Comment les métiers se débarrassent des DSI

Quelquefois, les métiers ou les directions générales éprouvent le besoin, voire meurent d’envie, de se débarrasser de leurs DSI, qui ne se laissent pas faire. Chacun avance ses arguments qu’il estime légitimes. On pourrait penser qu’il est facile de se débarrasser de son DSI. En effet, rien n’empêche un directeur général de s’en séparer dans des délais plus ou moins brefs.

Beaucoup de DSI en ont déjà fait l’expérience. Mais c’est souvent relativement plus difficile que prévu. Les métiers et les directions générales accusent les DSI de recourir à plusieurs stratégies, considérées comme contre-productives. Évidemment, les DSI s’en défendent et doivent anticiper ce que l’on peut leur reprocher avant qu’il ne soit trop tard…

1. La stratégie de la grosse tête

Même s’il n’a pas sa place au comité de direction, pour différentes raisons, bonnes ou mauvaises, le DSI qui s’incruste reviendra régulièrement à la charge pour en faire partie ou pour être rattaché directement à la direction générale. Les meilleures explications n’y pourront rien, même le fait qu’il ne s’y passe pas grand-chose, que le comité de direction s’apparente plus à une chambre d’enregistrement qu’à une instance de décision, qu’il est plus efficace, pour le DSI, d’y intervenir de façon ponctuelle sur les sujets les plus importants ou que c’est une perte de temps pour ceux qui sont contraints d’y assister.

La justification pour le DSI : l’importance du système d’information pour l’organisation et les enjeux en matière de transformation numérique justifient qu’il soit associé étroitement à la stratégie définie par le comité de direction.
La conséquence pour les métiers : une incompréhension face à ce qui est considéré comme une fonction essentiellement technique, a priori moins importante que la finance, les ressources humaines, le juridique, la communication ou le marketing…
Trois idées pour s’en sortir :

  • Demander au DSI un argumentaire précis justifiant sa position.
  • Inviter le DSI de manière ponctuelle au comité de direction.
  • Persuader le DSI qu’il est préférable de reporter à un DAF compréhensif qu’à un DG plus éloigné des problématiques de système d’information.

2. La stratégie du glouton

Le DSI, on peut le comprendre, réclame toujours des budgets supplémentaires pour mener à bien de plus en plus de projets… ou pas ! Car une fois que la tendance à la baisse est enclenchée, il est difficile de revenir en arrière après qu’il soit démontré que la DSI peut faire « autant, voire plus, avec moins. »

La justification pour le DSI : les nombreux projets et initiatives des métiers justifient que les budgets soient adaptés aux enjeux et à la difficulté, surtout pour adresser des usages numériques en constante évolution.
La conséquence pour les métiers : un manque de transparence sur les coûts et le retour sur investissement.
Trois idées pour s’en sortir :

  • Imposer que chaque projet fasse l’objet d’un business case précis.
  • Ne pas lier le montant du budget IT à une évolution globale.
  • Associer toute augmentation du budget à une optimisation des dépenses existantes, il y a toujours des gisements d’économies.

3. La stratégie du déni

Dans ce cas, le DSI refuse de collaborer avec un Chief Digital Officer, ou tous ceux qui auraient des velléités de préempter le terrain technologique pour y détecter des gisements d’usages numériques et s’en approprier la gestion. Le DSI estime ainsi qu’il est le seul compétent sur les problématiques numériques.

La justification pour le DSI : les enjeux de la transformation numérique sont difficilement conciliables avec un transfert significatif de compétences à une fonction de type Chief Digital Officer.
La conséquence pour les métiers : un retard dans la mise en œuvre des projets et une perception d’incohérence dans la stratégie et son exécution.
Trois idées pour s’en sortir :

  • Reconnaître le rôle incontournable du DSI dans la transformation numérique, même si ce n’est pas tout à fait vrai selon le contexte.
  • Identifier les causes de mésentente entre le DSI et le CDO, il s’agit peut-être de problèmes relationnels ou d’une erreur de recrutement du CDO.
  • Confier l’entière responsabilité de missions stratégiques au DSI dans le domaine de la transformation numérique.

