Vigie de l’entreprise, le DSI devra externaliser à bon escient, mais garder aussi en interne tout ce qui touche au savoir-faire, au cœur de métier, à la compétitivité et à la capacité de différenciation de l’entreprise. Une approche qui passe par la réduction du nombre de prestataires.
La crise économique que nous vivons actuellement va évidemment avoir des répercussions sur les DSI qui vont être priées de se mettre à la diète. Tout cela n’a rien de bien nouveau et les directeurs des systèmes d’information devraient être habitués.
Mais, comme il est certain qu’un effort en ce sens va être demandé, il est judicieux d’anticiper cette demande en proposant une politique quelque peu audacieuse. Une telle approche, non seulement répondra aux besoins de l’entreprise, mais permettra à la DSI de se présenter en force de proposition tout en procédant à des réorganisations et en modifiant des habitudes.
Celles-ci permettront, en posant des questions de fond et en répondant parfaitement à l’urgence du moment de réduire les coûts, de se positionner différemment, dans un rôle nouveau, celui de moteur du changement et de fer de lance de l’innovation pour permettre la sortie de crise. La crise doit donc être vécue comme une opportunité et non comme une calamité !
Si les budgets doivent être rognés, cela ne signifie aucunement que le niveau de prestation de la DSI doive baisser. En période de crise, il est indispensable, au contraire, d’assurer un service d’un niveau de qualité au moins égal à celui auquel les utilisateurs ont été habitués.
Réduire les budgets est une opération délicate qui ne doit pas conduire à casser ce qui marche bien ! Tous les projets ne seront pas non plus arrêtés. Certes, il y aura des priorités différentes. Certes, tout ce qui était prévu ne se fera pas, mais il faudra aussi, sans doute, lancer des projets spécifiques à cette période de crise.
Il faut avant tout envisager d’agir différemment pour faire plus avec moins, pour réussir là où on ne réussissait pas.
Auditer tous les postes budgétaires
Une démarche de réduction des coûts suppose que l’on passe au peigne fin l’ensemble des postes du budget. La sous-traitance en est un très important, mais elle est installée de manière structurelle dans toutes les DSI. Il ne peut être question de la supprimer d’un trait de plume alors que des pans entiers de l’activité d’une DSI ont été externalisés.
Il n’est d’ailleurs pas évident du tout qu’une contraction des budgets informatiques passe forcément par une réduction globale de la sous-traitance. En revanche, la part très importante des prestations extérieures dans ce budget de sous-traitance désigne ce poste comme étant l’un de ceux sur lesquels il faut porter un effort particulier.
D’une part, parce que c’est un poste éminemment variable avec un engagement contractuel qui ne dépasse généralement pas le trimestre. D’autre part, parce que les prestataires sont visibles et connus et que c’est un sujet très sensible pour une direction générale.
Le DSI pourrait évidemment, en bon soldat, proposer d’arrêter toutes prestations de personnel, ce qui semble a priori relativement facile. Mais cela supposerait de suspendre nombre de projets.
Cette approche nécessite au moins l’accord des sponsors, et cela peut avoir aussi pour conséquence de perturber, voire d’arrêter, des opérations courantes et récurrentes, tant l’emprise des prestataires est forte dans certaines DSI. Le sujet est aussi éminemment politique car on n’est pas parvenu, dans ces DSI, à des taux de prestations dépassant les 50 % sans que cela soit la manifestation d’une politique délibérée de gestion des ressources humaines.
Dans une DSI, il existe toujours des bonnes raisons qui font choisir du personnel sous forme de prestations externes plutôt que d’embaucher. De même que les direction des ressources humaines ont, elles aussi, de bonnes raisons de ne pas embaucher les prestataires (voir tableau page 9).
De fait, les DSI se trouvent placés dans une situation périlleuse car il est bien évident que la législation n’est souvent pas respectée. Un prestataire doit être employé pour une tâche bien précise, encadré par la SSII qui l’emploie. A bien regarder, la réalité est très différente dans nombre de DSI et, dans une complicité générale, on mélange allègrement les notions de prestataire, d’intérimaire, de CDD et de CDI.
Les missions, si elles ont été définies un jour, ne le sont plus et le prestataire occupe très fréquemment un poste qui pourrait parfaitement relever d’un CDI.
