Comment faire pour que les « amis » digitaux ne deviennent pas des « ennemis » ? Il faut savoir séparer la sphère privée de la sphère professionnelle !
Concernant l’usage des réseaux sociaux dans la sphère professionnelle, les salariés ont des droits, mais aussi des devoirs :
- Bien que l’usage des réseaux sociaux puisse être toléré, un salarié n’a pas à vaquer à ses occupations personnelles pendant son temps de travail et ne peut donc pas considérer que son temps de connexion sur ses réseaux sociaux fasse partie de son temps de travail. La jurisprudence fixe les limites de l’abus. La CNIL recommande le principe suivant : « L’utilisation des outils informatiques s’est largement développée dans le monde du travail. Une utilisation personnelle de ces outils est tolérée si elle reste raisonnable et n’affecte pas la sécurité des réseaux ou la productivité. C’est à l’employeur de fixer les contours de cette tolérance et d’en informer ses employés. »
- La liberté d’expression, et donc le contenu des propos publiés par les salariés, trouve également sa limite dans l’abus, même sur les réseaux sociaux.
- Un commentaire déplacé sur un réseau social par un salarié à propos de son entreprise ne sera en principe considéré comme privé que s’il n’est pas consultable publiquement (mur ouvert) et que ce dernier dispose d’un nombre faible d’abonnés/amis. La barrière symbolique des 100 abonnés est souvent retenue.
- Certains réseaux comme Facebook permettent de paramétrer la diffusion d’une information, mais d’autres réseaux sont considérés comme « publics » par défaut comme Twitter ou Linkedin.
- Des réseaux comme Linkedin sont aujourd’hui une source de preuve assez facile de rupture de la clause de non-concurrence et de démarchage. Un salarié ne peut pas vouloir à la fois percevoir une indemnité de non concurrence et ouvertement démarcher pour le compte d’une autre entreprise.
- De plus en plus, la charge de la preuve peut être facilitée par les réseaux sociaux : par exemple, un salarié en arrêt maladie qui poste des photos en vacances dans une destination de rêve ou en haut d’une montagne.
- La fréquentation de canaux digitaux avec des outils informatiques de l’entreprise sera jugée en fonction de la proportionnalité de l’usage… Un salarié peut avoir écrit plus de 1 000 tweets au bureau, mais, si la période de temps est longue, la Cour a estimé que cela lui avait pris en fait trois minutes par jour et que donc ce n’était pas un motif qui pouvait être retenu : « A supposer que chaque envoi ait requis un temps de 1 minute, l’envoi de l’ensemble des 1 336 messages correspond environ à 4 minutes par jour. L’envoi également reproché de 90 tweets en deux mois, correspond à l’envoi de moins de 3 tweets par jours travaillés, soit moins de trois minutes. »
- Utiliser abusivement son téléphone personnel pour aller sur les réseaux sociaux pendant son temps de travail peut être considéré comme portant préjudice à l’entreprise.
- L’employeur a le droit, sous certaines conditions, de contrôler l’usage qui est fait par ses salariés des outils qu’il met à leur disposition…
- Tous ces éléments doivent inciter les salariés à ne pas considérer les réseaux sociaux comme un espace d’expression protégé et les entreprises à se doter d’une charte informatique explicitant clairement les droits et les devoirs des salariés dans l’usage des réseaux sociaux. Elle permet de fixer les conditions d’utilisation des outils informatiques dans l’entreprise et notamment leur utilisation à des fins non professionnelles.
Cet article a été écrit par Emilie Meridjen, associée en droit du travail chez Sekri Valentin Zerrouk
Une question d’appréciation
La Cour d’Appel de Pau, le 13 juin 2013, a estimé que la connexion quasi quotidienne et à plusieurs reprises dans la journée sur les sites tels que Facebook, Hotmail ou Charlott L. (un site de lingerie), durant les heures de travail, est une cause réelle et sérieuse de licenciement et non une faute grave. « Les connections quasi-quotidiennes, à plusieurs reprises dans la journée, entre le 12 et le 27 octobre, durant les heures de travail, sur un site sur lequel Mme C. se livrait à une activité commerciale, ainsi que sur des sites communautaires, démontrent que cette dernière durant ces périodes ne pouvait se livrer à son travail au sein de l’agence. »
Autre exemple : la cour de cassation (26 février 2013) a estimé « que le fait de se connecter de façon manifestement excessive à l’Internet sur son lieu de travail à des fins non professionnelles est de nature à constituer une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. » Ce jugement concernait une salariée qui s’était connectée pendant son temps de travail à de très nombreuses reprises à de nombreux sites extraprofessionnels, tels que des sites de voyage ou de tourisme, de comparaison de prix, de marques de prêt-à-porter, de sorties et évènements régionaux, ainsi qu’à des réseaux sociaux et à un site de magazine féminin, soit, au total plus de 10 000 connexions en moins de vingt jours.