Centres de compétences ERP : l’âge de la maturité

Nombreux sont les groupes qui ont mis en place des centres de compétences pour prendre le relais à l’issue du déploiement d’un ERP. Néanmoins, après quelques années, les centres qui ont atteint la maturité s’interrogent sur leur rôle. La mise en place d’un progiciel ERP représente un grand projet pour les organisations.

Cependant, une fois celui-ci achevé, la tâche est loin d’être terminée. En effet, le cycle de vie de tels systèmes se poursuit bien au-delà du mode projet. Généralement, quatre étapes sont caractéristiques du cycle de vie d’un ERP : le business case, le projet, le Run/support et les évolutions. À chacune des étapes correspondent un certain nombre d’enjeux qui doivent impérativement être adressés, faute de quoi le système ne fournira pas la valeur souhaitée, par exemple pour les modes d’organisation, les processus, les équipes, la gouvernance, les environnements techniques ou les relations avec l’éditeur et les intégrateurs.

Il faut, notamment, assurer la pérennité du système mis en place en le maintenant en conditions opérationnelles, en encourageant son appropriation par les utilisateurs et en le faisant évoluer. Ces missions sont traditionnellement dévolues aux centres de compétences. Un centre de compétence est défini comme « une organisation autonome, généralement mise en place à l’issue du projet initial de déploiement de l’ERP, qui regroupe en un point unique les compétences. Cette organisation porte, a minima, les compétences internes, externes et les ressources nécessaires au maintien en condition opérationnelle des applications dont elle a la charge », explique Caroline Couesnon, directrice associée et co-présidente du cabinet de conseil Advese, qui a mené, avec l’USF (association des utilisateurs de SAP francophones), une étude sur les modèles d’organisation des centres de compétences et les pratiques dans 159 entreprises françaises.

Néanmoins, sur le terrain, il existe autant de modèles de centres de compétences que d’organisations, même si quelques constantes se dégagent.

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Un centre de compétences peut être virtuel

« A l’issue d’un projet ERP, les entreprises doivent réfléchir aux différents thèmes à traiter et à la manière de les adresser, selon leur taille et leurs moyens », explique Caroline Couesnon. « Dans des groupes de taille moyenne, le centre de compétences est souvent virtuel, ses missions étant réparties entre différents acteurs. La direction financière peut, par exemple, prendre en charge certaines d’entre elles, la DSI d’autres et un contrat de tierce maintenance applicative peut être mis en place pour couvrir le reste. Le suivi des contrats est réalisé par la direction juridique, mais la DSI est souvent en charge du suivi du budget de maintenance et des projets en cours. »

Dans les grands groupes, en revanche, il est fréquent de mettre en place une organisation dédiée, généralement pilotée par la DSI. Ces centres peuvent prendre plusieurs formes, mais ils sont toujours structurés de manière cohérente par rapport à l’entité à laquelle ils appartiennent. Ils débutent généralement par des missions de support ou de maintenance applicative. Les centres les plus matures ont souvent vécu, ensuite, des phases de réorganisation, passant, selon les cas, par de l’externalisation ou, au contraire, une ré-internalisation. En travaillant avec plusieurs d’entre eux, le cabinet Advese a effectué un constat récurrent : après quelques années de bons et loyaux services, ces organisations finissent par se heurter à deux nouveaux écueils, le premier portant sur la valeur créée et le second concernant les compétences.

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Éviter la banalisation des centres de compétences

La première de ces difficultés, autour de la valeur créée par le centre de compétences, surgit généralement lorsque ce centre n’a plus la charge de gros projets. Comment faire alors pour qu’il ne devienne pas un service de consommation courante, une « commodité » que l’on peut facilement externaliser ? « À ce stade, une des possibilités de « survie » pour les centres de compétences est de revenir à équipes plus petites, composées d’experts qui doivent faire de la veille et adopter des approches plus transversalesplus innovantes, en portant, par exemple, un sujet comme la mobilité », observe Caroline Couesnon. Amener de la valeur aux clients internes nécessite parfois de changer de mode de fonctionnement, un défi qui peut être difficile pour des équipes très axées sur la technologie.

