Marc Siberg (pseudonyme) a été DSI toute sa carrière… jusqu’au jour où son employeur l’a quitté. Devenu consultant indépendant reconnu, il nous fait profiter de son expérience, avec des conseils pratiques, aussi utiles à ceux qui sont encore en poste qu’à ceux qui sont en chemin vers un autre univers qu’une DSI.
-Et toi, tu veux faire quoi plus tard ?
– Oh, moi, tu sais, je suis bien dans mon job et j’ai encore plein de projets intéressants à concrétiser…
Le DSI qui vous a répondu avec cet argument est soit un menteur, il rêve d’autre chose et il est sans doute déjà en contact avec ses chasseurs de têtes préférés, soit un imprévoyant… Car combien d’entre nous partent à la retraite de la façon dont ils l’avaient imaginé ?
Aucun, ou alors tous, comme les fumeurs qui arrêtent de fumer après chaque cigarette ! Nous avons tous une vie après notre job actuel. Beaucoup se rêvent plus proche des métiers, voire responsable d’un business, avec un P&L. Mais la question est posée : quelle évolution pour un DSI ?
Lorsque l’on est jeune, on parvient à gravir les échelons. Certaines trajectoires paraissent limpides et, tous les trois à cinq ans, sans à-coup, le jeune DSI accède à des postes avec des responsabilités de plus en plus étendues. Un contexte international constitue également un point de passage intéressant et valorisant qui vient utilement compléter un CV.
Mais, plus on se rapproche du sommet d’une grande entreprise, plus progresser devient difficile, compliqué, voire dangereux. Les places sont rares et, pour bon nombre d’entre elles, finalement peu enviables. D’ailleurs, dans une organisation, les changements de postes se font plus de manière latérale que vers le haut de la pyramide hiérarchique. Certains parviennent à élargir le périmètre de leur fonction, à reprendre les achats indirects, les services généraux, la direction d’un site, ou, au sein d’un groupe, à décrocher des responsabilités transversales.
Quelques-uns évoluent vers les métiers et deviennent directeur d’un service client, responsable de tout ou partie d’une chaîne logistique ou patron d’un centre de services partagés. De rares élus deviennent directeur général d’une business unit… Pour d’autres, c’est plus compliqué, moins linéaire, il est alors urgent de « latéraliser » son projet professionnel pour gérer l’atterrissage dans le marais des consultants et autres managers de transition.
– Et alors, pourquoi as-tu choisi de créer ton entreprise et de devenir consultant ?
– Oh, moi, tu sais, on ne me proposait plus aucun challenge, la routine… Je suis un homme d’action, j’en avais toujours rêvé, mais j’étais trop pris pour me lancer. Alors quand j’ai eu l’opportunité, je n’ai pas hésité, j’ai foncé…
Là encore, le mensonge est clair : il s’est fait virer, comme moi et comme 90 % des consultants indépendants et des managers de transition. Licenciement sec, rupture conventionnelle, sortie aidée avec un coach et un cabinet d’outplacement, contrat de consultant garanti « si tu pars sans faire de vague… » : les manières de se faire virer sont multiples. Mais le résultat est le même, résumé par une phrase classique : « Tu ne seras plus un salarié de ce groupe ! »
Il est indispensable d’anticiper !
Que faire, lorsque l’on occupe un poste très exposé, pour ne pas se trouver complètement pris au dépourvu ? Vous pouvez, d’abord, discuter avec des pairs pour analyser « comment ça se passe », éventuellement consulter votre avocat pour savoir comment anticiper, mettre de côté tous les e-mails où l’on vous remercie, solliciter des recommandations LinkedIn, être très précis et habile dans vos reportings mensuels…
Ensuite, il existe des assurances individuelles « perte d’emploi » dont le coût est très raisonnable. Elles sont mal connues, car ne sont pas commercialisées par les banques et sont indépendantes des crédits immobiliers. Le principe est qu’elles complètent, à hauteur d’un certain plafond, les allocations de Pôle Emploi.
Attention toutefois, elles sont souvent assujetties à un délai de carence d’un ou deux ans (il est donc impossible de souscrire dans le mois qui précède le départ) et s’arrêtent dès que le souscripteur atteint un certain âge. Reste que si vous avez souscrit à temps et que vous êtes « débarqué » (par un licenciement sec et non une rupture conventionnelle), ce type d’assurance représente un complément de revenu non négligeable. Anticipez également votre future vie en déposant une marque à l’INPI et un nom de domaine, cela vous permettra de rebondir plus vite.
