Comment naviguer dans l’océan des solutions logicielles

Ce guide des solutions logicielles d’entreprise fournit les clés pour optimiser la sélection d’un produit et d’un éditeur. Il regroupe des analyses stratégiques, des bonnes pratiques, des recommandations et des fiches de synthèse sur les principaux éditeurs sur le marché français.

La mise en œuvre de solutions logicielles est encore perçue comme lourde et génératrice de contraintes, notamment pour les petites et moyennes entreprises, dont les dirigeants et les DSI éprouvent des difficultés à se retrouver dans le maquis des solutions et les discours marketing des fournisseurs. L’auteur, consultante et fondatrice du cabinet de conseil Semsimo, propose un guide pratique qui a trois objectifs : d’abord, « poser un cadre à la description des besoins et aux critères de choix, décrypter les modèles et les typologies de solutions, afin de guider les questionnements nécessaires aux arbitrages, et illustrer avec quelques solutions du marché. »

Ce guide aborde toutes les problématiques liées aux logiciels. On y trouve ainsi des développements sur les fondamentaux des solutions logicielles, les contrats, la maintenance, les principaux scénarios d’usage, sans oublier les mode SaaS et le descriptif des principales solutions logicielles (Sage, Microsoft, Cegid, SAP, Oracle, Uniot4, Google, Tableau Software, Microstrategy, SAP, IBM Salesforce, etc).

L’auteur propose plusieurs axes pour évaluer les solutions logicielles :

  • La couverture fonctionnelle : la solution doit répondre aux besoins immédiats, mais également à moyen terme. « Moins le besoin est prioritaire, plus une réponse à venir dans les solutions futures peut être acceptée, sous réserve d’avoir une vision claire des échéances et de la capacité du fournisseur à les tenir », souligne l’auteur. Dans le cas de fonctionnalités relativement standards, l’analyse des écarts se résume souvent à une check-list, ce que proposent la plupart des éditeurs dans leurs forfaits de démarrage. Avec un point d’attention : « Toute incompréhension sur les fonctions attendues et leur taux de couverture par une solution peut conduire par la suite à plus de besoins en formation et en support, voire nécessiter l’acquisition de solutions additionnelles pour la couverture prévue au départ », avertit l’auteur.
  • L’analyse financière : « Il ne faut jamais considérer un coût dans l’absolu mais il faut le ramener autant que possible à ce qu’il rapporte en matière de bénéfices », considère l’auteur, pour qui il est nécessaire d’intégrer aux prix, des licences ou des abonnements par utilisateur, ceux liés à la mise en place, à la maintenance, au support, à la formation et, éventuellement, les coûts d’intégration à un système existant. Sans oublier le coût du changement organisationnel, très sous-estimé dans la plupart des projets d’implémentation de solutions logicielles. Pour l’auteur, « ce n’est pas la technologie utilisée qui définira l’innovation et la performance de l’innovation au sein de l’organisation. Ce sont les efforts consacrés d’abord à comprendre en quoi cette technologie mérite d’être utilisée, quels changements organisationnels elle induit pour en tirer effectivement profit, puis à se mettre en mouvement pour opérer le changement. »
  • L’architecture : ce critère permet de valider qu’une solution logicielle a la capacité à s’intégrer dans une architecture globale, autrement dit à interopérer avec d’autres types de solutions, en toute sécurité. « La question de l’architecture de leur système d’information peut sembler anecdotique dans un premier temps pour des entreprises utilisant peu de solutions logicielles. Mais, au fur et à mesure de leur croissance et des nécessités d’échanges qu’elles rencontreront avec d’autres acteurs, se poseront inéluctablement deux problématiques clés : l’interopérabilité applicative et la sécurité globale », résume l’auteur, qui plaide pour « la construction d’une architecture raisonnée du système d’information, robuste, durable et évolutive. » Côté sécurité, l’architecture ne doit pas se limiter à sécuriser les réseaux et les systèmes d’exploitation, mais considérer également toutes les portes d’entrée, y compris avec des tiers.
  • La pérennité et l’écosystème : dans la mesure où la durée de vie moyenne d’une solution logicielle dans une entreprise est d’environ cinq ans, le risque, en faisant appel à un fournisseur fragile, est de ne pas bénéficier du support et de la maintenance. Avec, comme conséquence, la nécessité de changer de logiciel et de recommencer le processus d’appropriation par les utilisateurs, ainsi que leur formation. L’auteur conseille ainsi de vérifier la bonne santé financière de l’éditeur d’une solution et son potentiel de développement, sa position sur le marché par rapport à ses concurrents, ses perspectives de croissance, ainsi que les retours d’expérience des clients et les avis des analystes (lorsqu’ils ne sont pas biaisés). Il ne s’agit pas de seulement considérer l’écosystème de l’éditeur, en terme d’étendue des fonctionnalités, mais également l’écosystème d’expertises, autour des consultants, des intégrateurs ou des ESN. « Ce sont tous ceux qui peuvent intervenir en complément de l’éditeur pour toutes les phases du cycle de vie de la solution applicative : de la phase initiale consistant à comprendre les bénéfices potentiels à tirer de son usage dans le cadre spécifique de l’entreprise, aux phases d’installation, de configuration, de déploiement, de maintenance et de support », précise l’auteur. C’est d’autant plus important que « l’importance de l’écosystème d’expertises autour d’une solution est un indicateur de sa pérennité, voire de son adaptation aux problématiques des PME. »
  • Les usages : une solution logicielle doit évidemment être aisée à utiliser et facile à comprendre, afin d’en favoriser l’adoption et l’appropriation par les utilisateurs, y compris en situation de mobilité. Pour Sabine Bohnké, « force est de constater que ces principes d’ergonomie adaptés à l’usage d’un logiciel n’ont pas toujours été respectés dans beaucoup de versions de solutions logicielles », même si les nouveaux entrants et les éditeurs de solutions commercialisées en mode SaaS ont mieux compris les enjeux de l’expérience client et utilisateur. « La meilleure façon de tester une solution reste d’en organiser une démonstration avec des utilisateurs clés, qui seront bien au fait des processus qu’on veut voir supportés par la solution. »
  • Les retours d’expérience : les références clients restent un élément incontournable pour évaluer de manière optimale une solution logicielle. Outre la communication des éditeurs avec leurs clients, il existe de plus en plus de benchmarks et de sources tierces, à commencer par les clubs utilisateurs.
  • Le support : c’est la réactivité de l’éditeur qui est déterminante, à travers les retours des clients existants. En vérifiant l’implantation, car il est souvent difficile d’accéder à un support en anglais ou exclusivement par e-mail, à l’autre bout du monde, notamment pour les PME.