Le délit de marchandage n’est pas loin, alors que la jurisprudence en la matière est bien établie et connue. La première chose à faire est donc de se replacer le plus vite possible dans le cadre légal, ce qui est inattaquable sur le plan politique, et de plus, rentable sur le plan économique, puisqu’un intérimaire, un CDD ou un CDI reviennent moins cher qu’un prestataire !
Une expérience de plus de dix ans comme manager de crise m’a montré que les équipes en place, bien managées et motivées, peuvent faire des merveilles et révéler des capacités insoupçonnées leur permettant de sortir de situations jugées perdues par elles-mêmes peu de temps auparavant.
Mettre à niveau, motiver et responsabiliser les équipes internes
En s’appuyant sur ses équipes, le DSI reprend la main sur des projets qui souvent lui échappent. Cela ne veut pas dire qu’il faille éliminer tous les prestataires, cela veut dire qu’il faut se poser la question pour chacun d’entre eux et revoir sa mission et sa qualification. Il faut oser donner le pouvoir aux équipes internes.
Une telle démarche est difficile et souvent mal reçue. Elle remet en effet en question un écosystème, un équilibre des pouvoirs et des situations acquises sur lesquels beaucoup s’arc-boutent.
Avant même d’avoir fait un plan exhaustif des actions à mener, on peut commencer à s’attaquer aux cas les plus évidents de prestataires qui sont là depuis des années dans des postes fixes. Les évincer peut prendre des mois car ils ont tout fait pour être inamovibles et l’on se heurte alors à une résistance du personnel, de la structure, du prestataire et de sa SSII.
Cela peut paraître un peu incohérent avec la volonté d’avoir des résultats rapides, cela ne l’est pas. En effet, cette petite révolution ne peut se faire que si, à partir d’une situation dont l’illégalité est éclatante, il y a, vis-à-vis des équipes, des signes forts et incontestables d’une volonté de changement.
Il est bien évident que l’embauche de ces prestataires doit faire partie des options possibles, mais il n’est pas rare que les contrats prévoient une indemnité d’un an de salaire en cas de débauchage dans les douze mois qui suivent leur démission de la SSII et que cette dernière attaque le collaborateur qui veut démissionner pour entrer chez son client, lui ayant fait signer une clause de non-concurrence.
Une petite SSII qui paraissait « sympa » peut se révéler procédurière et particulièrement retorse, aussi bien avec son client qu’avec le personnel qu’elle a placé chez lui. Le cas n’est tout de même pas général et l’on trouve des SSII qui acceptent ces embauches, si elles sont correctement rémunérées et que cette pratique leur permet de placer du personnel pendant plusieurs mois.
Il faut ensuite éliminer systématiquement les prestataires qui n’ont plus de valeur ajoutée évidente. C’est très souvent le cas pour des prestataires qui sont là depuis longtemps et n’ont, naturellement, bénéficié d’aucun programme de formation. La valeur ajoutée qu’ils pouvaient avoir il y a quelques années s’est progressivement dissoute dans le train-train quotidien.
Ils ont toutes les caractéristiques du personnel en poste, sauf que, ne faisant pas partie de l’entreprise, ils sont ingérables. J’en ai vu ainsi faire cause commune avec un front du refus pour la mise en place de procédures administratives telles que des relevés de temps ! Il est fréquent que le personnel de la SSII ne connaisse plus son véritable employeur.
Quant à la SSII, elle ne fait pas le travail pour lequel elle est payée, à savoir encadrer le personnel placé en régie. Cette remise à plat sera l’occasion de revoir l’organisation en donnant, autant que possible, la responsabilité des projets et la responsabilité hiérarchique des équipes au personnel de l’entreprise.
Cela passe donc par un examen minutieux des compétences internes pour détecter qui sera capable d’encadrer du personnel. Très souvent, trop souvent, on s’est contenté de laisser les techniciens dans leur technique en décrétant, un peu a priori, qu’ils étaient incapables de manager du personnel.
Or, assurer l’encadrement d’une petite équipe n’est pas si compliqué et peut souvent être fait par des anciens reconnus pour leur compétence, mais à qui on n’a jamais donné la possibilité d’évoluer. Cela peut aussi être réalisé par des jeunes. Des formations au management et au coaching existent.
Ce n’est qu’en cas d’extrême pauvreté en matière d’encadrement qu’il faut bien se résoudre à recourir aux services d’un prestataire extérieur, mais ce dernier ne doit en aucun cas assurer une responsabilité hiérarchique.
