On se souvient de la célèbre phrase attribuée à Georges Clémenceau : « Si vous voulez enterrer un problème, nommez une commission. » On retrouve ce réflexe dans les entreprises, qui pourrait se formuler de la façon suivante : « Si vous voulez marginaliser un manager, créez une fonction similaire, avec une autre dénomination. »
On a ainsi vu naître la fonction de Chief Digital Officer à côté du CIO et celle de Chief Innovation Officer en parallèle des responsables R&D. On voit aujourd’hui émerger la fonction de Chief Happiness Officer, dont les missions empiètent sur celles en principe dévolues aux DRH. Il y aurait ainsi 150 « responsables du bonheur dans l’entreprise » en France, selon Arnaud Collery, spécialiste de cette fonction. Tout se passe comme si les métiers historiques n’étaient pas capables d’intégrer des transformations.
On oppose ainsi informatique et digital, R&D et innovation, gestion des ressources humaines et engagement des salariés… Bref, l’ancien monde hiérarchique, bâti sur le modèle Command & Control, au nouveau, dont l’ADN est la collaboration. Elle s’exprime à travers les réseaux sociaux, les écosystèmes, le foisonnement d’idées hors des structures de R&D et dans des valeurs de partage et de légitimité. On peut comprendre que les DRH soient dépassés par les événements ou que les ingénieurs de R&D ne soient pas assez réactifs face au foisonnement de l’innovation.
Et même qu’une partie des DSI ne puissent suivre le mouvement de transformation numérique. Mais quand tous les managers auront, face à eux, leur clone avec des missions proches, voire carrément identiques, on peut d’ores et déjà anticiper de multiples désorganisations et luttes de pouvoir et la maxime de Clemenceau pourrait devenir : « Si vous voulez régler un problème, réglez-le, au lieu de créer des clones. »