Intégrer un nouveau prestataire de services (cabinet de conseil, entreprise de services du numérique) comporte toujours une part de risque, surtout s’il « sort de nulle part ». Pour limiter les risques, plusieurs éléments doivent être vérifiés. La grille d’autodiagnostic propose la liste des questions à se poser avant de choisir.
Le portefeuille de prestataires de services, qu’il s’agisse d’ESN ou de cabinets de conseil, se renouvelle régulièrement, ce qui est plutôt un avantage pour acquérir de nouvelles compétences. Plusieurs raisons sont à l’origine du renouvellement des prestataires. L’objectif peut être, par exemple, de trouver des compétences dont les prestataires ne disposent pas dans le cadre d’un nouveau projet, de privilégier des prestataires plus réactifs ou de remplacer un fournisseur qui a fait faillite ou s’est fait absorber par un autre qui a moins bonne réputation.
Sur le papier, le processus paraît simple, mais il est facile de tomber dans des pièges. Ceux-ci peuvent être intentionnels de la part du prestataire ou relever de la simple négligence ou incompétence. Dans les deux cas, le fait de faire appel au prestataire conduit l’entreprise dans une spirale qui n’a rien de vertueuse, bien au contraire. Les points d’attention en amont de la sélection du prestataire sont particulièrement importants pour limiter les risques.
I – Autodiagnostic et points d’attention
Grille d’autodiagnostic : la sélection d’un prestataire de services | |
Questions à se poser | Principaux risques |
Évaluez-vous l’image et la notoriété du prestataire ? | Rater la mission par incompétence |
Avez-vous consulté le site Web du prestataire et évalué sa proximité client ? | Ne pas voir les indices d’une faible proximité avec les clients |
Est-il possible de négocier les conditions commerciales ? | Surpayer la prestation pour de mauvaises raisons |
Est-il possible de négocier les conditions contractuelles ? | Dépendance trop forte à l’égard du prestataire |
Exigez-vous les CV des consultants qui vont vraiment intervenir ? | Payer pour des seniors alors que des juniors réalisent la mission |
Les conditions tarifaires sont-elles claires et expliquées ? | Manque de transparence dans les factures |
Avez-vous accès à des références clients significatives ? | Risque d’échec de la mission par manque d’expérience des consultants |
Le prestataire s’engage-t-il contractuellement sur des délais ? | Dérive dans les délais |
Les prix pratiqués sont-ils dans la moyenne du marché ou sont-ils justifiés s’ils sont supérieurs ? | Surpayer la prestation pour de mauvaises raisons |
Connaissez-vous le taux d’intercontrat du prestataire ? | Mission réalisée par des consultants juniors |
La suite de cet article propose quinze questions supplémentaires à se poser avant de faire appel à un prestataire de services, ainsi que des préconisations concrètes, en fonction du niveau de maturité, pour éviter les déconvenues…
Grille d’autodiagnostic : la sélection d’un prestataire de services | |
Questions à se poser | Principaux risques |
Avez-vous analysé les résultats financiers du prestataire ? | Ne pas disposer d’un élément de négociation |
Le prestataire a-t-il été mis en concurrence ? | Surpayer la prestation, à compétences égales |
Les risques de sous-traitance ont-ils été mesurés ? | Dilution des responsabilités entre des consultants issus de différentes structures juridiques |
Le prestataire fournit-il en amont son contrat-type ? | Agir dans l’urgence en cas de clauses trop restrictives |
Le prestataire s’engage-t-il sur les transferts de compétences ? | Dépendance trop élevée à l’égard du prestataire |
Une analyse de la dépendance à l’égard du prestataire a-t-elle été effectuée ? | Surpayer la prestation |
Le prestataire détaille-t-il les différents livrables qui seront produits pendant sa mission (rapport de mission, présentations, compte-rendus…) ? | Mauvaise qualité dans l’exécution de la prestation |
Le prestataire a-t-il bien compris les besoins métiers et les contraintes ? | Préconisations mal alignées sur les besoins initiaux |
Les responsabilités sont-elles définies dans l’équipe projet (directeur de mission, chef de projet, consultants…) ? | Dilution des responsabilités et, éventuellement, risque juridique |
Le périmètre de la mission est-il clairement défini ? | Mauvais alignement sur les besoins |
Le prestataire propose-t-il des engagements de services ou des indicateurs de mesure du succès de la mission et de son avancement ? | Retour sur investissement insuffisant |
Connaissez-vous bien la stratégie commerciale du prestataire pour comprendre ses objectifs et ses points faibles ? | Problèmes de qualité et de surcoûts de la prestation |
Les éléments de langage peu pertinents sont-ils rares dans le discours et la proposition du prestataire ? | Manque de focalisation sur le contexte et le périmètre |
La proposition commerciale contient-elle tous les éléments utiles à l’appréciation du prestataire ? | Surcoûts, dépassements de budgets, de délais et risque juridique |
Le contrat de mission regroupe-t-il tous les éléments pour limiter les risques de litiges (coûts, confidentialité, résiliation, propriété intellectuelle…) ? | Litiges sur la qualité de la prestation et la propriété intellectuelle |
Source : Best Practices Systèmes d’Information. |
II – Les préconisations
Par rapport aux vingt-cinq questions listées dans la grille d’autodiagnostic, l’évaluation de la maturité peut s’effectuer avec l’échelle suivante :
- Réponse « non » à moins de 5 questions : la situation est maîtrisée.
