Le groupe Safran a opté pour une utilisation par défaut du moteur de recherche européen Qwant. Objectifs : mieux protéger la confidentialité des recherches sur Internet de ses collaborateurs, face à des solutions américaines dont le modèle est d’aspirer le maximum de données personnelles à des fins de profilage publicitaire
Safran, troisième acteur aéronautique mondial a fait le choix d’utiliser Qwant, moteur de recherche européen qui respecte la vie privée et ne collecte pas les données personnelles de ses utilisateurs, à l’inverse des autres moteurs, notamment d’origine américaine. Les 91 000 collaborateurs de Safran au niveau mondial disposeront de Qwant par défaut sur l’ensemble des postes de travail ayant un accès Internet, soit environ 79 000. Cette transition progressive a débuté le 28 janvier 2019. L’utilisation de Qwant est désormais recommandée auprès de l’ensemble des collaborateurs du groupe, répartis dans douze sociétés.
Objectif : préserver la confidentialité de leurs recherches sur Internet. « Nous sommes très sensibles à la protection des données de Safran et donc des données de nos salariés qui transitent par nos systèmes, surtout dans un contexte cyber très agressif. Tous les collaborateurs sont susceptibles de traiter des informations sensibles, en laissant des traces sur le Web, ils laissent donc aussi des traces concernant Safran. Il nous faut des alternatives à l’écosystème américain. Et je pense que nous n’avons pas à rougir des solutions développées en France et en Europe. Si nous, DSI, nous ne soutenons pas ces entreprises françaises comme Qwant, alors nous ne sommes pas cohérents. Cette recherche d’alternative est d’ailleurs portée par le Cigref, à juste titre me semble-t-il », explique Loïc Bournon, DSI de Safran.
Un déploiement progressif
L’approche de déploiement ne peut évidemment pas privilégier la manière autoritaire. « Déployer Qwant au sein de Safran, c’est apporter une explication et une sensibilisation des salariés aux valeurs communes de l’entreprise et à l’éthique, notamment dans un contexte d’utilisation personnelle des moyens de l’entreprise. Notre responsabilité est de bien protéger les données les plus sensibles de la société et celles de nos collaborateurs ; cela passe par la sécurisation des flux de données, leurs postes de travail et donc leurs requêtes via le surf sur Internet. »
Le déploiement de Qwant dans le groupe Safran s’effectue de façon progressive, pas en mode Big Bang, en étant attentif aux performances et aux temps de réponse. « Nous avons testé au préalable l’alternative Qwant, afin de s’assurer que le moteur de recherches correspondait bien aux usages quotidiens des utilisateurs, et nous allons surveiller les remontées négatives. Maintenant, l’enjeu est de faire accepter autant que possible cette alternative », précise Loïc Bournon.
Safran avait déjà mis en place un système d’alerte en cas de consultation de sites considérés comme dangereux et chaque collaborateur, dont la plupart sont habitués à détecter des messages suspects, dispose d’un bouton rouge intégré à la barre de navigation Outlook.
Concrètement, Qwant permet aux organisations qui l’adoptent de garantir à leurs collaborateurs que les recherches en ligne qu’ils effectuent ne font l’objet d’aucun profilage. Les recherches sont sécurisées, la neutralité des résultats est respectée et Qwant ne conserve aucun historique des requêtes effectuées. Le moteur de recherche veille par ailleurs à permettre le développement d’un écosystème numérique équilibré, favorable à la création et au partage de la valeur.
François Messager, directeur général de Qwant l’assure : « Notre ambition n’est évidemment pas de remplacer Google, mais, pour ce dernier, l’internaute est un consommateur, avec Qwant, l’internaute est un citoyen. Les modèles à la Google ou à la Facebook sont toxiques et ne sont pas pérennes, nous avons une vision différente, basée sur le respect de la vie privée et l’éthique. »
Pour Tristan Nitot, vice-président Advocacy de Qwant, « Nous n’insérons pas de bannières, ni de cookies, nous ne stockons pas les adresses IP, nous ne pistons donc pas les internautes, on ne sait rien d’eux ». Pour lui, les autres moteurs de recherche sont « des chevaux de Troie qui aspirent des données personnelles, beaucoup d’internautes ignorent à quel point ils sont pistés. Les données sont le pétrole du XXIème siècle, c’est pourquoi des sociétés viennent pomper ce pétrole jusque dans nos poches. » Avec Qwant, deux internautes qui font la même requête obtiendront les mêmes résultats. « Cette neutralité et cette objectivité de la réponse sont essentielles. »
Qwant est né, en 2013, de la vision d’entrepreneurs privés qui ont choisi de consacrer des moyens importants au développement d’un moteur de recherche indépendant en Europe, doté de son propre index du Web. 18 milliards de requêtes en 2018 contre 9,8 milliards en 2017 et 2,6 milliards en 2016. Le modèle économique repose, lui aussi, sur la publicité, mais uniquement en exploitant les mots-clés de la recherche de l’utilisateur.
