Au cœur de la quatrième révolution industrielle

« Une révolution industrielle est en train de transformer la monde de façon radicale », assure Carlo Purassanta, ancien président de Microsoft France au début de son ouvrage dans lequel il aborde les problématiques d’innovation et facteurs qui accélèrent la transformation de la Société et des organisations.

On l’a deviné, la quatrième révolution industrielle est celle de la donnée et de l’intelligence artificielle, semble dominée par les géants de la tech américains et chinois. On s’en doute aussi, cette révolution est dominée par les géants américains de la technologie et par les chinois. « Si nous ratons ce moment, nous aurons devant nous des décennies d’involution économique lente », avertit l’auteur, pour qui « nous devons faire la paix avec la technologie. » Comment faire pour (re)démarrer.

Carlo Purassanta suggère plusieurs pistes : d’abord, pour les entreprises c’est de « comprendre la fin d’un cycle. De constater la défaillance dans le performance, d’admettre que celle-ci est assujettie à un manque de vision et, fort probablement, à l’absence de réinvention du business model lui-même. » D’un point de vue politique, c’est « se rendre compte qu’une nation n’est plus synchrone avec les temps modernes. »

L’élan décisif, par Carlo Purassanta, Ed. Le Cherche Midi, 144 pages.

Une révolution industrielle se définit, selon l’auteur, de la façon suivante : c’est le moment où un facteur de production rentre dans la façon de produire (c’est la condition nécessaire mais pas suffisante) les ou/et les services. Et qu’il devient ensuite central pour l’orchestration des autres facteurs de production (d’où le mot révolution) avec une transformation radicale de l’organisation du travail, et donc de la manière d’opérer. »

Ce qui fut le cas pour la première révolution industrielle, avec la vapeur, puis, à partir de 1870, l’électricité. La révolution actuelle a toutefois une caractéristique essentielle : toutes les industries sont impactées. « Le digital a atteint une telle puissance et une telle présence, la donnée est devenue tellement prépondérante dans la création de valeur, qu’il est désormais possible de concevoir des modèles alternatifs tout à fait différents », explique l’auteur.

En particulier avec l’intelligence artificielle : « Les technologies numériques ont été utilisées pour l’instant afin de moderniser les processus existants, mais la véritable innovation provient d’une approche plus fondamentale mais aussi potentiellement perturbatrice : la réinvention complète d’une industrie. » Le numérique représenterait plus de 5 % du PIB en France.

Quels leviers pour transformer les organisations ?

Pour se transformer, les entreprises peuvent utiliser deux leviers. D’une part, « elles devraient penser au marché qu’elles servent avec les yeux d’un nouvel entrant, en utilisant la technologie comme un atout pour créer de nouvelles expériences. »

D’autre part, l’auteur suggère que les organisations « seraient bien avisées d’observer leurs actifs existants couplés aux données disponibles existantes et futures pour déterminer si ces actifs cumulés peuvent servir de nouveaux marchés et être monétisés différemment. »

Autrement dit, se comporter comme une start-up pour « libérer de l’énergie ». Cela suppose, bien sûr, de repenser les stratégies et d’opérer un changement culturel. Carlo Purassanta rappelle d’ailleurs que, entre 1950 et 2015, seule une entreprise sur dix du classement « Fortune 500 » a été capable de maintenir son statut. Les neuf autres ont vu leur chiffre d’affaires reculer, ont fait faillite ou ont été rachetées. Un processus que l’auteur appelle « le résultat darwinien de la concurrence sur le marché ».

De son expérience, Carlo Purassanta constate que la manière d’opérer des dirigeants européens « semble intellectuellement puissante, articulée et élaborée, avec un appétit pour le digital relativement important. Mais je sens un manque de rapidité et de voracité dans l’action, dans le passage à l’acte. On regarde, on pèse, on sous-pèse, on analyse, on se pose des questions. A côté, les autres, eux font. Ils se sont trompés, ils ont recommencé et ils ont avancé ! » Une approche qui n’est guère pertinente : « Attendre deux ans avant de digérer une innovation, c’est la mort assurée pour une entreprise », assure l’auteur.

Une course contre le temps

La fenêtre de tir est relativement étroite : dix ans, peut-être cinq, avance Carlo Purassanta : « Dans le monde de la technologie, nous avons observé qu’il fallait un demi-siècle pour devenir hégémonique au XXème siècle. Qu’au début du XXIème siècle, il ne fallait plus que vingt ou trente ans et que, maintenant, c’est une question d’une dizaine d’années. L’innovation accélère et les cycles de réduisent. »

Les relais de croissance sont de trois types : lancer une offre qui n’existe pas pour répondre à un besoin émergent pas encore adressé par d’autres ; étendre le périmètre d’une offre avec des évolutions majeures sur l’offre existante ; réinventer des offres industrielles verticales en profitant des inefficacités cumulées dans chacune des industries.

Pour Carlo Purassanta, « c’est le moment de reconcevoir la mission de chaque organisation, privée ou publique. » Comment ? En suivant plusieurs principes : maximiser la valeur produite par l’organisation, revoir les processus pour gagner en flexibilité en automatisant, tirer parti des données existantes, faire évoluer les compétences des collaborateurs et « créer une culture omniprésente d’innovation permanente. »

L’auteur propose neuf thèmes qui, selon lui, sont incontournables pour « transformer notre société et accélérer le progrès » :

la culture de l’innovation : « Le seul levier qui marque une différenciation constante pour une organisation est l’innovation radicale qui porte à créer ce qui n’existe pas encore. » Pour l’auteur, il faut rassembler plusieurs ingrédients : un grain de folie, l’humilité, l’appétit pour l’apprentissage continu et le risque, la créativité et la discipline.

la politique industrielle, pour relancer la machine de production, avec des investissements bien orientés.

l’éthique : pour l’auteur, « la nouvelle frontière de l’éthique pour les acteurs du numérique ne doit pas être celle du business que l’on fait, mais plutôt celle du business que l’on ne fait pas. » L’éthique repose sur trois principes fondamentaux : l’éducation, la responsabilité et la coopération.

– le cadre juridique : le digital est l’industrie la moins régulée. Carlo Purassanta rappelle que « dans le monde que nous connu, issu de trois révolutions industrielles, le temps de résoudre des problèmes d’un point de vue législatif, de quelques années, n’a pas créé de problèmes majeurs. Les cycles d’innovation s’étalaient sur une décennie, le cycle de la loi était donc compatible. Mais dans le monde d’aujourd’hui, dans lequel les innovations arrivent en quelques semaines, où de nouveaux marchés globaux se façonnent en moins d’un an, est-il encore possible d’attendre cinq ou dix ans ? »

l’éducation et la formation continue, avec, notamment, la connexion des écoles. L’auteur rappelle qu’une couverture 10 % supérieure des connexions des écoles dans un pays augmenterait le PIB de 1%. Avec le principe : « la bonne formation pour le bon emploi ».

le développement durable : si l’industrie du numérique pèse environ 4 % des émissions de carbone, « elle a un pouvoir d’influence sur l’ensemble des autres industries représentant les 96 % restants », assure l’auteur.

la transformation des territoires.

– l’inclusion et l’engagement.

le leadership du futur. Pour l’auteur, « les talents d’une organisation souhaitent voir autour d’eux, et chez leurs leaders, de la transparence, de la simplicité et une véridicité autrefois impensables. Aujourd’hui, personne n’a envie de suivre un leader qui fonctionne avec des mécanismes de la peur, de la contrainte, du jugement et de la menace. » Il faut donc passer « de la culture de la performance à une culture de succès. »