CRM : les fondamentaux avant les réseaux sociaux

Pour mieux servir le client, rien de tel que les réseaux sociaux ? Peut-être mais, souvent, les entreprises de focalisent sur un canal qui ne tient pas ses promesses. Le CRM est un marché sur lequel il est difficile de s’y retrouver dès lors que l’on doit sélectionner la bonne solution.

Il suffit de visualiser la cartographie établie par les consultants de Micropole, selon quatorze catégories. Il existe plus de 250 solutions différentes en Europe mais, souligne Raphaël Benoliel, directeur des practices CRM & CIM de Micropole, « aucun éditeur ne propose une suite CRM complète. » Le marché du CRM se porte d’ailleurs plutôt bien (36 milliards de dollars à l’horizon 2017, selon Gartner), avec des taux de croissance annuels de 15 %. Les entreprises européennes, toujours selon Gartner, vont augmenter leurs budgets CRM de 2,5 % en moyenne cette année (1) et le marché européen des solutions de CRM progressera de 9%. Mais le paysage est donc beaucoup plus complexe que dans les années 1990 ou 2000, où quelques grands acteurs se partageaient le marché, segmenté en seulement quelques catégories : le management des forces de vente, les centres de contacts et le marketing.

Avec le développement des offres en SaaS, les besoins de segmentation et les réseaux sociaux, de nouveaux acteurs, plus petits, spécialisés et plus agiles, ont investi le marché. « Cela a rebattu les cartes sur le marché, plus émietté aujourd’hui, à la fois dans la manière de mener les projets CRM et chez les éditeurs », ajoute Raphaël Benoliel. L’une des tendances lourdes concerne le renforcement du poids des métiers dans le choix des solutions. « Dans neuf cas sur dix, c’est effectivement le métier qui décide », confirme Raphaël Benoliel. Pour les DSI, cela impose un effort supplémentaire : en effet, le domaine du CRM est, peut-être plus que d’autres segments des technologies de l’information, soumis à des effets de mode. L’un des plus significatifs est la croyance, très répandue parmi les professionnels du marketing, que les réseaux sociaux vont résoudre tous les problèmes commerciaux.

Surinvestir dans les réseaux sociaux : une bonne idée ?

Certes, il faut tenir compte des tendances lourdes que sont le renforcement du pouvoir du consommateur et le rôle des réseaux sociaux dans la décision d’achat. Il est hélas tentant d’y surinvestir, d’autant que, nous apprend une étude Gartner parue le 14 avril 2014 (« The Gartner CEO and Senior Executive Survey 2014 »), les directions générales donneront clairement la priorité à la croissance du chiffre d’affaires au cours des trois prochaines années. Selon une étude publiée le 15 avril 2014 par Gicam Conseil, l’Agora des directeurs commerciaux et l’Agora des directeurs de la relation client (2), 25 % affirment que « leur principal projet opérationnel est la gestion des réseaux sociaux et la maîtrise de l’environnement digital consommateurs », devant l’amélioration de la relation client et l’augmentation du volume des ventes. Une autre étude, publiée par Markess International en avril 2014, conclut que « le social CRM est l’une des priorités des décideurs en matière d’interactions clients digitales d’ici 2016. »

Mais il ne faudrait pas pour autant oublier le principe fondamental d’un outil de CRM : vendre plus à ses clients, ce qui passe peut-être par des outils moins modernes, plus basiques, mais plus efficaces. On peut d’ailleurs utiliser un moyen mnémotechnique pour se le rappeler : « CRM = Comment ramener la monnaie ». L’un des points de blocage, avec les réseaux sociaux, concerne l’intégration : « Il faut pouvoir gérer la multiplication des communautés, identifier les individus/clients/prospects qui utilisent des pseudos, savoir historiser les échanges et pouvoir passer d’un canal à l’autre », résume Sylvie Chauvin, présidente de Markess International.

On peut suggérer, c’est le rôle des DSI, de travailler en amont avec les directions marketing et commerciales, de manière à canaliser celles-ci sur les vrais objectifs, autrement dit les contraindre à formaliser leurs objectifs. On s’apercevra bien souvent que surinvestir dans les réseaux sociaux n’est pas toujours pertinent à court ou moyen terme. Et qu’il est préférable de mieux travailler la base de clients existante. C’est déjà un progrès notable que de savoir fournir la bonne information à la bonne personne, via les bons canaux, au bon moment. DSI et métiers ont intérêt à travailler sur trois grandes questions : comment les flux d’informations créent de la valeur pour les clients ? Comment sont gérées et intégrées les données clients ? Quelles sont les sources d’informations sur les clients (outils existants de CRM, centres d’appels, Web, historique de ventes, revendeurs, cartes de fidélité, fournisseurs, données non structurées…).

Dans la dernière étude Gartner sur le marché européen du CRM, lorsqu’il a été demandé aux managers interrogés quel est l’obstacle le plus important pour la réussite d’une stratégie de CRM, ils ont répondu en priorité « le manque de clarté de la vision stratégique sur la relation client ». Pour Jim Davies, directeur de recherche chez Gartner, « c’est un changement significatif par rapport à 2013, où l’obstacle numéro un cité était l’absence de vision unique du client. » Finalement, consacrer du temps à travailler d’abord les fondamentaux et la stratégie, avant de se précipiter sur les réseaux sociaux sans trop savoir quoi y chercher, ce n’est pas une si mauvaise idée…


(1) Survey Analysis: European Organizations Struggle to Create a Clearly Defined CRM Strategy in 2014, Gartner, mars 2014. 

(2) La perception et les enjeux de la fonction commerciale au sein des grandes entreprises.