Lorsqu’une start-up propose des solutions susceptibles de répondre aux problématiques de la DSI, une collaboration peut se mettre en place. Quelles sont les dix bonnes pratiques à privilégier dans ce type de contexte ?
Si le rôle d’accompagnant concerne surtout les DSI de grands groupes (Cf. Best Practices SI, n° 172, 9 mai 2016), les organisations de taille intermédiaire et les PME peuvent plus aisément travailler avec des start-up en tant que clients. Les DSI de ces petites et moyennes structures peuvent donc être amenés à endosser ce rôle.
1. Privilégier la proximité
Une start-up démarre en général avec une équipe et des ressources réduites. De cette lapalissade découle un constat : pour éviter de disperser son énergie et ses moyens, une très jeune entreprise a plutôt intérêt à commencer par travailler avec des clients situés à proximité.
Bonne nouvelle pour les DSI français et européens, les start-up focalisées sur les besoins IT ne sont pas toutes implantées dans la Silicon Valley, il existe des acteurs intéressants partout. Ce critère de proximité conforte aussi le choix fait par certains grands groupes d’héberger des start-up dans leurs propres locaux. Si la DSI n’a pas les moyens de faire de même, elle peut, en revanche, envoyer quelques collaborateurs auprès de la start-up.
2. Partir du problème à résoudre
Lorsqu’une une entreprise envisage de travailler avec une start-up, il est parfois difficile de savoir vers quels types de solutions se tourner. L’important n’est donc pas tant de bâtir un cahier des charges très détaillé de la solution souhaitée, mais plutôt d’identifier et de délimiter de manière précise un problème à résoudre. De cette façon, l’entreprise laisse le champ ouvert à des approches innovantes.
Exemple : certains clients de la start-up Aroona étaient confrontés à un débit insuffisant sur leurs vieilles fibres optiques. Plutôt que d’envisager directement leur remplacement, ils ont cherché (et trouvé) une autre réponse au problème : « Ce produit est une solution à laquelle on ne pense pas lorsque l’on rencontre le problème de limitation de bande passante sur une vieille fibre optique multimode. Nos anciennes fibres optiques ne sont pas forcément bonnes à jeter, elles peuvent avoir une nouvelle jeunesse grâce à la solution d’Aroona », témoigne ainsi Luc Beurton, responsable réseau de l’université de Bretagne-Sud.
3. Commencer par des projets peu stratégiques
« Des équipes insuffisantes, des erreurs de management ou un produit raté peuvent tous causer des problèmes, et ces cas sont plus fréquents que vous ne le pensez », estime Andy Wilton, DSI de Claranet, dans un article de ComputerWeekly sur la collaboration avec les start-up. Pour réduire l’impact de telles défaillances, mieux vaut donc commencer par des projets modestes, permettant d’évaluer la technologie, mais aussi la manière de travailler avec de jeunes fournisseurs.
Une autre manière de diminuer le risque consiste à mener le projet de manière tripartite, en incluant un partenaire déjà connu de l’entreprise, qui relaie et soutient la start-up.
4. Comprendre les intérêts de chaque partie
Dans l’étude David avec Goliath, publiée début 2016 par Raise et Bain & Company, le premier reproche évoqué par les start-up en cas de collaboration ratée est le déséquilibre du partenariat (38 %). L’instauration d’une relation de confiance, dans laquelle les intérêts de chacun sont bien compris, est la clé pour que les projets avancent. Pour une start-up, cela nécessite de bien comprendre les contraintes spécifiques aux grandes entreprises et à leurs DSI, en particulier :
- les délais à respecter,
- le besoin de présenter des résultats concrets et non un simple « pitch » sur un Powerpoint,
- les exigences de sécurité, de conformité, de confidentialité et de protection des données,
- les budgets, qui ne sont pas extensibles,
- la prise de décision, qui peut être plus longue…
De la même manière, la grande entreprise doit comprendre qu’une start-up ne fonctionne pas tout à fait sur le même modèle que ses autres fournisseurs :
- Les petites structures ne disposent pas forcément des ressources matérielles et financières pour participer à un long processus d’appel d’offres.
- Elles ne peuvent se permettre d’accepter des échéances de paiement très étalées dans le temps.
- Elles ne peuvent se permettre de participer à des hackathons à tout-va, que les plus créatifs et talentueux peuvent percevoir comme une façon de récupérer leur travail à moindre frais.
- Elles n’ont pas forcément intérêt à passer trop de temps à bâtir une solution très spécifique, pas forcément commercialisable à plus vaste échelle.
