En période de confinement et même au-delà, les entreprises sont tentées de renégocier les contrats avec leurs fournisseurs. Certaines profitent d’un effet d’aubaine, d’autres s’engagent dans une stratégie réfléchie à plus long terme. Ce qui est évidemment préférable !
La crise sanitaire a aussi eu des conséquences sur les relations avec les fournisseurs. « Nous avons observé une précipitation de certaines entreprises pour suspendre des prestations ou même résilier leurs contrats avec leurs fournisseurs, elles ont profité d’un effet d’aubaine qui a placé certaines ESN en difficulté, même si ce secteur est moins touché que d’autres », observe François-Pierre Lani, avocat associé du cabinet Derriennic Associés.
Les prestations d’assistance technique, ainsi que celles d’assistance aux maîtrises d’ouvrage, ont été particulièrement concernées, ce sont des domaines où les intercontrats sont significatifs. « La crise les a fait passer d’environ 15 % à 30-40 %, même si les dispositifs de chômage partiel ont masqué en partie la mesure de ce phénomène », constate-t-il. Un mouvement favorisé par la relative facilité à résilier de tels contrats : « Les contrats sont faciles à résilier, pour l’assistance technique, un préavis d’un mois suffit », poursuit l’avocat du cabinet Derriennic Associés.
Pour les contrats SaaS, c’est relativement facile. « Attention, les résiliations anticipées permettent à l’éditeur d’obtenir des indemnités. Sur ce terrain, c’est une question de rapport de forces », estime-t-il. Pour des contrats d’un montant conséquent portant sur des logiciels peu structurants pour l’entreprise, il peut être judicieux, à court terme, de se poser la question d’une remise en cause des contrats existants, par exemple pour adapter les périmètres. Attention, certains contrats ne permettent pas de diminuer facilement le nombre d’utilisateurs, et il faut négocier.
« Si la situation économique rend le contrat déséquilibré, il est possible d’envisager une révision à l’amiable, si cette disposition n’a pas été exclue dans le contrat », rappelle François-Pierre Lani. Les éditeurs américains ont toutefois une conception différente de la notion de force majeure : « Le droit anglo-saxon se caractérise par une interprétation plus large, les clients ont généralement moins de droits que les éditeurs. »
Quant à la menace des entreprises utilisatrices consistant à ne plus payer l’abonnement pour une application en mode SaaS, elle aboutit généralement à la coupure de l’accès. « Saisir un juge français avec un contrat anglo-saxon me semble problématique », affirme l’avocat.
La reprise, que l’on peut pressentir pour début 2021, ne se fera de toute façon pas aux mêmes conditions. « Les volumes d’activités ne seront plus les mêmes et les taux journaliers moyens risquent d’être renégociés », assure ce dernier.
Pour les logiciels On Premise, s’il est délicat d’en stopper un qui contribue au maintien en condition opérationnelle d’une entreprise (par exemple pour la production, la vente, la gestion…), il est possible d’agir sur la maintenance, notamment si le secteur concerné n’est pas sujet à des évolutions réglementaires trop fréquentes.
Mais attention : une approche consistant à remettre en cause les contrats existants doit être menée avec la plus grande prudence. « A long terme, c’est une stratégie opportuniste qui s’avère plus problématique. La note peut être salée si cela crée des contentieux avec, à la clé, des pénalités à payer », avertit François-Pierre Lani, pour qui « par rapport à la précipitation des entreprises à renégocier, voire à résilier les contrats en cours, il est temps, désormais , de prendre le temps de la réflexion, pour agir de façon moins réactive. » C’est probablement dans cette voie que vont s’engager la plupart des DSI. Pour Alice Coriat, en charge du Global Client Engagement chez Rimini Street Europe, prestataire de services de support tiers pour les produits logiciels Oracle et SAP, et partenaire Salesforce, « le mode panique lors du confinement a, depuis, laissé la place à des réflexions sur les projets, les budgets et les priorités, dont l’un des objectifs est d’être moins dépendant des éditeurs. »
Comment faire ?
