Comment la fonction finance s’adapte à la crise

Dans un contexte de crise, marqué par une succession de chocs (inflation, guerre, récession, hausse des taux d’intérêt et des matières premières…), les entreprises doivent, plus que jamais, faire preuve de résilience. Les DAF sont en première ligne, même s’ils ne sont pas les seuls (il y a aussi les DSI, les directions des achats, les DRH…).

« L’enjeu est de vite rebondir, de parvenir à s’adapter avec une prise de décision rapide et une planification accélérée », résume Samuel Rouayrenc, vice-président de BlackLine France. L’éditeur de logiciels a publié une étude qui dresse l’état des lieux du moral des DAF français et de leurs intentions.

La qualité des données : un léger mieux

Cette quatrième édition marque un regain de confiance des professionnels de la finance et des cadres dirigeants envers la fiabilité de leurs données financières.  En effet, en 2020, après la première phase de la crise et les restrictions sanitaires engendrées par celle-ci, les dirigeants sondés étaient 47 % à déclarer avoir totalement confiance envers les chiffres de leur entreprise. Une baisse sans précédent puisque leur niveau de confiance s’établissait en 2018, avant la crise, à 75 %. Deux ans plus tard, un regain s’opère puisque 53 % d’entre eux estiment que leurs données sont totalement fiables et 47 % qu’elles sont relativement fiables.

« Ce renforcement de la confiance coïncide avec l’utilisation accrue, par les entreprises, de logiciels d’automatisation des processus et contrôles financiers, souligne l’étude. Ainsi, plus de la moitié des directeurs financiers et des professionnels de la finance (56 %) ont indiqué avoir investi ou investir avant la fin de l’année dans les capacités d’analyse des données de leur entreprise. Pour Maryse Leculier, associée chez EY France, « les DAF ont besoin d’informations pertinences, ciblées, intégrées, en temps réel pour prendre des décisions, et pas seulement de nature financière. »

Ces résultats laissent entendre que les entreprises ayant fait part de leurs projets d’implémentation en 2020 sont passées à l’action, même si. « plus on descend dans les tailles d’entreprises, moins il y a de digitalisation », constate Damien Charrier, vice-président de l’IFEC (Institut français des experts-comptables et des Commissaires aux comptes).

Parallèlement, l’étude révèle également que 40 % des répondants ont amélioré la planification financière, 35 % le reporting financier et 38 % la comptabilité et la clôture financière par le biais de l’automatisation, soit près de deux fois plus que ceux qui avaient déclaré qu’il s’agissait d’une priorité deux ans auparavant. « Les clôtures comptables manuelles ne sont pas viables, il y a toujours une accumulation de fichiers Excel dans un contexte où les réglementations prolifèrent », rappelle Samuel Rouayrenc.

Mais les doutes subsistent sur la qualité des données

Cependant, malgré une confiance accrue à l’égard de l’exactitude des données financières par rapport aux années précédentes, des doutes subsistent quant au respect des bons processus par les salariés en télétravail (28 %), à la prise en compte d’importants volumes de données (28 %) ou à l’absence d’une vision claire des équipes face à feuilles de calcul et des processus obsolètes (19 %).

« L’instabilité s’est accrue sur les marchés et dans le monde ces derniers mois. Pour de nombreuses entreprises, cette situation ajoute une couche d’incertitude supplémentaire à un environnement commercial international déjà imprévisible et marqué par les difficultés », estime Samuel Rouayrenc. « Les dirigeants du monde entier vont analyser avec soin la capacité de leur entreprise à réagir et à rester compétitive, agile et résiliente au cours des mois à venir. Nul doute que celles qui ont recours à des données solides et exhaustives pour prendre rapidement des décisions éclairées seront mieux à même de s’adapter. Dans cet environnement, il est donc positif de constater que la confiance envers les données financières remonte dans les entreprises. »

Des restrictions budgétaires en vue sur fond de récession

Plutôt pessimistes quant à la situation économique, les entreprises sont plus de la moitié (53 %) à craindre une entrée dans une récession mondiale d’en moins d’un an. Un contexte qui les invite à privilégier la prudence et à réduire drastiquement leurs budgets, 61 % d’entre elles craignant que des financements soient plus onéreux et difficiles à obtenir d’ici 2024.

Alors que 37 % des directions financières prévoient de réduire les budgets de leur département, elles sont néanmoins 25 % à placer l’attraction et la fidélisation des talents dans leurs priorités pour l’année à venir. En effet, face à une conjoncture changeante, à l’inflation, aux tensions sur les chaînes d’approvisionnement ou encore au blocage de flux financiers, les entreprises ont besoin de profils de haut niveau, mais beaucoup peinent aujourd’hui à recruter et fidéliser les bons talents. Ce qui n’est pas spécifique aux directions financières. Dès lors, comment comptent-elles résoudre cette équation ?

La transformation digitale, une voie incontournable

Une des réponses apportées par l’étude réside dans la transformation numérique des entreprises. En effet, ces dernières peinent à fidéliser des collaborateurs aux prises avec des tâches chronophages et parfois sources d’erreur. Une des problématiques les plus critiques de la fonction finance concerne d’ailleurs les erreurs de saisies manuelles lors des processus de clôture de fin de mois selon 35% des entreprises.

 « En investissant davantage dans des initiatives de transformation numérique, les fonctions finance pourraient se concentrer sur des missions à plus forte valeur ajoutée et trouver plus d’intérêt à leur travail. Cette confiance dans la façon dont le numérique peut remodeler le rapport au travail entraîne chez les directions financières une appétence grandissante pour la technologie », souligne Samuel Rouayrenc.

Un quart des entreprises privilégieraient les nouvelles technologies qui garantiraient un retour sur investissement rapide. Un investissement qui pourrait être une des clés pour résoudre la pénurie de talents, sur laquelle les directions financières sont plutôt optimistes. La moitié d’entre elles estime ainsi que cette pénurie pourrait se résorber d’ici moins d’un an. « Les DAF sont confrontés à une inadéquation e l’offre et de la demande dans le domaine des compétences, parce les tâches financières se complexifient, ce qui nécessite des profils différents », observe Maryse Leculier.

Selon les résultats de l’étude, les trois principaux défis que les DAF devront adresser en 2023 sont : la baisse des budgets (37 %), l’inflation de la réglementation (25%) ainsi que l’injonction de renouveler les talents (28 %) et d’acquérir les compétences nécessaires à la modernisation des fonctions finance (25 %).

En conséquence, pour maintenir le cap dans ce contexte très incertain, les prérogatives des départements finance se recentrent sur : une visibilité précise sur les performances financières de l’entreprise (71 %), une capacité à analyser les données financières en temps réel (67 %), une visibilité précise sur les performances financières de l’entreprise (66 %) et sur les transactions intercos (62 %).

Pour Maryse Leculier, les priorités des DAF portent que le reporting extra-financier, le pilotage de la performance par les données, la guerre des talents et la gestion des risques.

De quoi renforcer le pouvoir des DAF : « Les DAF et les experts-comptables sont proches du pouvoir, ils ont de l’influence », assure Damien Charrier. Un constat partagé par Maryse Leculier, pour qui « la finance est l’une des rares fonctions à avoir une vision transverse dans les entreprises. »