Les projets de transformation digitale, comme tous les projets qui bousculent les organisations, les comportements, les business modèles et les processus, comportent une part de risques, de plusieurs natures : technologique (robustesse et performance des solutions), humaines (gestion du changement), métier (pertinence du business case) et compétences (disposer des bons talents).
Tous ces risques peuvent être relativement maîtrisés : les technologies digitales sont matures, les bonnes pratiques sont connues et les retours d’expérience sont suffisamment nombreux pour se les approprier. En revanche, il reste un risque qui, lui, est difficilement maîtrisable : celui de la perte de confiance des consommateurs, des collaborateurs, des partenaires, des fournisseurs ou de toutes les parties prenantes d’un écosystème.
Car les possibilités des technologies, notamment en matière de géolocalisation, de tracking des comportements, de temps réel, de personnalisation, de stockage de données ou de puissance des algorithmes, d’analyse prédictive, suscite des interrogations récurrentes et, plus encore, des craintes de la part des individus. Où sont les données ? Sont-elles sécurisées ? Qui y a accès ? Qui peut les modifier ? Qui sait quoi sur les individus ? Quelles sont les menaces ?
Autant de questions légitimes qui handicapent la confiance que l’on peut avoir dans une application, un service, un système d’information, une marque… D’après une étude du cabinet Vanson Bourne, 77 % des consommateurs français se déclarent prêts à stopper leurs achats auprès d’une entreprise si une cyberattaque révélait une négligence de la part des dirigeants sur la protection des données.
Une exigence de transparence
Dans un monde digital tel que nous le connaissons d’ores et déjà et tel qu’il se dessine pour le moyen et long terme, avec un rythme accéléré d’innovations, la confiance repose sur trois ingrédients :
– la transparence,
– la loyauté,
– l’anticipation.
La transparence, d’abord, parce que les consommateurs et les collaborateurs d’une entreprise attendent une visibilité, notamment sur l’usage et la protection de leurs données personnelles. La loyauté, ensuite, car il s’agit de s’engager à ne pas détourner la finalité d’une action.
Et l’anticipation, enfin, pour garantir que, dans le temps, la confiance se maintiendra et que les « règles du jeu » ne seront pas modifiées de façon unilatérale. Ces ingrédients vont devenir fondamentaux à mesure que la transformation digitale et la société numérique ont largement dépassé la phase des « Proofs of concept » pour s’ancrer de manière irréversible dans la vie quotidienne et professionnelle.
La confiance ne concerne pas que l’usage et la protection des données personnelles. Elle concerne également la totalité du processus de relation entre deux entités ou individus. Qu’il s’agisse des engagements commerciaux (par exemple sur des délais de livraison ou des traitements d’incidents), des dispositions contractuelles (pour pouvoir accepter des conditions générales de plusieurs dizaines de pages sans les lire), de la transparence tarifaire (pour éviter les coûts cachés), voire des qualités éthiques des individus qui interviennent tout au long de la relation commerciale.
Une confiance multifacettes
Dès lors, comment organiser et garantir la confiance ? Si celle-ci ne pourra jamais atteindre les 100 %, six leviers peuvent être actionnés par les entreprises et les organisations. Le premier concerne l’acquisition, ou la consolidation, d’une culture digitale susceptible de faire mieux comprendre les enjeux, les risques et les opportunités du numérique.
Cela passe par des efforts soutenus et réguliers de sensibilisation et de formation (des consommateurs, des collaborateurs, des partenaires…). Le second levier consiste, dans le design des produits et services, à privilégier une approche Bottom Up, en partant des besoins des clients et des collaborateurs. C’est ainsi que pourront être mieux intégrés les besoins concrets de sécurité et de réassurance, donc de confiance, qui ne sont pas toujours exprimés avec une approche Top Down.
La confiance est en réalité une problématique multifacettes : elle peut se construire par les valeurs (le développement durable, par exemple), la réputation, l’innovation (Blockchain, intelligence artificielle) ou la forces des communautés.
Troisième levier : ne pas oublier les fondamentaux de l’expérience client, qui doit être la plus « heureuse » possible. Or, bien souvent, la compétition conduit les entreprises à mettre sur le marché des produits et des solutions qui traitent de moins en moins les exceptions et qui ne sont pas toujours testés dans les règles de l’art. Certes, 80 à 85 % des consommateurs sont satisfaits, mais une minorité peut ruiner le capital confiance d’une marque.
Élaborer une gouvernance et s’appuyer sur un cadre réglementaire
Autre levier majeur : créer un cadre de confiance, au plus haut niveau de l’entreprise. Il s’agit d’élaborer des lignes directrices, ce qui s’apparente à une véritable gouvernance du digital, indispensable dès lors que le numérique modèle la quasi-totalité des activités économiques.
Le levier technique apparaît, lui aussi, incontournable : si les technologies suscitent des craintes, elles constituent également un rempart pour éviter les dérives, par exemple avec le chiffrement, les mécanismes d’authentification et de traçabilité.
Plus globalement, la règlementation, qui fixe des limites, impose des prérequis et établit une échelle de sanctions, contribue à la création d’un environnement de confiance.
Toutes les conditions (techniques, culturelles, commerciales, organisationnelles, réglementaires…) sont aujourd’hui réunies pour créer un cercle vertueux de la confiance dans le digital, par une maîtrise des risques. « La confiance engage à bien faire » écrivait Madame de Sévigné dans ses Lettres, en 1670. C’est le principe même d’un cercle vertueux…