Mouvement de fond, l’externalisation reste marquée par des difficultés : réactivité insuffisante des prestataires, dosage des responsabilités, ajustement des coûts. Entre deux scénarios (intégration de services ou découpage en silos), les DSI ont intérêt à panacher pour réduire les risques de dépendance.
Lorsque les DSI ont goûté à l’infogérance, peu envisagent un retour en arrière, au sens où il serait nécessaire de reprendre en interne avec ses propres équipes. Cela ne signifie en aucun cas que l’infogérance est devenue un monde idéal dans lequel les DSI peuvent s’immerger sans risques. «
Si le principe de l’infogérance n’est pas remis en cause, on observe que les contrats seraient à réajuster dans 70 % des cas et que le client souhaiterait changer de prestataire dans un quart des cas », constate Pierre Laigle, directeur associé du cabinet et conseil KLC et auteur d’une étude sur l’e-Sourcing à l’horizon 2015.
Les avantages de l’infogérance ne manquent pas : amélioration de la sécurité, baisse des coûts, meilleure connaissance des coûts unitaires, adaptation aux variations d’activités et de périmètres de l’entreprise, standardisation et documentation…
Cependant, les difficultés subsistent. Si, la plupart du temps, les plus communes se résorbent (parce que les outillages sont plus performants, que les contrats sont clarifiés et que les directions achats veillent), KLC identifie trois types de difficultés récurrentes. D’abord, se pose le problème de la réactivité des prestataires.
« Il se dégage souvent le sentiment suivant », note Pierre Laigle : « Finalement, chez nous, ça aurait évolué plus vite. Ce point n’est pas facile à régler, car le prestataire est peu sensible à l’accroissement de chiffre d’affaires s’il y a le moindre risque que sa rentabilité diminue. »
Ensuite, se pose le problème de l’équilibre des responsabilités : faut-il laisser le prestataire agir à sa guise ou, au contraire, faut-il s’immiscer au quotidien dans ses actions et intervenir systématiquement dans les prises de décisions ? « Il est certain que, pendant les premiers mois, il y a forcément co-management sur beaucoup de sujets. Mais après six mois, il faut se garder de toute immixtion », conseille Pierre Laigle.
Enfin, il est toujours délicat de gérer le réajustement des coûts, sur une base annuelle : « Il s’agit de rester dans l’esprit du contrat, en tenant compte des évolutions de volumes, de niveaux de service, de niveaux de sécurité… et des variations (à la hausse et à la baisse) des prix de marché. La difficulté est d’arriver à recaler les prix sans jouer sur une mise en concurrence. »
S’affranchir des risques de dépendance à l’égard des prestataires
Ces obstacles ne devraient toutefois pas remettre en cause le développement de l’externalisation : « La raison principale est liée à la difficulté de gérer avec des équipes internes des tâches complexes, soumises à des à-coups de charge, et qui commencent à poser des problèmes de motivation et d’évolutions des équipes », analyse Pierre Laigle. « Avec l’externalisation, telle qu’elle est en train de se stabiliser, on évite ces difficultés, avec en plus trois avantages décisifs en coûts, en standardisation et en flexibilité. »
A terme, deux scénarios se dessinent. Le premier est marqué par un mode d’infogérance classique, avec une forte composante d’intégration de services. Un scénario qui concerne plutôt les entreprises qui n’ont pas la taille critique pour « découper » leur système d’information et/ou qui n’ont pas les ressources en expertise technique pour mener à bien des projets de transformation de leur système d’information.
Le second scénario se caractérise par une externalisation en silos, plus ou moins standardisés. Il s’agit d’une approche suivie plutôt par les grands groupes, pour sous-traiter les fonctions techniques de base du système d’information, par exemple la maintenance d’applications métiers, le help-desk ou l’exploitation des serveurs.
« Un des grands avantages de ces nouvelles conceptions de l’externalisation est qu’elles permettent des solutions durables », assure Pierre Laigle.
Notamment parce qu’il est possible de panacher entre les scénarios et, de fait, s’affranchir des risques de dépendance accrue vis-à-vis des prestataires. Un monde idéal ? Peut-être, mais il reste à ces derniers des progrès à faire pour démontrer leurs capacités de transformation, le retour sur investissement et la qualité de leurs services. « Les offreurs qui ont déjà fait leurs preuves ne sont pas pléthore », assène Pierre Laigle.
Par quoi commencer ? Un plan d’action sur trois ans | ||
Nature du chantier | Délai de mise en place | Effets |
Indicateurs, mesures, engagements de services, catalogue (avec les métiers et dans un cadre Itil) | Année 1 | Qualité |
Outils d’administration et de supervision | Année 1 | Qualité, coûts |
Achats de sous-traitance et moyens (technique, Itil) | Année 1 | Coûts |
Ajustements des engagements de services avec les métiers | Année 2 | Coûts |
Automatisation, regroupements, virtualisation | Année 2 | Coûts, qualité |
Transferts vers les usines et les centres de compétences mutualisés des prestataires | Année 2 | Coûts, sécurité, flexibilité |
Organisation DSI/formations/affectations des équipes internes | Année 3 | Coûts, flexibilité |
Refontes applicatives | Année 3 | Gains majeurs |
Source : « Où va l’e-Sourcing (horizon 2015) », KLC – Groupe Solucom, 2008. |
Avis d’expert
Pourquoi l’e-Sourcing devient-il une préoccupation des DSI ?
Catherine Le Louarn Il y a plusieurs raisons. Tout d’abord, l’émergence de l’offshore a poussé à une redistribution des cartes et, de fait, à une réflexion sur les modèles de fourniture de services pour les entreprises qui ne recourent pas en direct à l’offshore. Ensuite, on observe un « effet gouvernance » : l’e-Sourcing devient un levier de gouvernance.
Il y a enfin une raison moins vertueuse, liée à des déceptions de la part des entreprises qui pensaient que les prestataires allaient tout résoudre, dans une logique à dominante technique. Tous ces éléments ont contribué à accentuer les réflexions sur
l’e-Sourcing.
Sur quelles points principaux porte cette réflexion ?
Catherine Le Louarn La question essentielle porte sur les frontières de responsabilités, la tendance étant à réfléchir à des modes de fonctionnement reposant davantage sur le partenariat. Les DSI sont conscients que les systèmes d’information vont bouger et qu’ils ont besoin d’un accompagnement.
Peu de DSI envisagent une externalisation complète et, au contraire, souhaitent conserver le contrôle du système d’information, notamment pour les éléments critiques. C’est d’ailleurs l’intérêt des référentiels tels que e-SCM que de formaliser les pratiques et de définir le vocabulaire.
C’est rassurant à la fois pour l’entreprise, qui a moins de craintes de quitter un fournisseur, et les prestataires qui constatent que leurs clients ont trop attendu de leur part sur des besoins peu ou mal formalisés.
Les formes contractuelles ont donc changé ?
Catherine Le Louarn Oui, et l’on s’oriente vers des schémas moins figés. Les contrats de cinq ans existent toujours, mais, en milieu de période, les contrats évoluent, par exemple avec une adaptation des indicateurs. En prenant en compte les évolutions non connues au moment du démarrage du contrat. Et les prestataires doivent intégrer le fait que leurs clients vont leur demander des évolutions, mais sans savoir lesquelles.