Comment procéder pour faciliter la tâche aux deux parties ? Selon Bain & Company et Raise, « la grande entreprise pourrait envisager la création d’une « zone franche », une période pendant laquelle les jeunes entreprises bénéficient de procédures plus légères, de contrats plus simples ou de délais de réponse et de paiement plus courts. Il est aussi souhaitable de favoriser l’autonomie de la jeune entreprise, notamment via des relations client-fournisseur sans exclusivité et des prises de participations minoritaires (quand cela est possible). »
5. Maintenir une relation équilibrée
Une entreprise qui choisit de s’engager dans un projet avec une start-up prend un risque. En effet, rien ne garantit que cette dernière sera encore présente sur le marché dans cinq ans. Néanmoins, les statistiques de l’Insee montrent que le pessimisme n’est pas forcément de mise, notamment pour la génération 2010 : « Trois ans après leur création, 71 % des entreprises créées au premier semestre 2010 sont encore actives. Pour tous les secteurs, la pérennité des entreprises de cette génération est plus élevée que celle de la génération 2006, touchée de plein fouet par la récession de 2008-2009. »
La prise de risque n’est donc pas si élevée que l’on pourrait le croire, notamment sur le marché IT. Les cas de start-up qui se développent rapidement ne manquent pas : citons par exemple BonitaSoft (gestion des processus métier), Nexthink (applications analytiques pour l’IT), JFrog (automatisation des déploiements) ou encore AppDynamics (mesure des performances applicatives).
Pour s’assurer d’un minimum de visibilité, rien n’empêche les DSI de questionner un nouveau fournisseur sur ses perspectives d’évolution, sa vision du marché et son plan de développement. Pour accroître encore les chances de survie de leurs partenaires, les grands groupes ont intérêt à privilégier les stratégies « gagnant-gagnant », celles qui aident les start-up à se développer.
Dans les faits, ce n’est pas toujours le cas : une organisation peut être tentée de garder pour elle une solution jugée innovante en verrouillant les contrats : clauses de non-concurrence, restrictions sur la propriété intellectuelle, interdiction de communiquer sur les projets… Tous ces éléments peuvent freiner le développement de la start-up, qui se retrouve fragilisée quand son activité repose sur un seul grand client.
À l’inverse, une grande entreprise a beaucoup à offrir à une start-up dans le cadre d’un partenariat équilibré, en apportant :
- un financement, à travers des budgets réservés à l’innovation,
- une notoriété, ce qui implique d’accepter de communiquer sur le partenariat,
- des expertises métier et techniques,
- l’accès à un réseau international…
6. Penser au sponsoring
Pour un projet concernant l’IT, le DSI lui-même doit s’engager et montrer son intérêt pour l’approche proposée par la start-up. Cela peut signifier, comme le souligne Rodrigue Le Gall (voir encadré), adopter une démarche d’intra-entrepreneur, qui accepte la prise de risque.
7. Prévoir une équipe dédiée au projet
Pour réaliser un projet avec une start-up, la DSI doit être prête à détacher certains de ses collaborateurs à plein temps sur celui-ci, surtout s’il s’agit d’un sujet nouveau et peu maîtrisé. La start-up, dans les phases très en amont de son développement, a besoin d’avoir accès à des interlocuteurs qui connaissent bien le fonctionnement de l’entreprise pour affiner sa solution. En côtoyant des start-up, les collaborateurs de la DSI pourront, quant à eux, s’inspirer de leurs modes de travail et introduire de nouveaux processus plus favorables à la créativité au sein de leur entreprise.
8. Adopter des pratiques plus agiles
La plupart des DSI sont déjà familiarisées avec les méthodes agiles. Sur le plan pratique, elles partent donc avec un peu d’avance sur les autres métiers. Néanmoins, l’agilité doit se propager à tous les niveaux du processus et notamment les achats.
Travailler avec des start-up suppose de mettre en place des processus plus souples que pour un contrat avec un fournisseur bien établi. « Les start-up prennent leurs décisions dans la journée, mais, pour les grandes entreprises, une durée de six mois n’est pas rare », souligne Myriam Beque, responsable du développement de l’innovation chez BNPParibas, citée dans l’étude Raise-Bain & Company. Cette lenteur associée aux grandes entreprises est d’ailleurs le second reproche (36 %) des start-up déçues par une collaboration.
Les DSI ont donc intérêt à anticiper la question en travaillant sur celle-ci avec les services achats, en s’inspirant par exemple de Benoît Bourdin, du Village by CA, Crédit Agricole : « Il y a seulement quelques années, il était compliqué de travailler avec des start-up. En tant que grand groupe, bancaire de surcroît, nous nous focalisions parfois trop sur la santé financière, fragile, de ce type de partenaire. Aujourd’hui, après un véritable effort d’acculturation en interne, il est désormais possible de conclure des partenariats avec de jeunes entreprises innovantes ne répondant pas aux critères habituels. Nos services achats mettent en effet en place les processus le permettant. »
9. Accepter la possibilité de l’échec
Même si c’est dans l’air du temps, grâce à la prise de conscience des grands groupes, travailler avec une start-up reste un pari. Comme le rappelle Oussama Ammar, co-fondateur du fond d’investissement TheFamily, « une start-up cherche son business model, alors qu’une entreprise applique un business model existant. » Dans le deuxième cas, le modèle est connu et le potentiel de croissance relativement aisé à estimer.
