Deux approches pour réduire la complexité d’un système d’information

Comment réduire la complexité d’un système d’information ? De multiples voies sont possibles, mais deux domaines méritent d’être traités en priorité : l’organisation des données et les cycles de développement. Les retours d’expériences de Retis et de GRDF.

I – Remettre de l’ordre dans les données : l’exemple de Retis Connected Solutions

Que faire lorsque, dans une organisation, les solutions en place pour manager les données sont peu évolutives, demandent de fortes compétences, s’intègrent difficilement avec un ERP et qu’Excel reste l’outil dominant de gestion des informations ? « Élaborer une vraie gouvernance de la donnée », assure Olivier Créplet, DSI de Retis Connected Solutions, un intégrateur réseau qui réalise 27,5 millions d’euros de chiffre d’affaires avec 140 collaborateurs sur six sites en France. La situation de départ ne pouvait évidemment pas perdurer : « Nous « ramions » depuis deux ans avec notre solution de Business Intelligence, les métiers piochaient dans les données de production pour concevoir des tableaux de bord à leur sauce et nous avions des difficultés à garantir une cohérence des données, d’où des retours négatifs des métiers parce que les données n’étaient pas à jour en même temps. Nous manipulons beaucoup de données et avons construit, au fil du temps, un datawarehouse basé sur une architecture relativement complexe et des solutions Open Source, mais on ne maîtrisait pas totalement les données, ce qui a fini par coûter cher », rappelle Olivier Créplet.

Supprimer les Shadow Data

Résultat : « Nous intervenions en mode pompier avec les métiers, régulièrement insatisfaits, pour répondre à leurs besoins. » Pour Retis Connected Solutions, les enjeux étaient multiples : « Il fallait à la fois simplifier/automatiser, gouverner et sécuriser les données, centraliser et mettre à disposition des métiers les bonnes informations et inciter les métiers à n’utiliser que notre datawarehouse. » Le DSI de Retis a basé sa stratégie de simplification sur quatre piliers. Le premier vise à simplifier l’architecture autour d’un seul outil. « Cette simplification passe également par une gouvernance avec un périmètre défini, une diminution des charges d’exploitation pour la DSI et une mise à disposition des données plus simple pour les métiers », précise Olivier Créplet. Deuxième pilier : la rapidité. « Pour répondre plus vite aux besoins des métiers, nous avons mis en place un nouveau projet BI avec une gestion plus fine des données », ajoute le DSI de Retis. Le troisième pilier concerne l’adaptabilité. « Il s’agit de maîtriser l’évolution des modèles de données et de pouvoir en connecter de tous types », résume Olivier Créplet. Enfin, il s’agit de garantir l’exactitude et la sécurité des données. « La DSI doit être la garante des données qu’elle maîtrise, elles doivent être qualifiées et le métier n’a qu’une seule source de données », explique Olivier Créplet.

Un seul flux de données

Pour adresser l’ensemble de ces problématiques, Retis a associé les solutions Qlik Sense, outil de Business Intelligence et TimeXtender, qui accélère la mise à disposition des données aux utilisateurs. « Nous disposons désormais d’un seul outil, qui industrialise la mise à jour de la donnée, avec un seul flux. C’est un énorme gain de temps, car, rappelons-le, nous partions d’une architecture complexe, avec des adaptations compliquées nécessitant des compétences pointues. Lorsque l’on souhaitait modifier un modèle de donnée, il fallait y consacrer beaucoup de temps », insiste Olivier Créplet.

Selon lui, la réponse aux besoins opérationnels des métiers demande moins de 48 heures, contre deux semaines auparavant. « Le codage, c’est fini, ou presque, nous avons donc diminué la charge pour les équipes de la DSI tout en libérant les métiers des contraintes informatiques », constate le DSI de Retis, qui reste persuadé que « simplifier, c’est compliqué ! » Comme les métiers n’ont plus qu’une seule source de données, il peut être envisagé de supprimer les accès devenus inutiles : « De toute façon, les métiers ne veulent plus revenir en arrière, nous sommes capable de modifier des données en quelques heures alors qu’auparavant cela imposait d’intervenir dans l’ERP et le datawarehouse », ajoute Olivier Créplet, qui estime que sa DSI « est enfin créatrice de valeur. Il faut créer l’envie pour les métiers, en leur proposant plus de données, mieux qualifiées et plus rapidement accessibles. » Prochaine étape : mettre en place une architecture capable de s’ouvrir à tous types de données.