« Il faut s’orienter davantage vers des approches de type conseil », estime-t-elle, « même si ça peut être compliqué. » Pour faire face à cet enjeu, il convient également de s’interroger sur la manière de ramener de la valeur métier, notamment en s’appuyant sur les innovations amenées par les éditeurs. Une autre possibilité consiste à devenir un centre multi-applicatif, qui ne se limite plus à une solution et/ou un domaine fonctionnel, mais s’ouvre et devient plus transversal. « On retrouve les mêmes leviers partout : la performance économique, l’intelligence apportée par l’organisation, la valeur créée. Pour un centre de compétences parvenu à maturité, il s’agit, maintenant, de montrer, par exemple, comment il a été possible de gagner deux jours sur le processus d’achat ou sur l’optimisation des flux financiers… »

La deuxième question, liée à la première, concerne les ressources humaines : comment faire, après cinq à dix ans, pour conserver les expertises vraiment critiques ? « Cet aspect est rarement « mis en musique » dans les organisations. Souvent, les ressources partent, surtout lorsqu’elles venaient des métiers à l’origine, ou alors elles se retrouvent coincées, à l’étroit dans leur poste », note Caroline Couesnon. Cette problématique soulève un enjeu beaucoup plus global autour de l’économie du partage. « Si une entreprise n’arrive plus à occuper ses experts, pourquoi ne pas envisager de les partager avec d’autres organisations plutôt que de les perdre ? » questionne-t-elle.


Cinq activités à privilégier pour générer davantage de valeur

  • La gestion de contrats et le pilotage des coûts.
  • Le développement d’expertises ad-hoc (techniques, fonctionnelles et métier).
  • La mise en place (si ce n’est déjà fait) de « vigies », des cellules de veille technique chargées de comprendre et de proposer aux clients internes les innovations de l’éditeur.
  • Le conseil sur l’optimisation des processus et de l’organisation.
  • Le conseil sur la formation et l’accompagnement des métiers.

Source : Advese/USF



Centres de compétences SAP : état des lieux dans les entreprises françaises

Le cabinet de conseil Advese a réalisé, avec l’USF (Association des Utilisateurs SAP Francophones), une note de perspective sur les centres de compétence SAP, publiée en mars 2015. Cette note, intitulée « Modèles d’organisation des centres de compétences SAP : vision à 360°», s’appuie sur une enquête menée fin 2014, à laquelle 159 organisations ont répondu.

Premier constat, les centres sont le plus souvent rattachés à la DSI, voire, également, aux métiers dans un certain nombre de cas. Trois principaux modèles d’organisation ont été observés : une approche centralisée pour tous les métiers, une approche décentralisée et, enfin, une approche « fédérale », pour bénéficier du meilleur des deux mondes. La taille des centres dépend principalement du nombre de domaines fonctionnels couverts (cité par 86 % du panel) et, en second lieu, du nombre d’utilisateurs pris en charge (46 %). Dans les très grands groupes (au-delà de 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires), il existe généralement plusieurs centres, tandis que les groupes réalisant entre 1 et 5 milliards de CA n’en ont, le plus souvent, qu’un seul.

Garantir le support aux utilisateurs

Les premières activités de ces centres sont le traitement des demandes de niveau 2 et 3, la maintenance applicative et le support, toutes citées par plus de 90 % des répondants. Les moins fréquentes (entre 50 et 70 % des répondants) sont le conseil et le monitoring autour de la performance des processus, ou encore la formation et l’animation de clubs d’utilisateurs.

Les principaux enjeux cités par les répondants sont l’évolution et l’amélioration des processus métier (89 citations), suivies par la réduction des coûts (83), la mise à jour des versions (56), l’adaptation aux évolutions de l’organisation (53) et l’harmonisation des pratiques (50).

Du flou dans la stratégie commerciale de l’éditeur

Concernant les solutions SAP en elles-mêmes, le module le plus répandu parmi les répondants est la suite de gestion financière (ECC), utilisé par 89 % du panel, suivi par la plateforme de reporting BW (74 %) et la suite décisionnelle BO (58 %). Les moins déployés concernent la gestion de la chaîne d’approvisionnement (SCM), la gestion des risques (GRC) et la gestion du cycle produit (PLM). Si l’ERP est reconnu à la fois pour sa robustesse technique et sa capacité à harmoniser et structurer les processus fonctionnels, la politique commerciale et la stratégie de développement de SAP recueillent davantage de critiques : modèle tarifaire complexe et peu lisible, acquisitions qui peuvent régulièrement remettre en cause les investissements effectués, intégration parfois laborieuse des solutions rachetées ou encore innovations freinées par le coût des migrations préalables.