Une numérisation éclair du manuel qualité
Safran est engagé depuis trois ans dans une démarche de mutualisation de ses meilleures pratiques, dans tous les domaines, baptisée One Safran. « Dans un monde où les cobots, l’impressions 3D et la réalité virtuelle montent en puissance, où nos activités quotidiennes sont imprégnées de numérique, le management de la qualité en est encore au papier (procédures, manuels, instructions, guides…) », souligne Jean-Philippe Mathevet, directeur Système de Management de la Qualité chez Safran SA. C’était également le cas pour le Manuel Qualité de Safran dont le format n’était pas adapté aux nouvelles générations, peu attractif et par conséquent peu lu. Mais comment engager la transformation digitale du système de management de la qualité pour l’adapter aux nouveaux modes de consommation d’informations (smartphones, tablettes, vidéos, pitchs…) ?
Safran a recruté une étudiante à Arts et Métiers ParisTech, Angéline Eymery, et lui a confié la tâche de numériser le manuel qualité. Une mission menée à bien en seulement huit mois, depuis la genèse de l’idée jusqu’à la diffusion du nouveau manuel qualité auprès des 91 000 salariés de Safran. Cette mission a été récompensée dans le cadre des « Prix Nationaux de la Qualité et de l’Excellence Opérationnelle », organisés par l’Association France Qualité Performance (AFQP, dite France Qualité), la Direction Générale des Entreprises (DGE), et avec le Medef, depuis 2017. Grâce à son format numérique, plus attractif, il est sorti du périmètre très restreint de la qualité, puisqu’il est à présent utilisé lors des journées d’intégration des nouveaux arrivants pour présenter la Société.
Pour construire le manuel qualité de demain, Angéline Eymery a mis en place une démarche structurée, pas à pas, en combinant des outils du manager de la qualité, tels que l’analyse fonctionnelle, la méthode ADEQUA ou encore des méthodes agiles. Si la méthode et les outils rassurent lors de la transformation d’un système de management, ils ne suffisent pas. Angéline Eymery a donc mis en place une démarche de conduite du changement pour accompagner les collaborateurs tout au long du projet. Cela a consisté notamment à les impliquer directement dans le projet, lors d’interviews ou de workshops, à valoriser leur expertise en optimisant leur temps de travail lors des ateliers, ainsi qu’à célébrer avec eux chacun des pas accomplis vers la digitalisation du manuel qualité. Angéline Eymery a reçu une proposition d’embauche de la part de Safran, qu’elle a évidemment accepté !
Les Yvelines et les Hauts-de-Seine filtrent les contenus
Qwant a été déployé sur l’ensemble des postes informatiques des sites départementaux des Hauts-de-Seine et des Yvelines. Face à la recrudescence des attaques virtuelles et suite au renforcement de la législation avec le Règlement Général sur la Protection des Données, les deux collectivités ont fait ce choix du moteur de recherche français pour les 8 000 ordinateurs de leurs collaborateurs (5 000 postes dans le Département des Hauts-de-Seine et 3 000 dans le Département des Yvelines). La solution Qwant School est actuellement en phase de test dans quatre établissements des Hauts-de-Seine. Elle permet le filtrage des contenus violents et pornographiques, une mise en avant des contenus éducatifs et spécialisés, des actualités choisies pour les enfants… Qwant School a vocation à être déployée dans l’ensemble des collèges des deux départements. « Nous avons choisi Qwant dans un contexte européen de renforcement de la sécurité des données, avec le RGPD. Par ailleurs, Qwant est une entreprise européenne et il est important d’accompagner un écosystème européen qui se développe autour du numérique », précise Emmanuel Bonnet, DSI du département des Hauts-de-Seine. Pour Céline Hervins, DSI du département des Yvelines, « Qwant constitue une alternative éthique à d’autres moteurs de recherche, en particulier à l’empire Google. Ce que j’attends de Qwant, moteur français hébergé en France, dans un contexte européen de vigilance forte de protection des données, c’est la non-collecte des données et la garantie qu’elles ne soient pas utilisées puisqu’elles ne sont pas collectées. »