Comment garantir une bonne fin de projet avec la médiation

La médiation de projet vise à enrichir les pratiques de conduite de projet, en mettant en place les conditions d’une gestion maîtrisée des relations entre les acteurs. Elle vise la prévention, la détection et le traitement rigoureux de litiges susceptibles de pénaliser le projet.

Professionnaliser et outiller la gestion des relations pour prévenir et résoudre les différends est désormais indispensable. À ce titre, la médiation de projet apparaît comme une brique majeure des outils de gouvernance d’un projet.

Le projet idéal est un long fleuve tranquille, où tout se déroule comme cela avait été prévu, selon le planning et le budget d’origine, dans le respect des bonnes pratiques de gouvernance et dans une parfaite harmonie entre le client et l’intégrateur. Les projets numériques respectent généralement les bonnes pratiques classiques de gouvernance de projet et sont conduits avec des démarches structurées, normées et outillées dans une logique scientifique et technique (comités adéquats, méthodes agiles…). L’expérience des projets et des médiations menées montre que les méthodes en vigueur sont efficaces. Cependant, la gestion des relations entre les acteurs du projet, qu’il s’agisse de personnes physiques ou d’agents économiques, apparaît comme l’oubliée de la conduite de projet.

Alors même que les projets numériques s’inscrivent dans des complexités croissantes techniques, organisationnelles, économiques et naturellement humaines, la gestion des relations s’en remet aux qualités des directeurs ou responsables de projets. Les aspects humains de la gestion de projet, basés sur le dialogue et la confiance entre les acteurs, constituent en effet la « cause racine » de retards, de dépassements budgétaires et parfois d’échecs de projets. En outre, dans la réalité, les difficultés techniques rencontrées, les imprécisions de l’expression des besoins, les malentendus, les évolutions du cahier des charges, etc., remettent en cause le planning et le budget, et créent des tensions entre le client et le maître d’œuvre.

Les causes potentielle de ces différends sont multiples :

  • Un malentendu entre la « chose achetée » et la « chose vendue » : le client achète une solution « clés en main » répondant à tous ses besoins, alors que le fournisseur vend un progiciel et des adaptations limitées.
  • Des méthodes de conduite de projet non partagées : le client ne comprend pas que les ateliers de spécifications soient contraints par les limites fonctionnelles de la solution. Les responsabilités respectives du client et du fournisseur ne sont pas formalisées et partagées.
  • Des flous ou des évolutions dans l’expression des besoins et dans le contenu de la solution. Le fournisseur a interprété le cahier des charges, ou ses imprécisions, sans valider sa bonne compréhension. Le besoin du client a évolué au cours du projet, du fait de contraintes, nouvelles ou non.

Si elles ne sont pas rapidement détectées et arbitrées, les difficultés et les incompréhensions peuvent rapidement devenir des désaccords, puis des conflits, altérant significativement la confiance entre le client et le maître d’œuvre, faisant peser un risque sur le projet.

Quand un manque de communication génère le conflit

Même si les difficultés se manifestent par des retards de mise au point, des livraisons de versions non conformes, ou des dérapages du planning et/ou du budget, la « cause racine » est presque toujours un manque de dialogue et de transparence entre le client et le maître d’œuvre. Le client, comme le prestataire, s’autocensurent dans les réunions, n’osent pas avouer leurs lacunes et ne partagent pas leurs difficultés et leurs enjeux.

Les exemples sont nombreux :

  • Le client et l’éditeur se comprennent mal sur les spécifications fonctionnelles ou la méthodologie projet, ou bien ont des conceptions différentes des méthodes agiles.
  • L’intégrateur n’ose pas avouer une surconsommation des ressources et tarde à prévenir le client que le planning et le budget du projet ne pourront pas être tenus.
  • Ignorant toutes les contraintes du client, l’intégrateur propose dans son offre des plannings de mise en place inadaptés et est, ensuite, tenu par ces engagements.
  • Estimant que l’intégrateur doit lui livrer un système « clés en main », fonctionnant parfaitement, le client sous-estime les ressources nécessaires au sein de ses propres équipes pour tester et mettre au point le système. L’intégrateur n’ose pas le détromper, car dans son offre il a promis un système facile à mettre en place.

Prévenir et traiter les litiges avec la médiation de projet

Ces « facteurs racines », à l’origine des litiges dans les projets, sont d’une absolue banalité pour tout responsable de projet expérimenté. Il ressort de manière très explicite que leur traitement précoce permet de réduire considérablement le risque de conflit et, ainsi, de dérapage incontrôlé, voire de l’échec du projet. La détection et le traitement précoce des « facteurs racines » et des causes de litige dans les projets constituent la vocation essentielle de la médiation de projet.

