La transformation numérique est-elle un domaine à haut risque pour les DSI ? Une étude publiée par Eurogroup Consulting, réalisée auprès d’une vingtaine de DSI, pose la question : le DSI est-il à la place du mort ?
Plusieurs tendances le laisseraient à penser. D’abord, estiment les auteurs, « la DSI éprouve, depuis quelques années, de réelles difficultés à s’imposer comme acteur de référence. Souffrant d’un déficit d’image, issu notamment des grands projets qu’elle a menés, elle se voit aussi confrontée à la concurrence de structures externes (agences digitales, cabinets de conseil…), qui lui sont préférées. » Certes, ces difficultés ne sont pas nouvelles, mais elles changent d’échelle, à mesure que les métiers affirment leurs velléités de s’investir davantage dans les usages, et les investissements qui vont avec, des technologies de l’information.
Les auteurs de l’étude pointent plusieurs tendances historiques qui ont contribué à exacerber les difficultés. Tout d’abord, les modèles d’organisation de la filière sont passés par de nombreuses transformations, avec la prédominance de logiques de centralisation et de rationalisation qui « ont conduit les DSI à traiter avec rigidité toute nouvelle demande leur étant formulée.
Cette rigidité a conduit à l’émergence d’îlots de résistance au sein des filières métier. Ces dernières n’ont plus accepté que leurs besoins numériques spécifiques ne soient pas entendus et rapidement pris en compte. » D’où l’émergence du Shadow IT, que les DSI ont bien du mal à contrôler. Ensuite, « adossées à cette organisation centralisée, les normes et les procédures de la DSI se sont complexifiées au travers de processus SI très structurés, pour répondre aux enjeux de l’industrialisation. »
Des responsabilités partagées avec les métiers
Enfin, les modes de travail des DSI sont également en cause : elles s’enlisent « dans des principes de fonctionnement qui la privent d’agilité et de réactivité », notent les auteurs, qui reconnaissent que la DSI n’est pas seule responsable de la situation : les directions métiers inventent de nouveaux usages et les DSI ne peuvent pas toujours suivre le mouvement, d’autant qu’elles sont encore considérées, par les métiers, comme des « usines », sans relations fortes de partenariat.
« Le rattachement de nombreuses DSI aux directions financières amène naturellement les acteurs de la DSI à sécuriser leur jeu budgétaire et économique de manière à faire bonne figure dans la gestion de leur périmètre (justification des coûts, modèles ABC…). Et ce, alors même que les projets numériques, par nature plus entrepreneuriaux et innovants, empruntent des voies plus risquées et au ROI plus incertain », ajoutent les auteurs.
Les deux-tiers des DSI interrogés dans l’étude admettent que leur entreprise est « peu ou très peu capable » de fonctionner en mode transversal, une sur cinq en étant vraiment capable. Cette situation s’avère plutôt handicapante dans un contexte de transformation numérique, d’autant que les moyens financiers mis en œuvre pour réussir cette transformation sont insuffisants, dans une entreprise sur deux, et très insuffisants, dans une entreprise sur dix. Pire, deux autres éléments constituent des freins puissants : d’une part, la solidité des infrastructures du SI (peu robustes pour 57 % des entreprises) et, d’autre part, le niveau de compétences techniques au sein des DSI, jugées plutôt faibles dans une entreprise sur trois.
Quelques idées à retenir• La DSI est encore loin de proposer à son catalogue des unités d’œuvre permettant de contribuer à des démarches plus expérimentales (dites en logique « Lab »). • La surexposition de la DSI en cas d’échec sur les projets fait naître des comportements et des modèles de gouvernance inhibant souvent toute prise de risque. • Certaines entreprises se félicitent de leurs premières réussites numériques, grâce à l’aboutissement de projets qui offrent à leurs clients de nouvelles expériences plus fluides et sur n’importe quel device. L’organisation se sent grisée par la vitesse alors qu’en fait, elle vient juste de quitter le point mort. • La DSI doit faire preuve d’une certaine schizophrénie entre l’excellence opérationnelle d’un SI industrialisé et une offre de services davantage réactive, évolutive, personnalisée. • Le management intermédiaire doit sortir de son rôle de contrôle et de gardien de la conformité pour explorer plus avant un rôle de facilitateur et de connecteur. • La qualité d’un service numérique ne dépend pas uniquement d’une ergonomie utilisateur réussie et aboutie, mais aussi de l’intégrité des données transmises de la robustesse et de la performance des architectures qui le sous-tendent. • Le numérique impose un effort d’intégration conséquent pour offrir une qualité de service garantie et pérenne. |