This is the end…
Lorsque votre DRH vous annonce qu’il faut partir, il faut rester… très professionnel et très calme. Et, surtout, avoir anticipé cette éventualité. Lors de l’entretien préalable, on peut aussi utiliser une technique simple, qui repose sur le fait que les individus ne savent pas résister au silence. Et on peut habiller ce silence à son avantage :
– Mais ça, quand même, tu en conviens ?
– Tu avais mentionné trois points, quel est le 3ème ?
Et la DRH qui vous vire, et n’obtient pas d’assentiment sur les deux premiers points de son argumentaire pour justifier votre départ, de se lancer dans des explications alambiquées (notez tout !), peut-être même en impliquant des tiers à tort (notez !).
Vous avez déjà fait plier les fournisseurs, alors vous savez négocier !
Vous voilà en route pour la « Second Life ». En tant que DSI, vous avez négocié de multiples appels d’offre, vous avez mis en place des conditions d’achat avantageuses, fait plier les fournisseurs les plus durs. Vous avez aussi, sans doute, fait face à la plus grande mauvaise foi et à des enjeux énormes lors d’un audit de licences… Alors, vous savez négocier ! C’est un atout qu’il faut utiliser à fond.
Il faut préparez la négociation comme un homme politique se prépare pour un débat avec ses adversaires :
- Ayez tous vos documents en ordre.
- Élaborez un brief complet de la négociation.
- Dressez une liste d’arguments à présenter et de mots ou expressions que vous vous interdisez de prononcer.
- Répétez longuement tous les rendez-vous de négociation avec un proche, qui peut d’ailleurs prendre un malin plaisir à se retrouver dans une « Second Life » virtuelle où il/elle peut enfin vous virer !
Souvenez-vous que la « sortie » de votre poste, et la négociation qui va avec, restent des périodes très prenantes sur le plan psychologique. Il convient donc de garder son calme en toutes circonstances, de prendre son temps : à chaque rendez-vous de négociation, vous obtiendrez quelque chose… Intégrez également le fait que cette période de négociation est cruciale, car jamais vous ne gagnerez autant, à l’heure, en tant que consultant indépendant ! Toutes vos forces doivent être concentrées sur cette étape cruciale.
Activez le plan d’action
Donc vous êtes viré… et vous êtes prêt : vous êtes connu dans votre milieu professionnel, votre CV est à jour, vous avez de bonnes relations avec vos ex-fournisseurs, votre avocat se réjouit en comparant votre dossier et celui de votre futur-ex-employeur. Autour de vous, vos relations se veulent rassurantes, mais, même si vous faites bonne figure, vous êtes malgré tout assez secoué.
Les renaissances, même préparées, ne sont jamais aisées. Ne confondez pas l’appréhension, la peur, peut être, avec la capacité à faire. Il faut donc rester confiant et combatif, car vous disposez d’atouts :
- Vous avez une « Second Life » numériquement prête.
- Pôle Emploi et votre assurance personnelle vous mettent à l’abri, sans compter la transaction que vous négocierez habilement.
- Les fournisseurs sont bienveillants à votre égard.
Une alternative s’offre à vous : reprendre un poste de salarié ou bien rejoindre le « monde libre ». Même si vous n’avez pas choisi cette dernière option, autant transformer le problème en opportunité. Et ce « monde libre » est vaste : créer son entreprise, s’associer, devenir consultant indépendant, voire changer de vie.
Vous pouvez alors commencer, doucement, à réfléchir à votre projet. Mais ne cherchez pas encore : vous êtes comme les personnages de dessins animés qui vibrent pendant une minute après avoir sauté sur un bâton de dynamite. Vous êtes touché, chancelant, votre discours n’est pas clair, on ne comprend rien à ce que vous dites ni à ce que vous savez faire…
Déterminer ce que vous voulez faire est donc essentiel. Il faut rencontrer un maximum de personnes et échanger avec vos interlocuteurs sur leurs expériences respectives, les raisons de leur choix, la façon dont ils ont trouvé un job ou bien des clients. Vous allez vous rendre compte que le monde est pavé d’interlocuteurs prêts à vous aider et à vous accorder du temps.