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Le guide des solutions logicielles d’entreprise pour réussir la transformation numérique des PME et des ETI, par Sabine Bohnké, Editions du Mange-Tonnerre, 2019, 391 pages.


Lutter contre la stupidité fonctionnelle

La mode est au collaboratif et au « travailler ensemble ». Mais, dans les faits, tout ne se passe pas comme prévu. Tout dépend des logiques de gouvernance à l’œuvre, des modèles organisationnels et de la manière dont se prennent les décisions. L’auteur rappelle que le virus TFW est toujours très présent dans les entreprises. TFW pour : Taylorisme – Fayolisme – Weberisme. Ce principe est dérivé de ceux de trois auteurs (l’ingénieur américain Frederick Taylor, l’ingénieur des mines français Henri Fayol et l’économiste-sociologue allemand Max Weber), qui survivent dans les organisations : la division maximale du travail (prônée par Taylor), la dichotomie entre décision, conception et réalisation d’une activité (décrite par Fayol) et la dépersonnalisation (étudiée par Weber). Pour Sabine Bohnké, ces règles ne contribuent plus à la « performance globale durable, en raison des évolutions des comportements, des compétences, de l’environnement social et politique, national et international, et conduisent à des carences de coopération menant à la destruction de valeur ajoutée. »

Pire, elles favorisent la diffusion de la « stupidité fonctionnelle ». Cela se traduit par le fait que des individus intelligents (souvent des Knowledge Workers) agissent de façon stupide, en évitant de penser à ce qu’ils font, pourquoi ils le font et quelles sont les conséquences potentielles. Ils peuvent même être récompensés pour agir de la sorte. Ensuite, se pose la question du sens : « comme les individus ne comprennent plus le sens de ce qu’ils font, ils peuvent contribuer à de très grosses bêtises en optimisant des processus qui n’ont pas lieu de l’être », observe l’auteur.

Ainsi, des managers très diplômés se retrouvent à accomplir des tâches basiques avec peu d’autonomie : « Ils sont totalement démotivés, frustrés et, au final, totalement inefficaces », rappelle l’auteur. Hélas, quelle que soit la qualité des solutions logicielles, le talent des consultants en gestion du changement et la bonne volonté des directions générales, les entreprises se heurtent à cette stupidité organisationnelle et fonctionnelle.