- Réponse « non » à 6 à 10 questions : la situation est difficile.
- Réponse « non » à 11 à 15 questions : la situation est à risques.
- Réponse « non » à 16 à 20 questions : la DSI est dans une zone de danger.
- Réponse « non » à plus de 20 questions : la situation est critique.
Lorsque la situation est maîtrisée : attention au relâchement des comportements
C’est bien connu, le succès est le meilleur ami du déclin, car il favorise le relâchement, du fait d’une moindre pression. En matière de sourcing, le fait d’avoir un bon niveau de maturité conduit à être moins vigilant dans au moins trois domaines. D’abord, sur le plan juridique. Dès lors qu’une confiance s’établit avec un prestataire, on est tenté d’être moins regardant sur les conditions contractuelles et commerciales. C’est logique et souvent vertueux, car la confiance appelle la confiance. Ensuite, il faut rester vigilant sur les comportements des équipes, car tout relâchement introduit des facteurs de risques. Ces relâchements sont souvent imperceptibles, ils ne sont pas brutaux, sauf peut-être lorsqu’un nouveau DSI arrive et décide de tout changer sous prétexte d’économiser ou d’aller plus vite. Enfin, c’est le rôle du DSI et de la direction des achats, ainsi que de la direction juridique, de veiller à ce que les bonnes pratiques, qui ont mis un certain temps à s’institutionnaliser et à être appropriées par les équipes, ne soient pas rouillées.
Lorsque la situation est difficile : un risque de frustration des équipes et des métiers
Une situation plus difficile apparaît lorsque le sourcing des prestataires est réalisé sans coordination (par exemple entre la DSI et les métiers), sans réelle cohérence (recrutement de compétences en doublon, périmètres de missions qui se chevauchent…). Il en résulte des interrogations sur le retour sur investissement, par exemple si les prix acceptés sont au-dessus de ceux du marché ou si la qualité de la prestation laisse à désirer. D’où l’intérêt de travailler en étroite collaboration avec la direction des achats lorsqu’elle existe ou, a minima, d’imaginer une instance de concertation entre la DSI et les métiers, surtout si ces derniers achètent eux-mêmes leurs prestations intellectuelles auprès de cabinets de conseil et d’ESN.
Lorsque la situation est à risques : identifier les signaux faibles et les causes des dérives
Plusieurs signes montrent que la situation présente des risques qui, s’ils ne sont pas gérés, peuvent devenir incontrôlables. Passer d’une zone à risques à une zone de danger peut être très rapide. Une telle situation se manifeste par exemple par des dérives récurrentes dans les délais et les budgets, sans que l’on puisse toujours en identifier les causes ou les chiffrer. En outre, le DSI n’a pas toujours une vision globale de la gravité des dérives qui peuvent ne représenter qu’un faible pourcentage des coûts et des délais.
Lorsque la situation est dans une zone de danger : très mauvais pour l’image de l’entreprise… et du DSI
L’accumulation de mauvaises pratiques, par ignorance ou pour de mauvaises raisons (pas de compétences internes en sourcing, honoraires trop élevés des avocats, manque de temps, contraintes de Time to Market…), peut aboutir à des litiges majeurs avec certains prestataires. Outre les dégâts sur la mission, qui peut être arrêtée avant son terme ou mal conduite, les répercussions sur l’image de l’entreprise sont significatives. Même si le prestataire perd, les risques de médiatisation sont difficilement maîtrisables. Par extension, c’est l’image de la DSI et du DSI qui s’en trouve altérée : même si le prestataire a abusé de la situation et que son client est de bonne foi, on ne pourra pas empêcher les opinions du type « Si la DSI avait pris des précautions de bon sens, nous n’en serions pas là… » Des opinions qu’il vaut mieux éviter de voir se propager jusqu’à la direction générale.
Lorsque la situation est critique : un accompagnement externe s’impose
Cette situation est le signe que le DSI est dépassé par les événements. Et s’il n’a pas pu gérer les dérives, il lui faut de l’aide. Cet accompagnement porte sur les aspects juridiques, les aspects organisationnels (processus de sélection des prestataires, rédaction des appels d’offres, évaluation des compétences des consultants…), les problématiques de négociation et de mutualisation (avec la direction des achats). Si tous ces aspects doivent être traités en parallèle, c’est que la situation est vraiment critique car cela montre que rien de sérieux n’a vraiment été réalisé pour professionnaliser le sourcing des prestataires. Il serait d’ailleurs étonnant que, dans une telle configuration, un DSI ait pu cacher l’ampleur de la gravité de la situation…