Il est important de se spécialiser. Si vous cherchez en même temps un poste en CDI et des clients comme consultant indépendant, cela ne fonctionnera pas : la posture n’est pas bonne. La confiance ne s’instaure que dans la constance et la pérennité d’un projet : si celui-ci n’est pas clair et ciblé, personne ne fera affaire avec vous, ni un éventuel employeur, ni un éventuel client…
Le choix de l’indépendance
Vous avez choisi de devenir consultant indépendant ? Beaucoup de questions vont se poser : la forme juridique de votre activité, la création d’un site Web, l’élaboration d’une offre crédible… Les échanges avec d’autres consultants et l’abondante littérature disponible vous aideront à y répondre. Si vous voulez bénéficier à plein des garanties à votre disposition, et surtout si vous avez pris une assurance perte d’emploi à titre individuel, la solution du portage salarial reste excellente et sans aucun risque, elle n’obère aucune possibilité ni évolution ultérieure. La création d’une entreprise nécessite plus d’analyse et dépend beaucoup du projet. Selon que vous voulez travailler seul ou pas, selon que vous voulez avoir un statut de salarié (et donc maintenir des droits notamment pour Pôle Emploi), selon que vous voulez déduire beaucoup de frais professionnels ou pas, selon que vous voulez faire grandir une activité puis la revendre ou pas…
Déterminez votre offre en quelques mots-clés simples : vos futurs clients ont un problème précis à résoudre à court terme. S’adresser à un consultant généraliste leur fait généralement peur, car ils redoutent que ce dernier passe trop de temps à comprendre la problématique et, au final, cela leur coûtera plus cher. Ils préféreront faire appel à un spécialiste. Cela suppose de se créer rapidement une image :
- Vous avez normalement déjà anticipé et déposé un nom de domaine et une marque à l’INPI.
- Réfléchissez à un logo, voire à une charte graphique.
- Le site Web n’est pas indispensable, mais une page d’accueil avec un lien vers votre CV, un autre vers LinkedIn et vos coordonnées, est toujours utile.
- Mettez en place une adresse e-mail au nom de votre nouvelle existence en évitant les noms de domaines génériques de type Gmail, Yahoo, La Poste ou Wanadoo.
Vous avez un nom déposé, un mail, un téléphone, une homogénéité graphique ? Alors, il est temps de faire imprimer vos 200 premières cartes de visites et de commencer à les distribuer. C’est important, car cela stabilise votre situation, crédibilise votre positionnement et vous rend plus sérieux pour vos relations d’affaires. On vous connaissait et maintenant on va aussi vous reconnaître ! Pour cela, plusieurs actions sont indispensables, par exemple :
- Reprendre contact avec vos ex-fournisseurs.
- Publier des articles sur les réseaux sociaux, en particulier sur LinkedIn.
- Rappeler vos relations : vous ne devez JAMAIS déjeuner seul !
- Participer aux événements et aux salons.
- Contacter les associations de managers de transition et les cabinets ayant une spécialité ou une offre dans le management de transition…
En deux mois vous aurez décroché votre première mission, les autres viendront ensuite.
Exercez sereinement
Pour réussir le démarrage de votre activité, plusieurs bonnes pratiques sont utiles :
- La prospection en direct s’avère très chronophage, avec un résultat tout à fait aléatoire. La prospection indirecte via le réseau est bien plus efficace.
- Vous pouvez choisir d’exercer votre activité à temps plein chez un client unique ou bien être multiclients. En exerçant à temps plein, vous décrocherez plus facilement des postes de management de transition et vous répondrez plus rapidement aux sollicitations « pour demain », mais vous aurez à gérer des trous de planning. En étant multiclients, vous ne travaillerez jamais vraiment à temps plein, mais de façon plus continue et vous pourrez continuer à entretenir votre réseau plus facilement.
- Nouez des contacts avec des partenaires, soit des indépendants, soit des sociétés. Cela vous permettra de leur sous-traiter les contrats que vous ne pourrez pas assurer, le maître-mot étant de toujours apporter une solution au client.
Les principaux avantages et inconvénients du portage salarial | |
Avantages | Inconvénients |
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