L’approche de Retis Connected Solutions en bref
Pourquoi ? Comment ? Avec quoi ? Pour quels bénéfices ?
• Forte charge d’exploitation du datawarehouse
• Insatisfaction des métiers
• Prédominance d’Excel pour la gestion de données
• Complexité de l’architecture technique
• Difficulté à assurer la cohérence des données
• Mettre en place une gouvernance des données
• Automatiser
• Fluidifier les flux de données
• Fournir aux métiers une seule source de données
• La solution Qlik Sense (pour la BI)
• La solution TimeXTender (pour gérer les flux de données)
• La maîtrise de l’évolution des modèles de données
• Une seule source de données pour les métiers
• La baisse des charges d’exploitation
• La gestion fine des mises à jour des données
• La réactivité face aux besoins métiers (de 2 semaines à 48 heures)
• La DSI qualifie et maîtrise les données
• La baisse de l’usage d’Excel

 

Les principales sources de complexité d’un SI
Sources de complexité Solutions possibles
Des données trop disparates Automatisation, harmonisation des sources de données
Un empilement des architectures et des configurations interdépendantes Virtualisation, monitoring
Des systèmes legacy marqués par une forte obsolescence Infogérance
Une dette technique non maîtrisée Optimisation des développements
Une trop forte décentralisation des SI Gouvernance, évolution des architectures
Des applications redondantes et non couplées Cartographie applicative, évaluation du degré de dépendance, design
Un manque d’agilité des développements/production DevOps
Des datacenters trop nombreux Consolidation, virtualisation, cloud
Une mauvaise anticipation des besoins métiers, trop de projets PMO (Project Management Office), systématisation des business cases
Un manque de ressources et de compétences Remise à l’état de l’art des architectures et des applications
Des fournisseurs trop nombreux et redondants Rationalisation des achats, services partagés
Source : Digitalonomics.

II – Développer plus vite : l’exemple de GRDF

L’une des voies de réduction de la complexité réside dans l’optimisation des développements applicatifs. « Lorsque nous avons reçu, de la part des métiers, plusieurs demandes de projets, très différents, qui pouvaient être traités par une approche de BPM (Business Process Management) ou de Case Management, nous avons préféré choisir une solution logicielle, plutôt que de les gérer un par un, par des développements spécifiques », se souvient Pascale Bernal, ex-DSI de GRDF (Gaz Réseau Distribution France), principal gestionnaire de réseau de distribution public de gaz naturel en France.

Deux objectifs ont été exprimés dans l’appel d’offres européen, auquel ont été associés les représentants des métiers : pouvoir développer plus vite et garantir une cohérence pour interconnecter le suivi des différents processus de l’entreprise. GRDF a retenu la solution d’Appian, éditeur d’une plateforme de gestion des processus métier (BPM) et de Case Management, avec une approche Low-Code. « Il s’agit d’un moteur d’orchestration pour développer plus vite, par rapport à du spécifique, et gérer l’enchaînement de tâches sous forme conditionnelle. Nous avons privilégié un outil que l’on puisse adapter et intégrer, cet aspect intégration représente toujours une difficulté potentielle », précise Pascale Bernal.

L’agilité d’abord

Mi-2015, une équipe spécifique a été constituée pour le développement de projets BPM. « Elle n’existait pas auparavant, mais c’est une approche que nous avons privilégié dans d’autres domaines, par exemple pour les problématiques géo-décisionnelles. » Aujourd’hui, cette cellule, baptisée Opera (Orchestration des Processus, Expertises et Réalisations en Agile), compte 27 développeurs. L’intérêt de cette approche, notamment par rapport à la création de centres de compétences, quelquefois déconnectés de la proximité avec les métiers, est de « créer de la solidarité entre les équipes », assure Pascale Bernal, « la difficulté, pour une DSI qui doit gérer plus de 150 projets en parallèle, c’est de garantir la cohérence globale, car ils sont tous liés, et de réduire la complexité de l’ensemble en évitant une gestion pyramidale ou « en rateau » des projets. »

Plusieurs applications ont été développées selon cette approche, pour la plupart intégrées dans des portails. La première, opérationnelle mi-2016, a concerné la lutte contre la fraude. Les autres portent sur le dialogue avec les fournisseurs de gaz, pour traiter les demandes particulières qui ne le sont pas dans l’application principale.

