Compétences en système d’information : gérer les ruptures

L’inadaptation des compétences de la DSI aux évolutions des besoins de l’entreprise constitue un risque qu’il faut anticiper. à court terme, il s’agit de développer les multicompétences des équipes de la DSI. à plus long terme, il s’agit de rechercher un équilibre entre les compétences du passé et celles du futur.

L’emploi des informaticiens pose problème. Les études se succèdent pour, chacune, dresser un panorama dans lequel les DSI vont devoir affronter le difficile exercice d’ajuster les compétences aux besoins.

Une étude du cabinet américain Forrester publiée en octobre 2009 conclut dans son analyse prospective à l’horizon 2016, que « le vieillissement de la population et la réduction de la population active vont affecter durablement la façon de recruter et les DSI auront davantage de difficultés à recruter des ressources très qualifiées », ce qui rompt avec les tendances historiques.

L’an dernier, une étude (Safeguarding the Corporate IT Assets) menée par Micro Focus et l’Insead auprès des DAF, DSI et DRH de cinq pays (France, Allemagne, Italie, Royaume-Uni, états-Unis), montrait que les compétences nécessaires pour gérer et maintenir les actifs informatiques étaient jugées marginales par les grandes entreprises.

« Plus focalisées sur les compétences liées aux nouvelles technologies de type Web 2.0, elles négligent en effet les compétences cruciales à l’entretien des actifs logiciels, pourtant plus stratégiques pour le business », affirmait l’étude.

Pour sa part, le livre blanc sur l’évolution des compétences dans les systèmes d’information, élaboré par Grenoble école de management explique que celles-ci sont structurées autour de plusieurs composantes fortes : la connaissance de l’entreprise ; la « distinction entre les compétences qui devraient, à moyen terme, correspondre au cœur de métier et les autres compétences » ; le management et le pilotage, considérés comme des « compétences transverses stratégiques ».

Un certain nombre de compétences sont incontournables dans la quasi-totalité des entreprises : management de projet, architectures (techniques et fonctionnelles), pilotage, gouvernance, connaissance des métiers de l’entreprise. Mais, selon le livre blanc de Grenoble école de management, « il y a un risque certain de s’appesantir sur les compétences d’aujourd’hui alors que le contexte d’évolution des entreprises sans cesse renouvelé implique pour les SI une veille permanente et des adaptations incrémentales et/ou radicales ».

Le contexte est lui aussi source de ruptures, qu’il soit économique, poussant à l’infogérance et à la délocalisation des emplois d’informaticiens, social (avec l’arrivée de la génération Y dans les DSI), technologique (Web, Cloud Computing…). D’où des phénomènes de rareté des compétences et, même lorsqu’elles sont disponibles, d’inadéquation aux besoins.

L’étude de Grenoble école de management souligne : « Une personne spécialisée sur un champ de compétences étroit a du mal à mettre en œuvre des compétences issues d’un autre domaine, typiquement des compétences business ou managériales. » Pour Renaud Cornu-Emieux, directeur de l’école de management des systèmes d’information de Grenoble, « la connaissance de l’entreprises fait partie des compétences clés, même chez les développeurs Java ! ».

« La DSI, entreprise qui a besoin de vendeurs »

« Nous avons connu trois périodes : jusqu’à la fin des années 1980, l’enjeu, pour l’informatique, était de faire fonctionner les infrastructures, avec des profils plutôt ingénieurs, explique Renaud Cornu-Emieux.

Une deuxième période, la première moitié des années 1990, a été marquée par l’arrivée des projets ERP intégrés qui n’ont pas toujours été couronnés de succès, en particulier parce que ces projets ont d’abord été menés comme des projets informatiques et pas des projets d’entreprise. La troisième période, fin des années 1990 et années 2000, lorsque les PGI étaient en place, a vu l’apparition du Web, avec des profils capables de comprendre les enjeux d’entreprise et métiers. »

Pour sa part, Christian Pilaud, DSI de Accor Services, estime que « les multicompétences sont très importantes pour exercer le métier de DSI. Il ne s’agit pas d’être seulement un spécialiste technologique, mais aussi d’intégrer des compétences métiers et de management. Le métier de DSI est par essence hybride.

Si l’on ne connaît pas les métiers, on perd une bonne dose de bons sens, donc, pour l’entreprise, du temps et de l’argent. Le temps de l’informatique en en « back-office » est révolu : nous avons besoin d’accompagner les clients internes. Nous avons besoin de collaborateurs qui n’ont pas lu qu’un seul livre et qui n’ont pas eu de carrière rectiligne. La DSI est une vraie entreprise qui a besoin de vendeurs. »

 

   Exemples de compétences « spécialiste » et « expert » pour le management et la conduite de projets
  Unités de compétences   Management/Conduite de projets
 Spécialiste  Expert
 Connaissances (1)
  • Connaissance du domaine d’application métiers des projets pris en charge.
  • Maîtrise des outils de modélisation et de gestion de projet.
  • Connaissance de l’architecture du système d’information de l’entreprise.
  • Compréhension des activités de l’entreprise et connaissance de sa stratégie.
 Savoir-faire (2)
  • Spécialiste en pilotage, suivi et coordination de projet, il sait gérer des situations complexes impliquant plusieurs projets.
  • Peut participer au choix des éléments d’infrastructures et d’architecture.
  • Gère la relation client
  • Met en œuvre la conduite du changement, les services de support à l’utilisateur, les modalités de traitement des évolutions et la maintenance d’un projet.
  • Gère les interactions entre les projets.
  • Assure le management des projets transverses à l’entreprise.
  • Met en place des indicateurs nécessaires à l’évaluation de la performance, des coћts et des délais.
  • Est responsable de toutes les décisions importantes.
  • Arbitre les différends entre les équipes et les autres acteurs.
  • Organise la communication sur les projets en direction des différentes instances décisionnelles.
  • Prend en compte les interactions transverses entre les projets dans le cadre de la gestion d’un portefeuille de projets.
 Social/relationnel (3)
  • Manager de plusieurs équipes.
  • Leader reconnu sur un domaine particulier.
  • Interlocuteur privilégié des clients internes des projets gérés.
  • Leader reconnu sur l’ensemble des projets.
  • Expert en management d’équipe.
  • Interlocuteur de la direction de l’entreprise.
 Capacitéscognitives (4)
  • Esprit d’anticipation.
  • Capacités d’organisation, de planification et de gestion pour gérer plusieurs projets de front.
  • Capacité à motiver les équipes.
  • Très bonne résistance au stress.
  • Vision globale sur l’entreprise lui permettant d’être le garant de l’enjeu stratégique des projets.
  • Sens commercial favorisant la  » vente  » des projets.
   Source : Référentiel de compétences pour les systèmes d’information, Grenoble école de management, 2009.(1) Savoirs théoriques ou pratiques qu’il est nécessaire de posséder pour reprЋsenter une compétence-clé.

(2) Pratiques à mettre en œuvre pour l’exercice d’un savoir.

(3) Ensemble de capacités d’action à utiliser dans la relation avec les autres et notamment dans une situation de management.

(4) Ensemble de capacités personnelles et dispositions utiles pour représenter une compétence-clé.