DevOps : une typologie d’entreprises et des prérequis

DevOps fait figure d’approche standard des DSI, du moins dans les plus grandes organisations. Une analyse des pratiques dans ce domaine permet de dresser une typologie des entreprises en trois groupes, selon leur degré de maturité.

Selon le cabinet IDC, 45 % des DSI, au niveau mondial, vont se focaliser sur la « plateformisation », utilisant DevOps pour développer plus rapidement, réduire les coûts et favoriser l’agilité. En France, d’après le baromètre de l’adoption DevOps d’IDC, alors que 25 % des entreprises (35 % des plus grandes) avaient formellement intégré DevOps dans leurs processus courant 2015, elles étaient 29 % mi-2016. Les consultants de Gartner, de leur côté, affirment, dans leur Enterprise DevOps Survey 2016, que 38 % des entreprises utilisent DevOps.

Une analyse qualitative de TNP Consultants, auprès d’une cinquantaine de grandes entreprises françaises, montre que 80 % d’entre elles considèrent DevOps comme une solution aux problématiques auxquelles elles sont confrontées, en particulier l’amélioration de la qualité des développements logiciels, le besoin d’accélération des déploiements applicatifs et la réduction des délais entre deux instances de déploiement. « Le recours à DevOps est principalement motivé par la nécessité d’améliorer la qualité des développements applicatifs et de réduire le Time to Market, par des contraintes de marché et le contexte de transformation numérique », souligne Thierry Cartalas, directeur associé de TNP Consultants. Toutes les organisations n’ont pas atteint le même niveau de maturité et on peut dresser une typologie des entreprises en trois groupes (voir tableau ci-contre) : les débutants (15 % des projets en DevOps), les intermédiaires (la moitié de leurs projets en mode DevOps) et les leaders (plus de 80 % de leurs projets en DevOps).

Quels facteurs clés de la maturité DevOps ?

Pour Vincent Coudrin, directeur chez TNP Consultants, « cinq éléments sont révélateurs de la maturité de la mise en œuvre du DevOps : la proximité métier, l’embarquement de la sécurité (qui reste un problème dans la plupart des entreprises qui pratiquent DevOps), la co-localisation des équipes, selon le principe « une équipe=un plateau », la responsabilisation des développements, selon le mode « You build it, you run it » (Vous gérez en production ce que vous avez développé), et la politique d’externalisation. » Comment avancer dans une démarche DevOps et éviter d’aller dans le mur ? Le cas est plus fréquent qu’on ne le pense : selon IDC, 50 % des projets DevOps ont été abandonnés en 2016 en France. Plusieurs bonnes pratiques sont utiles.

  • Se focaliser sur la valeur métier plutôt que sur les processus et la technologie. « La vitesse n’est que la première étape : c’est la valeur métier qui est le vrai bénéfice », assure Thierry Cartalas. « L’objectif est de gagner de l’argent en générant de la valeur client, c’est notre driver pour notre approche DevOps, cela contribue également à réaliser des économies pour le système d’information, il y a moins de gâchis et moins de fonctionnalités qui ne servent à rien, car nous avons beaucoup automatisé et les supprimons plus vite, », souligne Jean-Philippe Hervé, directeur du delivery chez Voyages-SNCF. L’agilité dans les processus de delivery a été intégrée il y a quatre ans, « nous avons travaillé avec les métiers pour comprendre la valeur de ce que l’on pouvait leur apporter », précise-t-il. « Au début, DevOps apparaît comme une problématique IT, mais, très vite, les métiers suivent : désormais, on parle de qualité de l’expérience utilisateur et non plus simplement de qualité de service, tout le monde est concerné », ajoute Jean-Philippe Hervé.

Les métiers ont d’ailleurs tendance à en redemander, surtout que DevOps diminue de manière très significative le temps de mise en production, dont on sait que c’est l’un des principaux griefs faits aux DSI, souvent accusées d’un manque de réactivité. « On change d’échelle dans les temps de déploiement, on passe de plusieurs jours à moins de dix minutes, et, entre l’expression des besoins et la mise en production, il faut seulement un mois », assure José Coulombeix, responsable DevOps, gouvernance et tests chez Bouygues Telecom , qui a initié un vaste programme de refonte de son SI, en 2013, dont l’un des points clés était d’intégrer davantage d’agilité et de DevOps de bout en bout.

