Face aux exigences croissantes des directions métiers envers la DSI, celle-ci n’a d’autre choix que d’industrialiser le SI et ses processus afin d’atteindre l’excellence opérationnelle et économique.
L’architecture étant un vecteur essentiel de cette industrialisation, la création d’un bureau des architectes (BDA) au sein de la DSI est aujourd’hui devenue indispensable à l’atteinte de cet objectif.
Sécuriser les projets métiers, proposer des solutions industrielles et garantir le respect de la stratégie système d’information : tels sont les trois enjeux fondamentaux d’un BDA (bureau des architectes). Au quotidien, le BDA a pour principale mission d’accompagner les équipes projets, aussi bien internes qu’externes, dans les phases de conception de l’architecture logicielle et technique.
C’est le garant de l’application de la politique de construction et d’urbanisation du système d’information, ainsi que de l’optimisation des coûts de mise en œuvre et d’exploitation des applications.
Concrètement, il aide les équipes projet à défendre leurs dossiers d’architecture devant le comité d’architecture, organe décisionnaire dont l’avis conditionne à la fois l’accord pour la mise en production et les engagements de moyens associés (approvisionnements matériels et logiciels).
En contrepartie, cela place directement les travaux du BDA sur le chemin critique des plannings projets. Cela impose de trouver un équilibre entre l’optimisation du système d’information sur le long terme et la tenue des plannings et des budgets projets à court terme.
Au-delà de l’accompagnement des projets, le BDA a la responsabilité stratégique de participer à l’évolution de la politique de construction du SI à un horizon de trois à cinq ans, afin que celle-ci reste alignée avec les besoins des métiers et la réalité du marché.
Enjeu pour le BDA : réussir sa propre industrialisation
Le BDA se doit de disposer d’une organisation et d’outils efficaces. Trois points clés conditionnent le succès de la mise en place d’un BDA :
- Des profils adaptés : la centralisation de la fonction architecture, c’est avant tout la constitution d’une équipe d’architectes. Sans être lui-même un spécialiste, l’architecte doit être capable de dialoguer avec tout à la fois les équipes projets, les exploitants et les différents corps d’experts (sécurité, réseau, système, etc.). Disposer d’une connaissance large du SI n’est pas suffisant. L’architecte doit également démontrer des qualités d’écoute, de synthèse, et parfois de diplomatie tant les intérêts des différentes parties prenantes peuvent être divergents. Selon la taille et l’organisation de l’entreprise, le périmètre de l’architecte varie fortement. Il peut être fonctionnel, logiciel ou technique, se limiter à un domaine métier ou au contraire transverse à tout le SI. Quel que soit son positionnement, il doit parfaitement maîtriser les enjeux des directions métiers pour lesquelles il travaille et jouer un rôle d’animation transverse, deux caractéristiques qui le rapprochent parfois de l’urbaniste.
- Des référentiels partagés par tous : pour tenir sa promesse de valeur, il est primordial que le BDA dispose de référentiels documentant l’ensemble des volets constitutifs de la politique de construction du SI (catalogue des composants, stratégie Open Source, catalogue des offres d’infrastructure, stratégie de consolidation serveurs, PSSI, politique datacenter, etc.). Inversement, parce qu’il constitue le point focal de l’application de cette politique, le BDA est à même d’y déceler des imperfections, et devient de fait un contributeur de premier ordre dans la construction de ces référentiels.
- Une réelle capacité d’influence sur les projets métier : la validation des dossiers par le comité d’architecture doit s’inscrire comme un jalon essentiel des projets. Toutefois, la tenue de ce comité requiert – pour que celui-ci soit légitime – de réunir un panel d’experts et de responsables techniques, ce qui constitue un exercice d’organisation à part entière et un investissement non négligeable pour la DSI. À tel point qu’un des défis rencontrés actuellement par les BDA les plus matures est d’inventer des circuits de validation alternatifs, afin de pouvoir valider les évolutions mineures du SI plus rapidement et à moindre coût.
Démontrer sa valeur ajoutée pour se légitimer
Un manque de communication de la part du BDA ou une mauvaise compréhension de ses apports constituent les raisons les plus fréquentes qui poussent les directions métiers à tenter de court-circuiter les processus dans lesquels le BDA s’inscrit.
Face à cette difficulté, le BDA dispose de deux leviers :
- Objectiver son efficacité opérationnelle et sa contribution à l’industrialisation du SI. Le niveau d’industrialisation du BDA peut se mesurer au travers d’indicateurs quantitatifs (exemple : nombre de dossiers traités) ou qualitatifs (exemple : délai de traitement d’un dossier, taux de dossiers validés) simples à mettre en œuvre. Ces indicateurs peuvent être complétés par d’autres, objectivant les apports du BDA en termes de maîtrise du SI et de rationalisation des coûts. Ils sont plus complexes à établir, mais sont aussi ceux qui ont le plus de valeur et d’efficacité aux yeux du métier. À titre d’exemple, le taux d’écart à la politique d’architecture et le coût des infrastructures logicielles et matérielles par projet sont les indicateurs les plus couramment mis en œuvre. De tels indicateurs, consolidés et analysés dans le temps, ont une double vertu : ils permettent de communiquer sur l’apport du BDA sur le SI d’une part, et d’évaluer en continu la pertinence de la politique SI d’autre part.
- Promouvoir son action. Le partage du cadre de référence d’architecture (au travers d’un intranet par exemple), l’animation des relations entre architectes BDA et projets, la formalisation d’une lettre périodique d’information pour communiquer largement sur le résultat de travaux marquants constituent les meilleurs moyens de promouvoir l’activité du BDA auprès des directions métiers.
L’externalisation vecteur d’économie et d’efficacité
L’assistance externe est devenue indispensable aux BDA aussi bien en termes d’adaptation à la charge, qu’en apport d’expertise, mais sa gestion peut devenir complexe. Aujourd’hui, plus de 80 % des BDA contractualiseraient avec une unique société prestataire opérant en mode « centre de services ».
Ce mode de fonctionnement présente de multiples avantages : interlocuteur contractuel unique gérant les variations de charges, contrôle qualité, baisse des TJM (taux journaliers moyens) par massification, optimisation de la facturation par la mise en place de forfaits ou unités d’œuvre (UO), apport d’architectes transverses…
Toutefois, l’externalisation d’une partie de la fonction architecture doit s’accompagner de l’émergence de nouveaux rôles dans l’organisation permettant de piloter la relation avec le centre de services, de discuter ses devis et de contrôler la qualité de ses productions.
Pour réussir, cette externalisation doit être envisagée de façon progressive. La mise en place d’un centre de services agit généralement comme un catalyseur, accélérant ainsi l’industrialisation interne et la montée en maturité du BDA. Plus le niveau d’industrialisation du prestataire , et par effet miroir celui du BDA, augmenteront, plus les gains financiers et opérationnels seront importants.
Quels que soient les bénéfices d’une externalisation, l’entreprise doit garder en perspective l’aspect fondamental de la conservation de la maîtrise de son SI. Marier industrialisation et innovation peut sembler paradoxal.
Et pourtant, le SI doit constamment en même temps s’industrialiser et faire face à l’évolution des besoins métiers parmi lesquels figurent les nouveaux usages. Loin de se positionner comme gardien du temple, le BDA doit savoir s’adapter en permanence, mais, mieux encore, être force de proposition pour devenir acteur de cette évolution.
Cet article a été écrit par Nicolas Bourget, consultant senior chez Solucom.