La valeur n’est plus ce qu’elle était, en tous cas pas dans les modes dominants promus par les éditeurs de logiciels : le mode On Premise et le Saas. L’auteur de cet ouvrage, Rob Bernshteyn, président de Coupa Software, raconte comment il s’est interrogé sur la notion de valeur lorsqu’il était consultant chez Andersen Consulting, chargé d’implémenter SAP chez Alcatel-Lucent.
« SAP avait vendu sa solution pour plusieurs dizaines de millions de dollars, on comprend que cela crée de la valeur pour l’éditeur ; Alcatel nous payait, en tant que consultants, et nous captions nous aussi de la valeur : mais je ne parvenais pas à identifier la valeur créée chez le client, en terme de retour sur investissement. »
Certes, reconnaît l’auteur, le fait que les éditeurs se soient progressivement orientés vers le mode SaaS et le cloud a contribué à améliorer la situation. « Cela ajoute de la valeur, il n’est plus besoin, pour le client, d’investir tous les coûts de licence en une seule fois et d’assumer seul les risques », résume Rob Bernshteyn.
Value as a service, embracing the coming disruption, par Rob Bernshteyn, Greenleaf Book Group Press, 2016, 180 pages.
Mais, sur le fond, cela ne représente pas une vraie rupture : « La facturation est à la demande, on a moins besoin de consultants et le logiciel s’installe plus facilement mais, sur le long terme, la création de valeur n’est pas au rendez-vous. »
L’auteur a cherché des statistiques applicables à l’industrie du logiciel comme celles que l’on trouve dans d’autres secteurs et qui démontrent que la consommation d’un produit ou d’un service crée de la valeur : « Lorsque je prends un train rapide, je sais que je gagne 40 % de temps ou lorsque j’utilise du détergent, je peux mesurer que mes vêtements seront 10 % plus blancs. » D’ailleurs, insiste Rob Bernshteyn, les publicités des grands noms du logiciel ne mentionnent pas la notion de valeur : « Ils nous expliquent que x % des entreprises de votre secteur utilisent leurs solutions, comme le fait Oracle, ou que le cloud est très tendance, comme le fait SAP : cela n’a rien à voir avec la valeur. »
Que faire ? L’auteur plaide pour la notion de VaaS : Value as a Service. Un principe qui repose sur l’idée que ce qui est promis par un fournisseur peut être mesuré par le client. « Il est incompréhensible que cette approche ne soit pas généralisée dans le monde du logiciel », s’étonne Rob Bernshteyn, pour qui cela représente une « troisième frontière ».
La première est lorsqu’un logiciel émerge alors que rien d’autre n’existe, comme on l’a vu dans les années 1990 avec la multiplication des solutions métiers. La seconde, que l’on observe avec le cloud, permet de personnaliser, via un nouveau canal de distribution. La troisième frontière est celle de la valeur quantifiable.
Il reste à déterminer ce qu’est vraiment la valeur, ce qui la fonde et comment on la mesure. Peut-on, par exemple, considérer que terminer un projet bien avant sa deadline, ou pour un coût inférieur au budget prévu, crée de la valeur si l’on a sacrifié quelques bonnes pratiques de tests ? « Si l’on se base sur la définition du dictionnaire, on peut peut-être mesurer un bénéfice, ce n’est pas pour autant que cela crée de la valeur », estime l’auteur, pour qui il est indispensable de savoir ce que l’on mesure. L’une des erreurs consiste à laisser soit l’éditeur soit le client définir la valeur.
« La valeur doit se déterminer conjointement, c’est un processus collaboratif, même s’il est impossible de satisfaire tout le monde, n’essayez d’ailleurs pas », prévient l’auteur. Il ne suffit pas, hélas, d’interroger les consommateurs, car ils ne le savent souvent pas. « Et lorsqu’ils le savent, cela ne suffit pas à se différencier des concurrents », ajoute l’auteur. Le préalable est de « créer une culture du succès du client et pas seulement de la satisfaction client, c’est particulièrement important pour les modèles basés sur l’abonnement. »
Ensuite, recommande l’auteur, il convient de remplacer une orientation « processus » par une orientation « objectifs ». En évitant les quatre erreurs classiques répertoriées par Rob Bernshteyn : penser qu’un processus inefficient deviendra efficient en changeant de technologie, se contraindre à penser comme avant, déployer une solution sans avoir fixé les objectifs et confier à des consultants le soin de fixer vos propres objectifs.
Plusieurs indices suggèrent que l’on a atteint l’objectif de création de valeur : des parts de marché qui progressent plus vite que celles des concurrents, un rythme plus élevé d’acquisition de nouveaux clients ou une fidélité plus longue des clients existants. Pour réussir, l’auteur propose une approche en dix étapes, avec notamment la compréhension des compétences de l’organisation, l’analyse et la quantification des propositions de valeur, la reconfiguration des processus vers les clients et leur association à la création de valeur…
Quant aux dirigeants et managers qui estimeraient qu’il est inutile de changer, l’auteur rappelle qu’ils n’ont pas le choix, parce qu’au-delà des critères financiers qui mesurent la performance d’une entreprise, c’est sur le terrain de la création de valeur pour les clients que se joue la compétition. Pour ceux qui ne seraient pas encore convaincus, Rob Bernshteyn avance quatre raisons majeures : les clients vont l’exiger « parce qu’ils n’ont aucun intérêt à payer pour une solution qui ne fonctionne pas ou qui ne leur sert à rien » ; il subsiste toujours un avantage aux premiers qui bougent ; comme le changement prend du temps, autant commencer le plus tôt possible ; enfin, attendre le dernier moment et être contraint d’agir. C’est effectivement la pire des solutions…