Pour les projets majeurs, comportant des enjeux budgétaires ou business importants, la médiation de projet consiste à intégrer, au sein des équipes projet et des principaux comités, un médiateur expérimenté en gouvernance des projets informatiques.

Participant notamment aux comités de pilotage, au comité des risques (s’il en existe un) et aux réunions majeures, il détecte les désaccords et les risques de conflit, et applique des techniques de médiation pour rapprocher les parties, les aider à se comprendre et à préserver la confiance et un climat de travail serein.

La médiation de projet numérique, telle que définie et mise en œuvre par le CMAP, répond à cinq besoins principaux :

  • Éviter les différends et prévenir les dérapages des projets.
  • Faciliter la communication et les bonnes relations entre les parties.
  • Clarifier les situations et les relations et lever les ambiguïtés.
  • Supprimer les sources de conflits au plus tôt.
  • Préserver les intérêts de chaque partie.

Dans ce but, l’offre de médiation de projet numérique comporte plusieurs volets :

  • Une mission de prévention et de traitement des différends au sein des projets.
  • Une prestation dédiée à la compréhension mutuelle et à la fluidification des relations dans les projets.
  • Un outil de gouvernance de projets qui s’inscrit dans le cadre de la RSE.
  • Un complément aux prestations de conseil et d’expertise courantes.

Ses objectifs sont de réduire les risques de dérapage ou de blocage des projets, de sécuriser leur bon déroulement et d’œuvrer à la qualité des relations entre les acteurs et du climat de travail général.

Une démarche rigoureuse

La démarche mise en œuvre repose sur la détection, la qualification et le traitement des différends, le plus en amont possible. Les prémices de difficultés relationnelles donnent lieu à des attitudes identifiables. Mais ce qui frappe, c’est que, dans de nombreux cas, la détection d’un différend ne donne pas lieu à une qualification rigoureuse et, de fait, à un traitement adapté. La détection et la qualification des différends sont pourtant d’une importance capitale pour en assurer un traitement efficace et une résolution rapide.

Les controverses (portant, par exemple, sur le standard technique utilisé, la démarche de collecte des besoins…) et les désaccords (par exemple, la remise en cause d’un livrable, le rejet d’une fonctionnalité pourtant spécifiée…) font partie intégrante de la vie de tout projet. Une qualification insuffisante ou un traitement inapproprié peuvent pénaliser le projet, voire dégénérer en conflit.

Comment mettre en œuvre la médiation de projet

Pour mettre en œuvre la médiation de projet, il est recommandé de s’adresser à un organisme spécialisé, comme le CMAP, Centre de Médiation et d’Arbitrage de Paris, crée à l’initiative de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris.

Les modalités de mise en œuvre pratique de la médiation de projet reposent sur six principes :

  • Des conditions d’intervention encadrées.
  • Un médiateur référent.
  • Un travail collaboratif s’intégrant dans la gouvernance et la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises).
  • Un suivi continu du projet par le médiateur.
  • Le respect de la déontologie et du secret des affaires.
  • Un coût maîtrisé, formalisé dans le contrat.

Un consensus sur les conditions d’intervention

Les conditions et modalités de réalisation de la médiation de projet sont nécessairement construites et validées par les parties et, à minima, par le client et son fournisseur principal.

Ainsi, la médiation de projet peut être :

  • Prévue dans le contrat entre les parties. Dans ce cas, une clause spécifique de médiation de projet peut être intégrée au contrat.
  • Décidée d’un commun accord par les parties au cours du projet et formalisée par une décision validée d’un comité de gouvernance du projet (comité stratégique, comité de pilotage…).
  • Mise en œuvre suite à une médiation entre les parties, afin de sécuriser la suite du projet ou de la relation contractuelle.

Le médiateur de projet peut être proposé par une institution reconnue (comme le CMAP) et doit être désigné par les parties au projet. Le médiateur est un professionnel, naturellement neutre, impartial, indépendant et diligent. Il dispose d’une connaissance et d’une expérience reconnues dans le domaine des projets et/ou des relations contractuelles dans le domaine du numérique. En fonction de la complexité du projet et des besoins des parties, le médiateur de projet peut, avec l’accord des parties, s’entourer d’un ou deux médiateurs disposant de compétences ou d’expériences complémentaires.

Privilégier le travail collaboratif et le suivi continu

La médiation de projet n’a pas vocation à alourdir les instances et les processus de fonctionnement du projet. Elle s’intègre donc dans l’organisation mise en place et repose sur une coopération volontaire établie avec les parties. Exception faite des éventuelles séances de médiation nécessaires à la résolution d’un conflit, le médiateur inscrit son intervention dans les instances du projet déjà existantes.