4. La stratégie du vide ou du trop-plein

À la différence de l’approche précédente, le DSI n’a aucune idée sur la transformation numérique de son entreprise. Il s’en désintéresse, préférant les problématiques « en dur », telles que les datacenters, la virtualisation des serveurs ou les technologies réseaux… On trouve également des DSI qui privilégient la stratégie du trop-plein, avec un foisonnement d’idées, de concepts, d’initiatives et de retours d’expériences de ses pairs. Ce qui peut irriter les métiers qui, eux aussi, ont des idées…

La justification pour le DSI : n’avoir aucune idée sur la transformation numérique n’est pas une tare si les métiers et la direction générale n’ont aucune vision ni stratégie pour la mettre en œuvre. Quant à foisonner d’idées, c’est le signe d’un intérêt pour le sujet et d’une proactivité pour susciter des réflexions.
La conséquence pour les métiers : dans les deux cas, l’effet est négatif sur les métiers et la direction générale qui considéreront, dans le premier cas, le DSI comme un incompétent retardataire, dans le second, comme un DSI qui ne sait pas où il veut aller.
Trois idées pour s’en sortir :

  • Identifier les causes du désintérêt du DSI pour les problématiques numériques et éventuellement, changer de DSI…
  • Recadrer le DSI dont les idées foisonnent, afin qu’il les transforme en stratégie cohérente, argumentée et financée, à présenter au comité de direction.
  • Confier au DSI des projets stratégiques de transformation.

5. La stratégie de l’addiction

Le DSI crée de la dépendance technologique, de manière à verrouiller son rôle vis-à-vis des métiers. Cette approche est relativement aisée à mettre en œuvre compte tenu du plus faible niveau de maturité et de connaissance des métiers dans ce domaine.

La justification pour le DSI : la dépendance est surtout créée par les fournisseurs, le DSI ne fait qu’en subir les conséquences.
La conséquence pour les métiers : un manque d’agilité du système d’information et d’alignement avec la stratégie numérique.
Trois idées pour s’en sortir :

  • Analyser le niveau de dépendance technologique.
  • Calculer la dette technique.
  • Analyser le niveau de dépendance à l’égard des fournisseurs stratégiques.

6. La stratégie TMR (Take money and run)

Cette stratégie va consister, pour le DSI, à recruter de nombreux consultants pour réaliser un maximum de tâches et à en déléguer la gestion à ses équipes. Il optimise ainsi son ratio salaire/intensité de l’effort. L’idéal étant, bien sûr, de recruter des prestataires provenant d’une société dont il est actionnaire…

La justification pour le DSI : le rôle du DSI est de se consacrer de moins en moins aux tâches opérationnelles pour, au contraire, développer sa posture de leadership et sa proximité avec les métiers. Un contexte de gel des effectifs impose de recourir à la sous-traitance pour mener des projets de plus en plus nombreux.
La conséquence pour les métiers : une désillusion quant aux compétences et aux capacités de la DSI à mener à bien leurs projets.
Trois idées pour s’en sortir :

  • Vérifier les conséquences de cette stratégie sur la gestion opérationnelle du SI et, éventuellement, « recadrer » les missions du DSI.
  • Analyser les coûts de sous-traitance et chercher des voies d’optimisation.
  • Mettre en exergue les risques d’une sous-traitance trop importante (perte de compétences, surcoûts, complexité, temps passé à manager des équipes de prestataires…).

7. La stratégie de l’enfumage

Le DSI qui privilégie cette approche est, avant tout et par opposition à un DSI « opérationnel », un DSI « politique », probablement autant que ses collègues des métiers ou de la direction générale, souvent davantage rompus à cette posture. On est en effet plus habitué à ce que les considérations politiques concernent davantage les métiers, moins opérationnels que la direction de systèmes d’information. Mais on en trouve de plus en plus, soit par nécessité, pour éviter de se faire marginaliser, soit par opportunité, pour garantir une carrière sans trop de heurts.