Autres applications issues de la plateforme Appian : le pilotage des raccordements des clients, les enlèvements de gaz (développée en deux sprints en six semaines) et la gestion des travaux, depuis l’ingénierie et les études jusqu’à la livraison, en passant par le suivi des travaux. Ce fut aussi l’occasion d’automatiser certaines tâches encore réalisées manuellement, en particulier pour éviter les doubles saisies et les risques d’erreurs. « C’était une demande forte de la part des utilisateurs, lorsqu’ils doivent passer d’une application à une autre : elles ne sont pas conçues de la même manière, elles communiquent différemment, on n’y accède pas avec les mêmes identifiants, d’où des ruptures de processus », explique Pascale Bernal.

Héritages de l’histoire, les applications fonctionnent encore par silos, par métiers. Or, ajoute Pascale Bernal, « les processus traversent les lignes de métiers et ce sont eux que l’on parvient le moins bien à suivre et à gérer. C’est une vraie complexité et la plateforme Appian apporte une réponse à ce problème : suivre et maîtriser les activités qui concernent des équipes différentes. »

Résultat : « les métiers sont plutôt contents et vont inévitablement en demander plus ! C’est d’ailleurs un paradoxe majeur des DSI : plus on en fait, mieux on le fait et plus on nous en redemande ! C’est la contrepartie de l’agilité, avec des sprints de trois semaines en fonction des user stories… » Chaque application associe des product owners. « Ils doivent connaître le métier, être capables d’arbitrer, de renoncer, de retenir ce qui est important, de s’entourer d’utilisateurs qui amènent des idées et être capables de leur dire non. Il leur faut une forte légitimité, car ce sont les product owners qui, au final, portent l’application auprès des utilisateurs », résume Pascale Bernal.

Quand les métiers deviennent des « citizen developers »

La suite logique serait que les métiers puissent développer eux-mêmes des applications simples, selon le principe des citizens developpers. « Nous testons les quick apps, dans le cloud, pour des processus simples, pour créer des formulaires ou des enchaînements simples. Lorsqu’une équipe sur le terrain a un problème de ce type à résoudre, il y a toujours quelqu’un, avec des connaissances basiques, qui peut utiliser un outil simple de développement : l’idée est de les aider à élaborer des petites applications, qui n’ont pas vocation à être généralisées ou connectées au reste du SI, mais qui sont localement très utiles », explique Pascale Bernal, qui voit d’un très bon œil le fait que les utilisateurs s’approprient le développement applicatif. « Les besoins de développement sont immenses et les DSI doivent se concentrer sur les applications les plus complexes et l’orchestration de l’ensemble du système d’information », ajoute Pascale Bernal.

Prochaine étape : la gestion des demandes envoyées par les fournisseurs de gaz. L’application, vieille de cinquante ans et développée avec un mélange de Cobol et de langage maison, a besoin d’un sérieux lifting. « C’est le cœur du système d’information : à l’image d’un système solaire, c’est le soleil autour duquel tournent toutes les planètes applicatives ! Des générations d’utilisateurs n’ont connu que cette application, mais, avec le temps, les compétences se sont raréfiées », résume Pascale Bernal.

D’où l’ambition de la rendre plus modulable, de diminuer les coûts et de gérer l’obsolescence technologique, génératrice de complexité. La plateforme Appian sera utilisée comme moteur d’orchestration. « Une première expérimentation pour la gestion des interventions chez les clients industriels (1 % du total des clients) a donné de bons résultats, notamment pour intégrer certaines tâches manuelles », assure Pascale Bernal. C’est bien connu, l’agilité, pour les applications (et les individus) de plus de cinquante ans, ne revient que progressivement…