D’abord, anticiper en fonction des conditions contractuelles (dates d’échéance et de renouvellement), notamment pour les solutions très structurantes pour l’entreprise, par exemple pour la maintenance liée aux solutions telles que des ERP.
Ensuite, hiérarchiser les priorités et les domaines concernés. Pour cela, on peut utiliser deux critères : d’une part, le degré de difficulté de renégociation des contrats. Celui-ci dépend de critères tels que l’ancienneté du contrat, l’état de la relation commerciale (plus ou moins conflictuelle), le droit applicable, les clauses particulières des contrats, les périmètres couverts (géographiques, fonctionnels, nombre d’utilisateurs…). D’autre part, la valeur/enjeux/coûts associés aux solutions. Ainsi, quatre cas de figure sont possibles (voir schéma), qui guident les quatre stratégies associées :
- Renégocier à court terme pour les applications à forte valeur et faciles à faire évoluer.
- Optimiser pour les applications à forte valeur, relativement difficiles à renégocier.
- Remplacer ou décommissionner les applications à faible valeur et faciles à renégocier.
- Rationaliser, pour les applications à faible valeur plus difficiles à renégocier.
Support logiciel tiers : vers un boom du marché
A l’heure où les entreprises cherchent à réaliser des économies, l’optimisation des coûts de maintenance constitue une voie à explorer. Selon Gartner, le marché mondial aura triplé entre 2019 et 2023.
Selon les analystes de Gartner, le marché du support logiciel tiers pour entreprises devrait passer de 351 millions de dollars en 2019 à 1,05 milliard de dollars d’ici 2023, soit une augmentation de 300 %. « Si nous comparons les neuf premiers mois de 2018 à ceux de 2019, ces derniers montrent une augmentation de 50 % des demandes des clients Gartner liées au support tiers. Les volumes de demandes Gartner, quant à eux, suggèrent que les DSI et les responsables des achats considèrent désormais le support tiers comme une option établie. »
Les analystes observent que « chaque année, les coûts de maintenance des logiciels augmentent, tandis que les avantages tirés de ce type de support diminuent, conduisant de plus en plus d’entreprises à rechercher des options de support tiers à moindre coût. » Un constat partagé par Alice Coriat, en charge du Global Client Engagement chez Rimini Street Europe : « Beaucoup d’entreprises cherchent à réaliser des économies et à optimiser mais, en même temps, ne peuvent arrêter les prestations de maintenance de leurs applications, car il faut les maintenir en conditions opérationnelles. »
Selon Rimini Street, les entreprises, en s’orientant vers un support tiers, obtiendraient jusqu’à 50 % de gains. Avec 3 000 clients, Rimini Street revendique 80 % du marché de la maintenance tierce des ERP. « Ce n’est pas parce qu’un client quitte un éditeur pour la maintenance que ça se passe mal, c’est au contraire une preuve de maturité qui montre qu’il est capable de faire autrement. Le plus difficile est de lever les craintes des entreprises, elles formulent des objections et c’est normal », ajoute Alice Coriat.
Pour les analystes de Gartner « l’obsession « cloud-first » des éditeurs de logiciels signifie que, pour certaines applications sur site, le support tiers peut être la seule alternative. Alors que les clients sur site voient leurs options se raréfier, le recours à un support tiers indépendant devrait augmenter considérablement.
Un autre avantage du support tiers est qu’il permet aux clients de faire de véritables économies (d’au moins 50 % des coûts à très court terme) pour financer des projets de transformation numérique qu’ils n’ont pas pu mettre en œuvre tant qu’ils restaient cantonnés dans un cycle de support sans cesse croissant. » Pour Alice Coriat, « le legacy, c’est évidemment indispensable d’en assurer la maintenance, mais il faut également le faire évoluer. » Dégager des marges de manœuvre sur les coûts de maintenance permet d’accélérer dans cette voie.