Pour réduire les charges d’encadrement, on peut augmenter la taille des équipes, concentrer les troupes pour éviter la dispersion, mutualiser des services.
Pour réduire les coûts, outre les embauches, il est possible d’envisager de remplacer des prestataires, notamment pour les opérations récurrentes, (maintenance, production, help-desk, etc.) par des intérimaires. Pour certaines qualifications, on trouve les mêmes dans les agences d’intérim que dans les SSII, mais à des tarifs inférieurs.
L’apport de sang neuf permet de faire évoluer rapidement un état d’esprit qui a pu devenir critique ou défaitiste au vu des mesures prises. L’embauche de « digital natives » avec une bonne formation et quelques années d’expérience, aux côtés de débutants, apportera un renfort appréciable aux anciens.
De toute façon, comme ce sont les jeunes qui feront évoluer les DSI, et que tout le monde le sait bien, c’est un signe d’espoir que d’en embaucher quelques-uns.
Cette politique de reprise en main de la situation permettra, entre autres, de mettre en place l’organisation et les compétences nécessaires pour garder le contrôle de la complexité des systèmes d’information (ce qui supposera, à l’évidence, d’étendre le champ d’action de la DSI à des domaines autres que techniques, tels que l’organisation ou la gestion des processus).
C’est, outre la réduction du nombre de prestataires, l’occasion de revoir les priorités et de se reposer les questions de base sur la politique de sourcing.
La crise est ainsi l’occasion de réexaminer le plan projet et de revoir les priorités avec les divers sponsors et la direction générale. On peut probablement, sans dommages irrémédiables, arrêter tout projet nouveau exigeant beaucoup de sous-traitance.
On peut aussi réaffecter à des projets vitaux ou à des opérations de maintien en condition les équipes affectées aux projets nouveaux. Cet examen sera l’occasion de scanner le parc applicatif actuel, de ne garder que ce qui est nécessaire, de se poser à chaque fois la question du « Software as a Service ».
Quelle politique de sourcing ?
Le recensement et l’état des lieux de l’ensemble des prestations extérieures, de toutes natures, est une opération indispensable, très difficile à envisager en temps normal, mais qui est justifiée par la nécessité impérieuse de réduction des coûts. En ce sens, la crise est une bénédiction puisqu’elle donne l’occasion d’un premier pas dans la mise à plat et la redéfinition d’une politique de sourcing.
Il ne s’agit évidemment pas de tout centraliser, mais bien d’avoir une vision de l’ensemble des prestations. C’est donc l’occasion de travailler le repositionnement de la DSI vis-à-vis des différentes entités de l’entreprise et donc d’établir de nouvelles relations avec les métiers.
Il est techniquement nécessaire, et politiquement avisé, de se faire aider dans ce recensement par les directions des achats et du contrôle de gestion afin d’apparaître comme chargé d’une mission groupe et non comme un agresseur. On s’apercevra alors que les business units ont tendance à sous-traiter à l’extérieur parce qu’elles n’obtiennent pas satisfaction de la part de leur DSI et que, surtout, elles veulent jalousement garder leur indépendance.
On peut prévoir, à terme, l’externalisation de la production, mais il est préférable qu’elle soit d’abord en ordre, dans un état technique correct et qu’elle délivre une bonne qualité de service.
On peut aussi mettre en TMA les anciennes applications ou anciennes technologies.
En effet, la TMA est gérable alors qu’un prestataire qui est là depuis cinq ans ne l’est pas : impossible par exemple de lui demander une augmentation de la productivité, alors qu’on peut le faire avec un contrat de TMA.
Il faut alors, au début de la prestation, déposer les programmes auprès d’un organisme agréé et exiger :
- une documentation à jour ;
- la propriété des programmes et des modifications qui leur sont apportées ;
- d’être averti de la localisation de l’équipe de maintenance et prévoir un accord écrit pour que celle-ci soit placée à l’étranger ;
- un suivi qualité ;
- un plan de progrès.
L’externalisation progressive des fonctions techniques chez les prestataires et l’appropriation par les maîtrises d’ouvrage de leur SI sont deux tendances lourdes qui devraient conduire la DSI de demain à un nouveau positionnement. Si elle veut survivre…
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