systèmes et de leurs interactions, les équipes anticipent plus aisément les impacts des interventions. Dans le cadre d’une mise à jour ou d’une migration, par exemple, les services peuvent visualiser immédiatement les sous-systèmes impactés et planifier les actions nécessaires avec les équipes concernées. L’ajout du temps réel crée, de plus, un retour visuel instantané des résolutions d’incidents ou des améliorations.
Au final, en ne se limitant pas uniquement à des indicateurs techniques, mais en construisant des indicateurs complexes par une approche métier, Kepler Cheuvreux est désormais à même de communiquer plus rapidement et plus précisément avec ses clients. Les incidents sont reportés au plus tôt et de façon ciblée. Enfin, la société financière est aussi capable de montrer à ses clients en quoi les investissements techniques apportent in fine une valeur ajoutée dans la qualité des prestations rendues.
Kepler Cheuvreux envisage d’augmenter le périmètre du territoire couvert par son système d’hypervision : en intégrant, dans la solution actuelle, d’autres sous-systèmes de son SI, tels que l’ERP ou les systèmes de gestion de flotte, Kepler Cheuvreux se dotera d’outils de capacity planning.