La justification pour le DSI : sa place ne sera reconnue que si les autres managers et la direction générale le considèrent comme faisant partie du même monde. Lorsque la stratégie supplante la technologie, il est logique qu’une partie des missions du DSI relève de la diplomatie et de la politique, surtout dans un contexte de transformation numérique.
La conséquence pour les métiers : des doutes sur les capacités d’exécution de la DSI pour mener à bien des projets complexes, sa vision stratégique, la solidité de la gouvernance IT et les réelles compétences du DSI.
Trois idées pour s’en sortir :

  • Questionner régulièrement le DSI sur ses succès dans le management du système d’information.
  • Éviter que ne se crée un climat malsain dans les relations interpersonnelles.
  • Questionner régulièrement le DSI sur sa vision stratégique, l’évolution des usages, les tendances technologiques, pour s’assurer qu’il est toujours « dans le coup ».

8. La stratégie du paranoïaque

Le DSI est obnubilé par la sécurité et les risques que les métiers et les utilisateurs font courir au système d’information. D’où une politique très restrictive qui peut irriter les utilisateurs. Surtout s’ils font l’objet de multiples rappels à l’ordre.
La justification pour le DSI : la multiplication des attaques et la diversité des risques imposent que la cybersécurité soit en tête des priorités des entreprises, avec, en interne, des politiques de sécurité qui prennent en compte le maximum de menaces.
La conséquence pour les métiers : des contraintes jugées trop importantes par les utilisateurs, si la politique de sécurité est trop restrictive, même si la situation l’exige.
Trois idées pour s’en sortir :

  • Sensibiliser les utilisateurs à la sécurité pour montrer au DSI que les risques sont maîtrisés.
  • Inciter le DSI et le RSSI à communiquer sur les risques et à justifier les contraintes imposées aux utilisateurs.
  • Inciter le DSI à réaliser un bilan régulier de l’utilité et de l’efficacité des mesures de sécurité.

9. La stratégie du contrôle

Le DSI, dans sa volonté de maîtriser toutes les composantes du système d’information, peut souhaiter gérer tous les projets de bout en bout, sans rien, ou presque, déléguer aux métiers. Parce qu’il ne leur fait pas confiance pour savoir ce qui est pertinent ou non, parce qu’il estime que les choix technologiques et fonctionnels relèvent de l’expertise de la DSI, parce que lorsque les métiers investissent directement c’est très difficile d’intégrer les données ou parce que les métiers n’ont pas, ou peu, d’idées de ce qui est bon pour eux…

La justification pour le DSI : laisser échapper une partie du budget IT vers les métiers, tentés d’investir directement, est rarement une bonne approche, essentiellement pour une question de cohérence du système d’information et de management des données.
La conséquence pour les métiers : des frustrations de ne pouvoir conduire une stratégie numérique de façon relativement autonome, en dehors des processus de la DSI.
Trois idées pour s’en sortir :

  • Challenger le DSI sur sa capacité à s’aligner sur le Time to Market.
  • Associer le DSI très en amont dans le cas d’investissements directs des métiers.
  • Formaliser une politique concernant le Shadow IT, avec des principes clairs et partagés.

10. La stratégie du développement personnel

Le DSI va organiser son emploi du temps en privilégiant les rendez-vous externes, en mêlant des formats courts (petits déjeuners ou dîners organisés par les fournisseurs), des formats plus longs, tels que les voyages payés par les éditeurs ou les multiples conventions organisées par ces mêmes éditeurs. Tous proposent au moins une fois par an ces formats, sur un ou plusieurs jours.

La justification pour le DSI : il est important de cultiver son réseau, dans le cadre d’une approche collaborative. Sortir de la DSI est le meilleur moyen de recueillir des idées, des retours d’expériences et de s’intégrer dans un écosystème pour faire de la veille.
La conséquence pour les métiers : un manque de disponibilité du DSI, donc de proximité business.
Trois idées pour s’en sortir :

  • Inciter le DSI, puisqu’il prétend consacrer du temps à faire de la veille, à intervenir sur les tendances IT et numériques auprès des métiers, voire du comité de direction.
  • Challenger le DSI sur sa capacité à manager le système d’information au quotidien.
  • Vérifier que le DSI n’est pas exagérément influencé par les fournisseurs dans ses choix technologiques ou de prestataires de services.