À la Société générale également, l’agilité a été le crédo des programmes de transformation autour du cloud et de la livraison continue. « En 2016, 20 % de nos projets étaient en mode DevOps, soit l’équivalent de 25 000 jours/homme, notre objectif est d’atteindre 80 000 jours/homme en 2017 », explique Pierre-Benoît Chapuisat, directeur de programme DevOps à la Société générale, « les métiers nous contraignent à livrer de plus en plus rapidement, mais sans dépenser plus, il faut donc économiser : auparavant, il fallait une semaine pour mettre en production, aujourd’hui, c’est moins d’une heure, pour des applications complexes, et dix minutes lorsque c’est simple. » C’est aussi le délai moyen constaté par le DSI de Texa, groupe spécialisé dans les prestatains de services aux assureurs, qui estime que DevOps est davantage fait pour fiabiliser les mises en production, « domaine où il y a toujours des loupés », que pour uniquement réaliser des économies. Certes, comme le met en exergue Pierre-Benoît Chapuisat (Société générale) « DevOps reste un peu abscons pour les métiers », mais « ils acceptent la démarche parce que cela leur apporte de la valeur. DevOps fait tache d’huile : les métiers en parlent entre eux et véhiculent le « C’est mieux et c’est moins cher » associé à DevOps. »

  • Intégrer la sécurité à toutes les étapes. C’est l’un des points faibles de l’approche DevOps, mais qui n’est guère négociable. « Nous sommes très attaqués et donc très sensibilisés à la sécurité, l’équipe qui en a la charge a d’ailleurs une forte autorité sur les backlogs et ça fonctionne très bien », note Jean-Philippe Hervé (SNCF). Pour Pierre-Benoît Chapuisat (Société générale), DevOps est étroitement liée à la sécurité : « Livrer tous les jours, c’est évidemment livrer de manière sécurisée, en vérifiant à chaque fois s’il subsiste des failles. » Un processus qui peut être en partie automatisé, comme chez Texa : « Nous automatisons les tests d’intrusion à chaque mise en production, car c’est déjà arrivé que du code mis en production ne soit pas propre », reconnaît Antoine Brière, DSI du groupe Texa. La sécurité est bien sûr associée à la fiabilité des outils, « notamment pour bien gérer les inévitables montées en charge », suggère José Coulombeix, de Bouygues Télécom.
  • Rester agile de bout en bout. L’agilité associée à DevOps ne vaut que par le maillon le moins agile de la démarche. Pour José Coulombeix (Bouygues Telecom), « l’objectif est de délivrer des fonctionnalités de plus en plus rapidement avec de la création de valeur pour les clients, ce qui suppose d’avoir une chaîne de production agile. » Y compris pour les infrastructures, « elles doivent être aussi agiles que le processus de développement », conseille Cédric Coignard, consultant chez TNP Consultants.
  • Veiller à la gestion du changement. « La seule chose que vous devez savoir à propos de DevOps, c’est qu’il s’agit d’une affaire humaine », résume George Spafford, analyste chez Gartner. Dans l’enquête TNP, le mix qui permet de réussir est constitué à 70 % de culture et à seulement 30 % d’outils. La gestion du changement est incontournable car, souligne José Coulombeix « DevOps remet en cause les responsabilités, notamment celles des équipes de production. » Et, bien sûr, celles des équipes de développement : « La feature team est responsabilisée sur ses applications », assure Antoine Brière, le DSI de Texa, pour qui « il ne faut pas avoir peur de DevOps et démystifier les barrières psychologiques. » Et si la gestion du changement est bien conduite, DevOps est un moyen de valoriser les missions de tous ceux qui y participent. « Avec DevOps, les collaborateurs sont plus heureux, donc pour les fidéliser, faites du DevOps ! », conseille Jean-Philippe Hervé.
DevOps : trois profils d’entreprises
Niveau Débutant Intermédiaire Best in class
Caractéristiques
  • Nouvel arrivant dans le monde du DevOps
  • Maîtrise les bases techniques du CI/CD, mais doit commencer par embarquer production et métier pour passer à l’étape suivante
  • Les principaux chantiers techniques et organisationnels sont lancés et en cours de déploiement
  • La vision n’est pas encore exhaustive sur les processus et les bénéfices réels
  • Très avancé dans l’implémentation, disposant d’une vision claire sur la feuille de route et des bénéfices métiers associés au DevOps
Statut de DevOps Peu de projets DevOps lancés ou à venir (- de 30 %) Peu de projets DevOps lancés ou à venir (- de 40 %) Pratiquant aguerri du DevOps (+ de 70 % de projets prévus pour 2017)
Pratiques en cours
  • Bonnes bases de Continuous Delivery
  • Automatisation des tests unitaires
  • Automatisation des déploiements applicatifs hors production à plus de 80 %
  • Méthodologie agile en cours d’adoption (objectif : 100 %)
  • Adoption en cours des environnements unifiés à 60 %
  • Adoption en cours des logs centralisés à 40 %
  • Les spécifications par les tests (TDD) sont beaucoup plus adoptées que pour les autres profils (+ de 75 % d’adoption)
  • Consommateur de cloud au travers d’API (100 %)
  • Culture agile (100%) et proximité avec les métiers (50 % aujourd’hui, 100 % en cible)
  • Rapprochement des équipes engagé (100 % de co-localisation partielle ou plus)
  • Équipes de développement engagées pour les interventions en horaires non ouvrés et le test des PRA (100 %)
  • Environnements identiques du développement à la production (100 %)
Source : Où en êtes-vous de votre DevOps, enquête TNP Consultants.