Dans le premier cas, l’appétence du marché pour la solution proposée par la start-up est difficile à évaluer. Il y a donc un risque à faire partie des premiers clients, risque que la DSI doit être prête à prendre. Si la culture de l’organisation n’accepte pas la possibilité de l’échec, cela peut s’avérer plus ardu que prévu. Mieux vaut se préparer à cette possibilité, pour pouvoir, le cas échéant, expliquer ses choix auprès de la direction générale. Pour minimiser les conséquences, il ne faut pas hésiter à interrompre un projet s’il ne débouche pas sur les résultats souhaités.
10. Évaluer la maturité de la solution
Pour réduire le risque, il est intéressant de connaître les stratégies utilisées par les start-up pour se lancer. Celles-ci se basent souvent sur le concept de MVP, ou Produit Minimum Viable, pour tester leur idée. Il peut s’agir d’une simple page Web décrivant le service ou d’une maquette un peu plus aboutie, mais encore loin d’un produit finalisé. Faut-il s’engager sur la base d’un simple « teaser », même alléchant ? Si le produit n’existe pas encore, même en version très alpha, méfiance…
Il y a un monde entre les bonnes idées sur le papier et leur concrétisation en quelque chose d’implémentable. Par ailleurs, la DSI n’a pas forcément les ressources pour accompagner le développement d’un produit depuis le début, contrairement aux départements dédiés à l’innovation. Mieux vaut donc privilégier des start-up avec une solution plus aboutie et établir des indicateurs de service précis lors du contrat.
« Les grands groupes ont besoin d’être rassurés »
BPSI. Les start-up ont-elles intérêt à travailler avec les grands comptes ?
Rodrigue Le Gall. Pour une start-up, les grands comptes sont des clients intéressants, car ils connaissent les contraintes d’un projet et possèdent une bonne capacité financière : ils ne vont pas demander la lune pour mille euros. En général, les services qui prennent contact avec des start-up sont un peu des pionniers, ils ont la capacité de prendre des risques et disposent de budgets cohérents. Ce sont souvent des chefs de projets, des managers qui connaissent et apprécient la technologie proposée et qui possèdent un profil d’ « intra-entrepreneurs ».
Aujourd’hui, certains grands groupes ont compris qu’une start-up pouvait bousculer tout un secteur d’activité et qu’ils n’ont pas intérêt à passer à côté des pépites. Pour cette raison, ils sont de plus en plus nombreux à lancer des programmes d’accompagnement et de partenariat. Selon les cas, l’objectif de ces programmes peut être de promouvoir l’innovation, de trouver de nouveaux vecteurs de commercialisation ou d’identifier des technologies qui peuvent être intégrées à leurs offres.
Pour une start-up, l’intérêt de ce type de programme dépend aussi de ses objectifs : soit elle veut s’intégrer à un grand groupe, soit elle s’adresse aux mêmes cibles que celui-ci et le partenariat lui ouvre des portes. Dans ce cas, c’est une logique de « coopétition, » avec un modèle « gagnant-gagnant ». Attention, néanmoins, quand un grand compte est client d’une start-up de son programme : cela peut créer un déséquilibre si cette dernière souhaite démarcher d’autres entreprises du même secteur.
BPSI. Comment ce type de collaboration se met en place ?
Rodrigue Le Gall. Les grandes structures ont besoin d’être rassurées lorsqu’elles travaillent avec des start-up. Les premières à signer le font rarement sur des projets stratégiques, elles testent d’abord sur un périmètre réduit. Notre premier grand client, chez BonitaSoft, était un groupe pharmaceutique, il utilisait notre technologie en Open Source et voulait un service professionnel qui garantisse la pérennité de la solution.
C’est seulement une fois cette première étape franchie que démarrent les processus commerciaux classiques, où il faut passer le cap du département financier. Dans certains groupes, tant que le budget d’un projet n’atteint pas un certain montant, il reste sous le radar des directions achats. C’est rare de les rencontrer au premier contrat signé, cela intervient souvent un peu plus tard, lorsque les montants deviennent récurrents. Dans tous les cas, une start-up doit quand même effectuer les démarches pour être enregistrée comme fournisseur.
BPSI. Comment les fournisseurs « historiques » du marché IT perçoivent les start-up du secteur ?
Rodrigue Le Gall. Avec les fournisseurs du marché IT, c’est la même logique qui se met en place. NexAvis travaille ainsi avec Microsoft : l’éditeur met à notre disposition des ressources marketing et techniques. En échange, notre solution l’aide à consolider son chiffre d’affaires autour d’Office 365, en permettant de mesurer l’impact et le retour sur investissement de la solution dans les entreprises.