Afin de faciliter la prévention et le traitement rapide des conflits, il est nécessaire que le médiateur soit informé très régulièrement des actions et de l’avancement du projet. Disposant ainsi en permanence d’une information actualisée, il est en mesure d’intervenir très rapidement (pour qualifier un différend, proposer une démarche de résolution ou traiter un conflit). Sa présence à certaines réunions de gouvernance le rend visible et lui permet d’être connu des acteurs du projet, ce qui facilite toute intervention éventuelle.

Le médiateur de projet, s’il est agréé par un organisme reconnu, est naturellement engagé personnellement au respect du secret des affaires et à une charte déontologique garantissant notamment son indépendance, son impartialité et sa neutralité. Il inscrit son action dans la loyauté et le souci de garantir les intérêts de chacune des parties.

Cet article a été écrit par Etienne Iris, ingénieur-conseil en systèmes d’information et médiateur agréé CMAP, et Pascal de la Faye, consultant en gouvernance des systèmes d’information et médiateur agréé CMAP.


Les trois objectifs de la médiation de projet

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La démarche de médiation de projet

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Exemples de causes et de manifestations des litiges dans la gestion de projet
Causes de litiges Manifestations des litiges Exemples
Des difficultés techniques et des lacunes inavouées  Des lacunes ou des difficultés techniques apparaissent chez l’une des parties, mais ne sont pas révélées par crainte d’une exploitation ultérieure à des fins contentieuses ou de révélation de responsabilité de la partie en défaut • Une solution ne couvrant pas tous les besoins ou ne respectant pas les exigences techniques du client
• Un important turnover des équipes subi par le fournisseur
• Une équipe client non prête à valider les livrables aux échéances prévues
• Un chef de projet insuffisamment compétent ou expérimenté, nommé par défaut
• Un manque de compétences chez le client pour assurer la bonne intégration de la nouvelle solution
 Des incompréhensions non avouées pour ne pas paraître faible  • Des choix techniques du fournisseur incompris par le client, censé disposé de spécialistes du domaine
• Des processus « métiers » du client non maîtrisés par le fournisseur pourtant supposé les connaître
 Des enjeux non partagés sur le fond  Un différentiel d’enjeu entre le client et le fournisseur  • Un projet technique « simple », pour le fournisseur, mais crucial pour le client : montée de version d’un progiciel comprenant de nouvelles fonctionnalités impactant les processus opérationnels du client
• Un projet à fort impact social chez le client, non perçu par le fournisseur
• Une hiérarchie diversement impliquée chez le client et le fournisseur
 Un différentiel d’énergie affectée à la sortie de crise du projet  • Une réunion de crise dans laquelle les parties ne s’engagent pas avec le même niveau d’implication
• Un plan de sortie de crise dans lequel une des parties s’investit totalement, alors que l’autre le considère comme une simple formalité
  Des efforts et des concessions cachés  Dans les projets en difficulté, une ou plusieurs des parties consomment plus de charges que prévu initialement, mais n’obtiennent aucune reconnaissance du travail supplémentaire réalisé  • Une surcharge de spécifications due à des exigences très précises et non prévues formulées par des représentants du client au cours d’ateliers fonctionnels
• Un volume de tests de validation à réaliser par le client beaucoup plus élevé que ce qui était annoncé initialement, mais indispensables pour sécuriser le projet
 D’importantes concessions sont consenties sans aucune reconnaissance  • La poursuite des travaux du fournisseur, malgré le non-paiement de factures par le client
• La suspension d’un autre projet chez le client pour affecter toutes les ressources au projet en difficulté
  L’autocensure  Les parties s’interdisent d’évoquer toute modification apparaissant, pourtant indispensable au cours du projet, du fait d’un cadre contractuel trop rigide • Une modification du besoin du client imposée par une nouvelle réglementation non prévue lors de la signature du contrat
• Le changement de progiciel supportant la solution proposée par le fournisseur, suite à un changement de politique mondiale de l’éditeur
 Les parties se sentent enfermées par les engagements qu’elles ont pris et qui peuvent ne plus se justifier • Une date de mise en recette de la solution par le fournisseur acceptée, mais devenue impossible à tenir du fait du retard pris dans la phase de conception de la solution
• Des délais de validation des livrables acceptés, mais devenus irréalistes chez le client, du fait d’une nouvelle organisation
 Des déficiences de considération  Un manque de considération mutuelle  • Un client se jugeant non écouté par son fournisseur
• Un client semblant mésestimer l’intégrateur et s’immisçant dans ses choix, ses décisions et son fonctionnement
• Un fournisseur semblant mépriser les faibles connaissances techniques de son client